En Inde, il existe de grandes inégalités entre les régions qui se répercutent directement sur les moins de 15 ans représentant près de 30 % de la population. Des millions d’enfants indiens décèdent avant l’âge de 5 ans. En cause : la malnutrition, le travail forcé, la traite des enfants et bien d’autres situations préoccupantes… L’éducation est aussi malmenée faute de moyens et d’enseignants suffisamment formés. Selon l’association ASMAE, 30 millions d’enfants scolarisés âgés de 6 à 14 ans ne sont pas capables de lire.

Pendant les congés annuels, certains décident de partir en vacances et d’autres se consacrent aux plus démunis comme Nicolas Legrand. Rencontre avec ce jeune cadre bancaire rouennais qui s’est engagé pendant trois semaines avec l’association ASMAE.

(Crédits : Nicolas Legrand)

Pour quelle(s) raison(s) as-tu choisi de partir en mission humanitaire avec l’association ASMAE ?

N.L. : Cela faisait déjà plusieurs années que je pensais à cela. À travers mes voyages en sac à dos, je me suis vite aperçu qu’il me manquait quelque chose. J’avais envie de consacrer du temps aux autres et d’aider les gens à mon échelle, tout en allant à la découverte d’autres cultures. Un simple sourire ou geste de politesse reste une forme d’aide à mon sens. C’est la mère d’un ami qui m’a parlé d’Asmae. Leur approche axée sur la protection de la petite enfance, l’éducation et la prévention de la déscolarisation m’ont tout de suite plu. Je me suis donc lancé en remplissant un « très long » dossier de candidature, et j’ai effectué un week-end d’intégration en région parisienne dans le 78. J’étais le seul homme parmi les potentiels bénévoles. Lors de ce « test » d’intégration, j’ai pu en connaître davantage sur la culture indienne, les codes et l’éducation.

 

Pourquoi l’Inde et pas un autre pays ?

N.L. : Puisque cette mission n’était pas des vacances, je n’avais pas de pays de préférence au départ, ce fut plutôt les chantiers proposés et des circonstances qui m’ont poussé vers l’Inde. J’ai effectué ma mission à l’Arunodhaya Camp situé à Chennai dans le Tamil Nadu. Aider et consacrer du temps à des enfants démunis étaient le but de ce séjour. Le centre, fondé en 1992, a pour objectif d’éliminer la pratique du travail des enfants et de protéger leurs droits. ASMAE, partenaire depuis 2002, finance entre autres des projets d’accès à une éducation de qualité pour les enfants démunis et donc exclus du système scolaire. Près de 8000 enfants ont eu la chance de bénéficier de l’appui de l’association en 2016. Je me suis vraiment senti proche de la philosophie de cette dernière et c’est ce qui m’a d’autant plus motivé. Pour moi, les enfants sont le premier « palier » de l’évolution d’un pays, à travers leur éducation, ils sont l’avenir et donc le changement.

Mission humanitaire ASMAE (crédits : Nicolas Legrand)

 

Comment as-tu financé ta mission ?

N.L. : Avec mon budget personnel. L’ensemble : billets d’avion, vaccins, repas et logement m’est revenu à un peu moins de 2000 euros. Les conditions de vie sans surprise étaient assez difficiles… Le logement était très spartiate, nous dormions à même le sol. Mais à côté de ce que vivent la plupart des enfants du centre, j’ai très vite relativisé. Et puis, quelle joie de passer nos journées avec des enfants aux sourires et rires innombrables, c’est extrêmement motivant et cela m’a permis chaque jour de me remettre en question sur ma vie et la chance que j’ai. Je suis chanceux, nous sommes finalement nombreux à avoir la chance de vivre dans un pays comme la France.

 

De quelle manière s’est déroulée ta mission ? 

N.L. : Les conditions étaient très difficiles à cause de la pollution ambiante, de la chaleur (entre 40 à 50 °C) et du manque de sommeil. Il fallait compter environ 45 minutes en « rickshaw » entre notre hébergement et l’école publique de Chennai. Les journées étaient très rythmées. Le matin, nous donnions des cours d’anglais et de mathématiques aux enfants, avec des animations en fin de matinée et le début d’après-midi était consacré aux travaux dans les salles de classe. ASMAE consacre une enveloppe budgétaire pour le matériel. Nous avons donc fait des travaux de peinture et décoré les salles de classe afin de rendre les lieux plus agréables pour les enfants.

Ensuite, de 17 à 19 heures, nous dispensions de nouveau des cours d’anglais et de maths dans un quartier difficile, et organisions des ateliers (danse, origami, jeux, sensibilisation à l’écologie) pour les enfants défavorisés. C’était une sorte de foyer pour les enfants du quartier.

Malgré la barrière de la langue, la communication a été fluide avec les enfants car nous avons eu la chance d’avoir un traducteur pendant la mission. Que nous soyons issus de cultures différentes ne change pas grand-chose finalement… L’enfance reste universelle ! Ce qui m’a touché, c’est de voir tous ces sourires malgré le quotidien difficile de ces enfants qui viennent parfois à l’école uniquement pour bénéficier d’un repas gratuit.

Arunodhaya Camp (crédits : Nicolas Legrand)
 

Te sens-tu changé depuis cette mission ? Quelle suite pour tes projets humanitaires ?

N.L. : Forcément, on remet beaucoup plus de choses en perspectives. Ces journées partagées avec les enfants m’ont beaucoup apporté. Concernant les projets humanitaires, j’aimerais par la suite faire d’autres missions courtes pour des associations liées à l’enfance, dans ma ville ou ailleurs. De plus, étant issu du milieu bancaire et formateur en interne, je souhaiterais donner des cours dans certains domaines dans un futur proche en Afrique. 

local lunch (crédits : Nicolas Legrand)

Comment vois-tu notre société ? Qu’aimerais-tu changer ?

N.L. : Je ne pense que pas que je puisse me positionner en juge après une seule expérience. Néanmoins, en tant que citoyen, je porte un regard sur notre société. Je pense qu’on voit les limites de cette vie ultra consumériste, et qu’il faudrait davantage de solidarité et d’entraide entre les gens, au risque sinon de déshumaniser toutes relations humaines. Je pense que chacun est capable de donner un peu de temps et un peu de “soi”. Un simple sourire ou bonjour est, pour moi, un acte précieux et rare dans notre société…

Au niveau de l’éducation, je pense qu’il y a encore beaucoup de progrès à faire. La performance d’un système éducatif est un avantage majeur et un élément important pour le développement des personnes. Si un enfant est privé d’éducation, ce sera pour lui un lourd handicap durant toute sa vie… ainsi que pour la société et donc l’ensemble de la communauté… Mais nous avons de la chance d’être en France malgré les problèmes économiques et sociaux. Il faut voir ce que vivent les autres pour apprécier ce que l’on a parfois.

 

Merci à Nicolas Legrand pour cette interview. Si vous souhaitez en savoir plus sur la mission à l’Arunodhaya Camp, visitez la page Facebook.

(Crédits : Nicolas Legrand)
S’abonner
Notifier de
guest

0 Commentaires
Inline Feedbacks
View all comments