Dans la France du XVIIe, sous le règne flamboyant de notre Roi Soleil, l’Église était toute puissante. Sa ténébreuse autorité faisait loi dans le coeur des hommes et des femmes liés par les saints sacrements du mariage. Sous la bénédiction de Dieu, les époux se juraient mutuellement honneur et fidélité : interdiction de batifoler ailleurs que dans la chambre maritale et obligation « d’honorer » le devoir conjugal. C’est sur ce dernier commandement que s’est lamentablement illustré le Marquis de Langey…

 

Wanted : Libido du Marquis

Au XVIIe siècle, les mariages forcés étaient chose commune pour s’accaparer richesses et titres de noblesse; Molière lui-même en appelait à leur disparition dans ses pièces de théâtre. Victime de son statut de nobliau, René de Cordouan, dit le Marquis de Langey, se vit contraint d’épouser une jeune aristocrate par pur intérêt financier. Privé de son droit au bonheur, l’intransigeant Marquis décida que sa nouvelle épouse ne goûterait rien d’autre que son nom : point d’étreintes enfiévrées ni de baisers voluptueux. 

La malheureuse hurla à l’outrage et mit son mari au pied du mur : soit il se résolvait à la « besogner », soit leur différend se règlerait devant les plus hautes instances ecclésiastiques. Fidèle à sa parole, le Marquis refusa de toucher la moindre parcelle de sa peau. Blessée dans son orgueil de femme, elle porta l’affaire devant les prélats et obtint la création d’un congrès le 8 février 1659 destiné à juger les capacités maritales du Marquis.

Le Tribunal de l’impuissance 

Si les autorités religieuses ont toujours été complaisantes à l’égard de l’infidélité masculine – cf Sexo-monarchie – il n’en a pas été de même avec le manquement au devoir conjugal… Ce crime de lèse-majesté, car il n’est pire crime que ne pas désirer perpétuer l’espèce, était sévèrement puni par la loi. Il pouvait vous en coûter un divorce, et des dommages et intérêts très, très salés… Considéré comme un viol délibéré des saints sacrements du mariage, le refus « d’arranger sa femme » – selon l’expression consacrée par De Funès – était un outrage au mariage, à l’Église, à Dieu, à l’univers… Vous auriez tué un serf que c’eût été moins grave !

Le congrès de 1659 aboutit à la création du Tribunal de l’impuissance, ersatz de l’Inquisition espagnole, dont la mission divine était de confirmer – ou d’infirmer – les accusations d’impuissance portées à l’encontre de maris si peu enclins à céder aux plaisirs de la chair. Seul face à cette impressionnante congrégation de vautours à la mine sévère, le prévenu devait prouver l’absence de dysfonctionnement érectile en hissant bien haut le drapeau de la virilité. Vous devinez la suite : le Marquis ne leva rien du tout et repartit la queue entre les jambes.

Tromperie sur la marchandise

L’Église était d’autant plus sévère avec l’impuissance masculine qu’elle jetait l’opprobre sur les deux parties : l’époux et l’épouse ! Une femme demeurée vierge jusqu’au mariage et boudée par son mari voit logiquement sa cote baisser sur le marché du mariage; eh oui, les femmes de cette époque étaient de la marchandise et étaient revendues suivant les intérêts de chacun. Un insupportable outrage qui motivait bon nombre d’entre elles à humilier publiquement ces époux obstinément stoïques face à leurs célestes appâts.

La tâche du Tribunal de l’impuissance était double : prouver l’existence de troubles érectiles, et déceler leur éventuelle dissimulation à la mariée. Si le futur époux avait connaissance de pareils dysfonctionnements mais prit sur lui de les cacher à sa future épouse, il se rendait coupable de mensonge éhonté. Et la pauvre mariée de constater, le soir de ses noces, que son mari souffrait d’une mollesse persistante…

Le Tribunal de l’impuissance condamna le Marquis de Langey à divorcer de sa femme et lui céder une poignée de ses terres. Bafoué, honteux et confus, le Marquis refit sa vie avec une autre femme, qui lui donna six beaux enfants. Une erreur judiciaire qui conduisit à l’arrêt du 18 février 1677 annonçant la suppression du Congrès et rapidement remplacé par un examen médical. Morale de l’histoire : toujours tester la marchandise avant achat !

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