Image montrant la tête et le corps d’Elysia cf. marginata, un jour après l’autotomie. Le corps de mue se révèle beaucoup plus lourd (plus de 80 % du poids total de l’animal) que la tête — © Sayaka Mitoh

Des scientifiques japonaises ont récemment documenté l’un des exemples les plus extrêmes jamais observés en matière de régénération : des limaces de mer s’auto-décapitant pour faire repousser un nouveau corps.

Une capacité de régénération stupéfiante

Si certaines espèces animales sont capables de se débarrasser volontairement de leur queue ou d’une patte endommagée afin qu’elles soient remplacées par des membres tout neufs, comme cela avait été précédemment observé chez les lézards, le alligators ou les axolotls, les pouvoirs de régénération de deux espèces de limaces de mer sacoglosses se révèlent encore plus impressionnants. Celles-ci peuvent en effet séparer leur tête de leur corps et le régénérer entièrement à partir de celle-ci, cœur et autres organes vitaux compris.

Décrite dans la revue Current Biology, cette incroyable découverte a été réalisée par des chercheuses de l’université féminine de Nara, au Japon. Alors qu’elles élevaient plusieurs spécimens en laboratoire afin d’étudier leur biologie, les scientifiques ont observé une forme rarissime d’autotomie, capacité de se séparer volontairement d’une partie de son corps. Si la partie abandonnée dépérit et meurt en temps normal, il s’est avéré qu’une fois détachée, la tête de la limace de mer rampait et continuait à se nourrir d’algues.

Tête d’Elysia cf. marginata juste après l’autotomie — © Sayaka Mitoh

« Nous avons été surprises de voir la tête bouger juste après l’autotomie », explique Sayaka Mitoh, auteure principale de l’étude. « En l’absence de cœur et d’autres organes essentiels, nous pensions qu’elle mourrait rapidement, mais un corps complet s’est par la suite développé autour de celle-ci. »

Séparation à l’amiable

L’équipe a constaté que le corps et la tête des limaces se déplaçaient indépendamment après avoir été séparés, et qu’au bout de quelques jours, la blessure à l’arrière de cette dernière s’était résorbée. En l’espace de sept jours, un nouveau cœur était apparu, et il a fallu en compter deux de plus pour que la régénération de leur corps soit complète.

Bien qu’ils n’aient pas connu un processus similaire, les corps initiaux (ou de mue) ont continué à se déplacer et à réagir au toucher pendant quelques mois. L’âge semble par ailleurs constituer un facteur majeur pour la régénération des limaces : si les jeunes spécimens pouvaient se séparer de leur tête sans problème, lorsque les spécimens plus âgés s’y essayaient, celle-ci cessait de se nourrir et mourait au bout d’une dizaine de jours.

Séquence vidéo montrant la tête et le corps d’Elysia cf. marginata, 3 jours après l’autotomie. La tête bouge spontanément, et le corps bouge légèrement, réagissant au toucher

Cellules souches et photosynthèse

Ces différentes découvertes soulèvent de nombreuses interrogations. Si elles envisagent que le cou des limaces puisse renfermer des cellules souches ou apparentées, les chercheuses ignorent actuellement le fonctionnement exact du processus de régénération, et se demandent également comment leur tête peut survivre aussi longtemps. Cette particularité surprenante pourrait quant à elle être liée à une autre capacité unique des limaces : la photosynthèse, via l’assimilation des chloroplastes contenus dans les algues qu’elles consomment, qui maintiendrait la tête en vie suffisamment longtemps pour qu’un nouveau corps puisse se former.

Ces questions, ainsi que les raisons pour lesquelles ces créatures se livrent à cet étrange « rituel » et quels éléments pourraient déclencher le processus, seront étudiées prochainement.

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