Et si la clé de l’origine de l’eau dans le Système solaire se trouvait non pas sur Terre ou sur Mars, mais sur la face cachée de la Lune ? C’est ce que suggère une découverte chinoise inédite. Grâce à la mission Chang’e-6, des fragments de météorites d’un type ultra-fragile et incroyablement riche en eau ont été identifiés pour la première fois dans le régolithe lunaire.

Des chondrites gorgées d’eau retrouvées intactes sur la Lune : une première mondiale
Quand j’ai lu les premières lignes du rapport chinois sur la mission Chang’e-6, j’ai failli recracher mon café. Des fragments d’astéroïdes gorgés d’eau découverts sur la face cachée de la Lune ? Pardon ? C’est une première mondiale, et ce n’est pas rien. Ces matériaux, qu’on appelle chondrites carbonées de type Ivuna (CI), sont tellement fragiles qu’ils n’arrivent quasiment jamais entiers sur Terre. Ils se désintègrent dans l’atmosphère, ne laissant que des miettes à nos scientifiques.
Mais sur la Lune, l’absence d’atmosphère change la donne. Et voilà que ces chondrites rares, riches en eau et composés volatils, laissent leurs empreintes dans le régolithe lunaire. Une première qui ouvre un champ d’études fascinant sur le passé chaotique du Système solaire.
Le bassin Apollo, coffre-fort géologique et témoin d’un impact ancien
Le lieu du prélèvement n’est pas anodin. Les échantillons proviennent du bassin Apollo, niché au sein du pôle Sud-Aitken, l’un des plus grands cratères d’impact du Système solaire. Une sorte de coffre-fort géologique, conservant les cicatrices des événements passés.
Les géochimistes Jintuan Wang et Zhiming Chen ont analysé plus de 5 000 fragments lunaires, scrutant chaque grain à la recherche de l’élément-clef : l’olivine. Ce minéral, typique des roches volcaniques et météoritiques, agit comme une sorte d’ADN minéral. Sa présence, sa forme, sa structure… tout raconte une histoire.
Et ce qu’ils ont trouvé, c’est une trace claire et nette de chondrite CI, piégée dans les grains lunaires. Un peu comme si un astéroïde s’était crashé là il y a des milliards d’années, et que ses restes s’étaient figés dans le sol lunaire. Ce n’est pas juste fascinant, c’est potentiellement révolutionnaire.
Un matériau riche en eau et d’une fragilité extrême préservé contre toute attente
Les chondrites CI, c’est le Saint Graal pour ceux qui cherchent à comprendre l’origine de l’eau dans le Système solaire. Elles en contiennent jusqu’à 20 % de leur masse. Sur Terre, on les récupère rarement intactes. Mais là, sur la Lune, on peut les étudier presque à l’état natif.
Cette découverte remet en question l’idée selon laquelle tous les matériaux friables sont irrémédiablement détruits lors d’un impact sans atmosphère. Et surtout, elle nous offre une nouvelle manière d’accéder à des fragments très anciens du Système solaire, sans avoir à envoyer une mission vers un astéroïde lointain.
Mieux encore : cela pourrait aider à expliquer comment l’eau a voyagé dans le Système solaire primitif, et peut-être même comment elle a atteint la Terre. C’est comme si on ouvrait une boîte noire géologique laissée sur la Lune depuis des éons.
La Lune redevient un laboratoire d’exploration scientifique de premier plan
Soyons honnêtes : pendant longtemps, l’exploration de la Lune a paru… un peu réchauffée. Les grandes heures d’Apollo, c’était il y a un demi-siècle. Mais là, la mission Chang’e-6 montre qu’on est loin d’avoir tout compris. Et que la Lune, même dans ses régions les plus inaccessibles, peut encore nous surprendre.
Cette mission n’est pas juste un exploit technologique. C’est un coup de projecteur sur un passé oublié, sur des processus cosmiques qui ont façonné les planètes, les lunes… et peut-être la vie elle-même. Et si demain, on allait non pas chercher l’eau sur Mars, mais comprendre son origine sur la Lune ?
Par Eric Rafidiarimanana, le