
Depuis plusieurs années, les scientifiques observant Mars à l’aide d’orbiteurs ont repéré des stries sombres apparaissant et disparaissant sur les flancs de cratères et les falaises de la planète rouge. Ces observations ont suscité beaucoup de spéculations, car elles semblaient indiquer la présence d’eau s’écoulant à la surface de Mars. Certains scientifiques ont même avancé l’idée que ces traînées étaient dues à la fonte de glace saumâtre sous l’effet de l’été martien. Mais une nouvelle étude vient bouleverser cette hypothèse.
Une ancienne hypothèse fondée sur la présence d’eau
Notre compréhension de l’histoire de Mars repose en grande partie sur celle de l’eau. Si la planète est aujourd’hui froide et aride, les scientifiques pensent qu’elle était autrefois chaude et humide, avec des océans en surface. L’une des grandes questions reste de savoir ce qu’il est advenu de cette eau.
Lorsque ces traînées sombres, appelées « lignes de pente récurrentes » (ou RSL, pour Recurring Slope Lineae), ont été découvertes, elles ont généré beaucoup d’espoir. Elles semblaient indiquer la possible présence d’eau souterraine s’infiltrant jusqu’à la surface. Cela a également ravivé les discussions sur la possibilité que des formes de vie microscopiques puissent subsister dans ces réservoirs souterrains.
Ces RSL apparaissent aux mêmes endroits de manière saisonnière et peuvent s’étendre sur plusieurs centaines de mètres le long des pentes martiennes. Mais une étude récente, publiée dans Nature Communications, affirme que ces traînées ne sont pas liées à de l’eau. L’étude, intitulée « Streaks on martian slopes are dry » (« Les stries sur les pentes martiennes sont sèches »), a été dirigée par Valentin Bickel, du Centre pour l’espace et l’habitabilité de l’université de Berne (Suisse), et Adomas Valantinas, de l’université de Brown (États-Unis).
Une nouvelle étude tranche
L’étude se concentre sur deux types de phénomènes observés sur Mars : les fameuses RSL, qui apparaissent et disparaissent selon les saisons, et des stries de pente plus persistantes, qui mettent parfois des années à s’estomper. Les chercheurs expliquent que ces stries sombres, visibles sur les pentes martiennes, ont souvent été attribuées à des processus impliquant de l’eau, comme la fonte de glace saumâtre ou des infiltrations saisonnières. Cependant, leurs conclusions suggèrent que ces hypothèses ne tiennent pas.
Pour mieux comprendre ces phénomènes, les chercheurs ont analysé un catalogue contenant plus de 500 000 stries martiennes, dont 13 026 traînées lumineuses et 484 019 sombres. Ces dernières, plus récentes, apparaissent souvent là où des impacts ou des éboulements se produisent.
Leurs résultats excluent plusieurs hypothèses, notamment celles impliquant des tourbillons de poussière, des chutes de pierres ou des cycles thermiques. De plus, aucune preuve solide ne soutient un scénario de formation humide. Contrairement à ce que l’on pensait, ces traînées sombres ne sont pas influencées par l’orientation des pentes ni par des phénomènes liés au gel du CO2.
Une formation due à des processus secs
Les mécanismes de formation sèche semblent être les plus plausibles. Les chercheurs ont établi trois corrélations significatives : les traînées sombres apparaissent plus fréquemment près de nouveaux cratères d’impact, dans des zones avec des vents supérieures à la moyenne et à proximité d’importants dépôts de poussière saisonniers, en particulier pendant l’hiver septentrional.
Ces résultats renforcent l’idée que Mars est une planète extrêmement sèche et désertique. « Nos observations suggèrent que la surface martienne ne connaît pas actuellement de flux d’eau liquide, même transitoires », expliquent les chercheurs. Cette conclusion pourrait avoir des implications importantes pour l’exploration future de Mars. Si les traînées sombres sont effectivement sèches, le risque de contamination par des microbes terrestres est considérablement réduit, ce qui simplifie les protocoles de protection planétaire.
Les chercheurs concluent également que les régions où apparaissent ces traînées ne sont probablement pas habitables. Comme l’explique Adomas Valantinas, « cette approche fondée sur l’analyse massive de données permet de trancher certaines hypothèses depuis l’orbite, avant d’envoyer des engins au sol ».
Par ailleurs, de vastes structures cachées ont été découvertes sous la surface de Mars.