Si le mouvement #MeToo a fait grand bruit aux Etats-Unis et en France, certains pays ont été relativement peu sensibles au mouvement. C’est le cas du Japon, où la loi, trouble, a tendance à gracier les violeurs. Une situation insupportable pour les victimes d’agression, qui manifestent pacifiquement depuis avril pour réclamer une révision de la loi, ainsi qu’une remise en question profonde de la société.

Une loi désuète qui favorise les agresseurs

La législation nippone, qui date de 1907, remet systématiquement en cause la parole des victimes, et demande à l’accusation des preuves solides de l’usage d’une force écrasante, de menaces, ou de l’incapacité de la victime à échapper à l’agression.

L’absence de consentement, ainsi que la notion d’abus psychologique ne sont donc pas un critère pour le texte, et il reste à la charge de la victime de prouver qu’elle a fait tout son possible pour échapper au viol. Un flou juridique qui est à l’origine de nombreux acquittements, en faveur des agresseurs.

Depuis l’affaire Shiori Ito, une journaliste victime de viol qui a eu le courage de porter plainte, les langues se délient cependant, les plaintes augmentent (elles ont alors bondi de 5 à 39 %), et les témoignages accablants s’enchaînent, relayés par les médias.

Le 12 mars, l’acquittement d’un homme par la cour de Fukuoka, ayant estimé que la plaignante, une collègue de travail n’avait pu exprimer son absence de consentement du fait que la victime était ivre et inconsciente, fait grand bruit. Même son de cloche le 29 mars, lorsqu’un père est reconnu non coupable de viols répétés sur sa fille de 14 ans, malgré les nombreux films pédopornographiques retrouvés dans le domicile familial.

— kenchiro168 / Shutterstock.com

Des manifestation et des associations pour prendre la parole et faire bouger les choses

Une situation intolérable, pointée du doigt par plusieurs associations, comme Voice Up qui lutte pour la protection des victimes et une modification en profondeur de la législation. L’association a d’ailleurs mis en ligne une pétition qui, forte de plus de 47 000 signatures, réclame en priorité une redéfinition de la notion de consentement, une reconnaissance immédiate de la notion de viol lorsque l’acte à été perpétré sur un mineur âgé de moins de 13 ans, mais également la fin de « l’exigence d’une preuve » que la victime n’a pu se défendre.

Comme l’explique Kazuna Yamamoto, l’étudiante à l’origine de l’association Voice Up, « au Japon, le harcèlement sexuel a pris tant de formes différentes. C’est si courant que l’on ne mesure même plus la violence de ces actes. C’est dramatique. »

Selon l’avocate Yukiko Tsunoda, la situation est exacerbée par le passé extrêmement patriarcal du Japon, un pays où le silence et la pudeur sont de mise. Selon elle, les principes sexistes sont profondément ancrés dans le système judiciaire nippon.

Pas étonnant, lorsque l’on sait que le pays a été classé 110e sur 149 dans le dernier rapport du Forum économique mondial sur les inégalités entre les sexes. Des manifestations ont également lieu tous les 11 de chaque mois, pour encourager les victimes à prendre la parole, et pour communiquer au gouvernement l’émotion vive que soulèvent ces décisions de justice.

Ces rassemblements, connus au Japon sous le nom de Flower Demo, et initiés par les ONG Spring, Voice Japan et Human Rights Watch, incitent les femmes à se rassembler, une fleur à la main, pour se recueillir en hommage aux victimes et partager leurs témoignages. Une situation entendue par le gouvernement japonais, et « prise très au sérieux », selon un responsable du ministère de la Justice. Il ne reste plus qu’à espérer que ces voix féminines courageuses encouragent le gouvernement à entamer une refonte en profondeur de la loi, pour lever les stigmates sur les agressions sexuelles dans l’archipel, et enfin offrir aux victimes l’exutoire qu’elles méritent.

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