Voyager dans l’espace, certains l’ont déjà fait sans jamais aller très loin. Mais dans le futur, il n’est pas grotesque d’imaginer découvrir d’autres mondes avec, peut-être, une faune et une flore inconnues. C’est ce que fait le Cycle d’Ender : cette saga de science-fiction nous propulse dans un univers qui pourrait être le nôtre et nous donne un avant-goût. Toutefois, l’intrigue ne tient pas dans l’exploration spatiale : au travers de ces 6 romans déjà parus, l’auteur Orson Scott Card imagine ce que pourrait devenir notre société, avec ses réactions, ses problèmes et ses impératifs, sous le choc des civilisations que serait la rencontre d’un troisième type.
Le Cycle d’Ender commence par une nouvelle, La Stratégie Ender, publiée en août 1977 dans Analog Science Fiction and Fact, magazine américain de science-fiction. Suite à un succès indéniable, son auteur, Orson Scott Card, écrivain américain né en 1951, décide d’en faire un roman. La première version est publiée en 1985 et présente plusieurs divergences dans la continuité de l’histoire originale. Card avait pour volonté de rendre le livre plus proche de la société contemporaine en incluant la chute de l’Union soviétique et la fin de la Guerre Froide.
Et c’est une réussite. Le prix Nebula lui sera accordé en 1985, puis le prix Hugo en 1986. Le second roman du Cycle, La Voix des Morts, également prix Nebula 1986 et Hugo 1987, sort moins d’un an après. Depuis, ce ne sont pas moins de 14 romans, 13 nouvelles, 47 numéros de comics, d’audioplays et un film qui sont venus étoffer l’univers étendu d’Ender. Certains racontent la suite, d’autres le passé, ou bien prennent le point de vue d’un personnage différent. Et ça ne s’arrêtera pas là. Un nouveau livre sera publié le 2 août 2016 et 4 autres sont déjà prévus pour s’ajouter aux 6 premiers livres du Cycle original. Orson Scott Card est ce qu’on peut appeler un auteur prolifique.
L’univers d’Ender nous emmène dans le futur. L’humanité s’est enfin affranchie des contraintes terrestres et porte maintenant son regard sur le reste de la galaxie. Dans une course à l’exploration encore naissante, une menace d’un nouveau genre se déclare. Les Formiques, une race extraterrestre insectoïde très agressive. Leur volonté est claire, coloniser la Terre. Deux guerres se succèdent pendant lesquelles une hégémonie est mise en place pour coordonner les contremesures. Ce triumvirat se compose de l’Hégémon, gouverneur du monde, le Stratège, responsable de la Flotte Internationale et le Polémarque, en charge de la défense du système solaire. L’humanité n’a désormais qu’un seul but : survivre à la prochaine invasion et mettre définitivement fin à la menace.
Plus facile à dire qu’à faire. Une force coloniale formique forte de plus de 80 systèmes colonisés dans la galaxie et technologiquement supérieure est sans doute déjà en approche. L’adversaire a eu le temps de regrouper ses troupes et ne peut plus perdre. 70 ans plus tard, le dernier espoir alors confié à la Flotte Internationale et son École de Guerre repose sur un nouveau programme de formation militaire. Le plan, sélectionner les meilleurs éléments parmi les enfants de toute la Terre et leur apporter la meilleure formation en matière de commandement, stratégie et tactique. Dotés d’une intelligence et d’une maturité hors du commun, tous sont exceptionnels.
Cependant il en est un, Andrew « Ender » Wiggin, qui les surpasse tous. Déjà pressenti pour devenir le chef de l’armée globale, il suivra un entrainement accéléré, bien plus difficile que ce qu’aucun autre enfant n’aura subi avant lui. Les hautes instances militaires ont fait leur choix, ce sera lui l’arme ultime, capable de détruire toute menace, coûte que coûte, pour en finir une fois pour toutes avec ces Formiques.
Nous retrouvons donc Ender lors de son périple. Il devra d’abord quitter la Terre, sa famille et sa vie pour faire ce qu’on attend de lui. Sauver l’humanité. Un poids lourd à porter lorsque l’on a 6 ans, dans un environnement militaire, sans amis, rival de tous les autres. Très orienté stratégique, le premier tome est une ode à la stratégie militaire. Il a été par exemple conseillé comme lecture dans plusieurs organisations comme le Corps des Marines des Etats-Unis. Il est grisant de se retrouver au centre de l’action, pouvoir apprécier le génie tactique de cet enfant surdoué. Les scènes en gravité zéro décrites vous portent en apesanteur et l’action défile dans votre esprit à une vitesse effrénée.
Ce premier tome du cycle, La Stratégie Ender, est un entretien direct avec cet esprit supérieur. Une profonde analyse sociétale, et la confrontation d’une société face à une menace inconnue prenant le point de vue d’un enfant sage, mature, innocent. Evidemment la survie de l’humanité est une priorité, mais quel en sera le coût ? Qui est le véritable ennemi ? L’auteur a tenté de faire preuve d’objectivité face à une situation déjà répétée dans notre Histoire. L’effet est instantané. Il inspire une vraie remise en question et une réinterprétation de nombre d’événements personnels ou globaux. Une leçon.
La suite du Cycle d’Ender tournera autour de cette première histoire. Bénéficiant du principe de la relativité du temps, Andrew Wiggin aura l’occasion de voyager de monde en monde, de colonie en colonie et d’apprécier les conséquences de ses actes à travers les siècles. C’est ainsi que dans le second tome, La Voix des Morts, Ender n’existe plus depuis des siècles et a laissé sa place à Andrew Wiggin, simple voyageur. Il se rend sur une planète lointaine nommée Lusitania, où cohabitent colons humains et Pequeninos, une nouvelle race extraterrestre. La différence des civilisations mènera peut-être à un nouveau bain de sang.
Dans Xénocide, le troisième tome, notre héros tentera de trouver une solution à une maladie étrange qui risque l’annihilation de la colonie. La virulence de ce nouveau fléau fait peur, et menace le reste des systèmes alors que l’autorité stellaire souhaite prendre des mesures de précaution drastiques.
Dans ce quatrième tome, Les Enfants de l’Esprit nous présente un nouvel intervenant, immatériel. L’épidémie est sous contrôle, mais trop tard. Le Congrès Interstellaire est déjà en route pour détruire Lusitania. Le cinquième tome, Une Guerre de Dons, fait un retour en arrière et nous montre le point de vue de Zeck, élève à l’École de Guerre. Éduqué dans le plus pur pacifisme, il rejette l’autorité militaire et s’isole des autres élèves. Jusqu’à sa rencontre avec Ender. Dans Ender : l’Exil, le sixième tome, nous retrouvons notre héros à la fin de la troisième guerre formique. Sa légende convoitée par les puissances terrestres qui s’affrontent dans un style Guerre Froide, il entreprend un voyage de 3000 ans pour devenir, peut-être, gouverneur de la première colonie humaine.
Dense mais facile à lire, enivrant sans jamais soûler, chacun des livres du Cycle d’Ender porte un message et un point de vue. Au-delà d’un récit de science-fiction fascinant, Orson Scott Card nous livre une vision nouvelle sur la société. Une réinterprétation des événements qui est soumise sous forme de questions légitimes et ne force pas la main. Une saga qui se classe très bien parmi les meilleurs œuvres de sa catégorie.
Par Gabriel Pilet, le
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