Si nous prenons tous plaisir à parcourir les pages des comics Marvel dont les récits prennent place au XXIe siècle, c’est compter sans le bonheur de découvrir nos héros favoris dans un environnement différent. C’est ce qu’offre Marvel 1602 en replaçant ses personnages dans l’Europe du XVIIe siècle au cœur d’un univers alternatif où les évènements que nous connaissons n’ont pas ou presque pas eu lieu.
Pour bien comprendre le développement de cet univers, si propice à la création de nouvelles histoires, il faut se projeter dans un futur alternatif imaginé par la Maison des Idées. C’est donc sur la Terre 460 que notre voyage commence. Zebediah Killgrave, que vous avez certainement croisé dans les pages ou épisodes de Jessica Jones, y a remporté les élections, ou c’est du moins une version alternative du personnage qui s’est assis sur le fauteuil de président. Sous ses ordres, la plupart des super-héros et opposants politiques ont été éliminés ou sont morts de vieillesse.
De la rébellion, il ne reste que Captain America qui se bat encore et toujours pour la démocratie et la liberté. A son tour trahi dans sa mission et capturé, il est envoyé dans le passé, sur la Terre-616 (la continuité principale instaurée par la Maison des Idées).
C’est donc au XVIIe siècle que Captain est envoyé. Oubliez tout ce que vous savez de vos héros préférés, de leur naissance, leur découverte des pouvoirs et les raisons qui animent leurs actions pour plonger dans l’Europe d’antan. Les amateurs d’histoire pourront d’ailleurs saluer le travail de recherche des scénaristes qui ont su, avec une certaine subtilité, inclure leurs histoires dans celle du continent.
En 1602, le monde est contrôlé par quelques puissances composées de l’Angleterre, l’Ecosse, l’Église catholique depuis Rome et la Latvérie (un pays entièrement imaginé par Stan Lee et Jack Kirby en 1964 pour Les 4 Fantastiques). Dirigé par des leaders d’exception, le monde connait déjà les mutants, alors nommés Mutantur, qui sont pourchassés par l’Église qui les considère comme des suppôts de Satan.
Forte de l’univers dans lequel elle prend place, cette collection de comics créée par le scénariste Neil Gaiman et par le dessinateur Andy Kubert utilise des éléments de l’histoire que nous connaissons. Toutefois, l’arrivée inopinée de Captain America a modifié de nombreuses choses dans le développement naturel de cette époque : l’Europe est soumise à de violentes intempéries et des phénomènes météorologiques étranges et inhabituels font trembler les populations. Bercés par la religion, les hommes et femmes voient en ces troubles les signes de la fin du monde, du jugement dernier.
C’est le médecin de la reine Elizabeth Ire qui va tenter de comprendre ces évènements. Astrologue fameux et illustre scientifique, le docteur Stephen Strange suppose que les mutants sont responsables de ces changements et se penche sur un cas en particulier, celui de Virginia. Tout premier colon né en Amérique, elle semble posséder des pouvoirs extraordinaires : capable de modifier son apparence, elle appartient aux premiers métamorphes de la Terre et est, selon Strange, obligatoirement liée d’une façon ou d’une autre aux catastrophes naturelles.
Certains leaders comme l’inquisiteur Enrique ou Elizabeth Ire autorisent ces mutants à vivre à certaines conditions. Le premier, extrémiste, souhaite les voir rejoindre son armée, une fraternité pour ceux qui hériteront de la Terre. Son combat, proche de celui de Magnéto, prône la suprématie mutante quand Elizabeth veut les voir éduqués dans l’école spécialisée de Carlos Javier. Vous l’aurez compris, même en 1602, le combat entre Eric et Charles est virulent. La balance finit par pencher en faveur de l’inquisiteur quand la reine meurt puisque son héritier, Jacques Ier, fera emprisonner tous les mutants, forçant les évadés à se réfugier aux États-Unis.
De son côté, Strange travaille toujours sur sa théorie dont il aura confirmation par Le Gardien, Uatu, une entité extraterrestre censée répertorier tous les bouleversements de l’univers. D’après lui, l’arrivée de Captain America dans cette timeline aurait modifié le cours de l’histoire et fait apparaître les mutants 400 ans trop tôt. Pour faire revenir les choses à la normale, il lui faut faire repartir Captain America dans son époque, bravant le nouvel héritier de la reine pour sauver son époque.
Vous vous en doutez, Marvel 1602 est bien plus que l’histoire développée ci-dessus mais se savoure en lisant ses différents tomes. Cette collection publiée entre 2003 et 2010 comprend de nombreux éléments faisant aussi bien référence à l’époque, l’histoire du monde telle que nous la connaissons mais aussi aux mutants et récits relatés sur les X-Men et autres héros depuis les débuts de Marvel. On comprend assez facilement le jeu du scénariste avec la timeline du récit sans que cela n’entrave jamais le plaisir des révélations. Les illustrations servent à merveille l’histoire et sont un plaisir pour les yeux. Une petite perle des comics passée inaperçue auprès du grand public qui mérite toutefois toute votre attention.
Si l’ensemble des récits Marvel tient le lecteur en haleine, la force de celui-ci est la surprise : le dénouement met à mal chacune des hypothèses du lecteur grâce au talent de l’auteur britannique Gaiman. Rien d’étonnant quant on connaît la carrière prolifique de l’artiste, ses multiples récompenses et son implication dans la restauration et la popularité retrouvée de Sandman. 1602 sera suivi d’autres collections magistrales, 1602 : New World, 1602 : Fantastick Four et Spider-Man : 1602, qui raviront les fans des premiers opus.
Petite perle de chez Marvel, 1602 est à découvrir ou redécouvrir d’urgence pour les amateurs et fans de la Maison des Idées. Les personnages replacés dans une nouvelle époque saisissent l’occasion pour se dévoiler plus encore et se développer différemment. Gaiman a, une fois de plus, fait des merveilles avec cette collection qui offre un voyage temporel entre notre monde et celui des mutants. Sombre, fin et intelligent, Marvel 1602 s’inscrit sans aucun doute parmi les meilleurs comic books de la maison d’édition.