— Joseph Calev / Shutterstock.com

À l’heure où les pesticides sont pointés du doigt, agriculteurs comme scientifiques cherchent des solutions pour protéger les cultures sans utiliser de produits chimiques. Cette solution pourrait cependant se trouver dans la nature. On l’appelle la lutte biologique et elle est déjà bien connue des jardiniers.

En 70 ans, l’utilisation de pesticides dans les cultures n’a cessé de croître. Si dans les premiers temps, beaucoup considéraient ces produits comme pratiques car ils éliminaient les insectes sans effort, les récents scandales sanitaires ont révélé que ces produits étaient potentiellement nocifs pour notre santé et pour l’environnement. Malgré ces conséquences désastreuses, en 2017, plus de 4 millions de tonnes de pesticides étaient encore utilisées à travers le monde.

En France, de plus en plus de villes les bannissent et de nombreux agriculteurs cherchent des alternatives pour éviter d’utiliser des pesticides. C’est là que la lutte biologique entre en jeu. Son principe est simple : utiliser des organismes vivants que l’on appelle des auxiliaires pour éliminer les insectes nocifs (les ravageurs) aux cultures.

Faire appel aux insectes n’est en soi pas une idée nouvelle car avant l’avènement des pesticides, les jardiniers faisaient déjà appel à certains insectes pour éliminer les nuisibles qui ravageaient leurs cultures. Parmi les exemples les plus connus encore utilisés aujourd’hui, on trouve la coccinelle qui, une fois lâchée, se débarrasse des pucerons qui sévissent sur les rosiers et les arbres fruitiers. Les cécidomyies peuvent également être libérées dans les jardins pour manger les pucerons. Toutefois, l’utilisation des insectes à grande échelle a pris un tournant dans les années 90 quand une invasion de cochenilles du manioc a failli causer une importante famine en Afrique.

Importée par accident d’Amérique du Sud, la cochenille a dévoré une grande partie des cultures de manioc, pourtant une base importante de l’alimentation sur le continent. Très vite, ce sont 27 pays du continent qui sont envahis par la cochenille. Cependant, l’entomologiste Hans Herren a trouvé une solution naturelle pour combattre ce fléau. Spécialisé dans l’étude des insectes, il propose de combattre la cochenille en lâchant dans les cultures Epidinocarsis Lopezi, une espèce de micro-guêpe qui joue les pesticides naturels.

Après avoir convaincu les autorités, les insectes sont répandus dans les cultures et en l’espace d’une saison, le nuisible avait complètement disparu. L’insecte aurait ainsi contribué à sauver plus de 20 millions de personnes selon certaines études. Aujourd’hui, de plus en plus de cultivateurs font appel à la lutte biologique. C’est le cas notamment de la Cueillette de Gally en région parisienne. Dans ses vergers, des milliers de typhlodromes dévorent des acariens qui sucent la sève présente dans les feuilles des arbres.

Si l’idée de passer à une agriculture utilisant exclusivement la lutte biologique peut sonner comme la solution idéale, son utilisation doit toutefois être raisonnée. Elle a entre autres connu de grands échecs comme ce fut le cas à la fin des années 80 avec la coccinelle asiatique. Importée d’Asie, elle était censée combattre une variété de pucerons ravageurs très présents en Europe et aux États-Unis. Cependant, elle s’est multipliée à grande vitesse, devenant dangereuse pour la biodiversité car elle dévore les autres coccinelles.

Un spécimen de coccinelle asiatique

Pour éviter de reproduire une telle erreur, les scientifiques étudient en laboratoire le comportement des auxiliaires face à un ravageur. Ils regardent comment ils se développent, s’ils prolifèrent, ou encore s’ils ne s’attaquent qu’à une seule espèce. Certains insectes pourraient ainsi être utilisés à l’avenir sur des cultures où l’utilisation de pesticides est interdite, comme c’est le cas avec le maïs. À l’heure où 72 % des fruits et 41 % des légumes que nous consommons en France contiennent des résidus de pesticides, la lutte biologique se présente comme une alternative plus saine et plus responsable pour cultiver des aliments à condition qu’elle soit utilisée de façon responsable.

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