Helen Spitzer et David Wisnia ont tous les deux survécu à Auschwitz-Birkenau, l’un des camps d’extermination de l’Allemagne nazie. À l’époque, ils savaient que chaque moment où ils survivaient au sein de cet enfer pourrait être le dernier. Aujourd’hui, nous vous proposons de découvrir l’histoire de ces deux individus tombés amoureux à Auschwitz avant d’être séparés à la libération des camps. Ils ne se sont retrouvés que 72 ans plus tard.
La première rencontre
Helen Spitzer et David Wisnia se sont rencontrés pour la première fois en 1943 non loin des fours crématoires du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, camp où plus de 1,1 million de juifs, témoins de Jéhovah, prisonniers de guerre, Soviétiques, Polonais, Tsiganes, opposants politiques ou encore résistants de guerre ont été exterminés par les nazis.
Rapidement, David Wisnia, un juif polonais venant de Varsovie, a réalisé que Helen Spitzer, une juive issue de Bratislava, en Slovaquie, n’était pas une déportée ordinaire. Surnommée « Zippi », elle était la seule femme dans une partie du camp réservée aux hommes, et surtout elle était propre, bien habillée et portait une belle veste. À la demande de cette dernière, un des détenus les a présentés. Alors qu’elle avait 25 ans, il en avait 17 ans. « Je ne savais rien de la vie… Elle m’a tout appris. Elle m’avait choisi », a témoigné au New York Times David Wisnia.
Plusieurs rencontres clandestines
Après leur première rencontre, les deux protagonistes se sont revus plusieurs fois clandestinement, dans un petit espace d’un baraquement où étaient entreposés les vêtements de déportés et entre les crématoires IV et V. Ils bénéficiaient tous les deux d’un statut « privilégié » pour avoir été employés à ramasser les corps des déportés s’étant suicidés en touchant les barbelés électrifiés. Par ailleurs, les nazis se sont rendu compte des talents de chanteur de David. Ils l’ont donc épargné et lui ont demandé de chanter pour eux.
De son côté, Helen était l’une des premières femmes arrivées dès 1942 à Auschwitz. Graphiste et parlant allemand, elle a passé quelques mois éprouvants avant d’être transférée dans un bureau où elle dessinait des plans, avant d’être chargée de tenir le compte de main-d’oeuvre disponible pour les nazis. Comme elle l’a raconté dans un témoignage en 1946, cela lui a permis de jouir d’une certaine liberté de mouvement et d’action au sein du camp.
Lors de leurs rencontres, Helen et David parlaient surtout de leur vie d’avant : lui, son amour pour la musique et l’art lyrique et elle aussi pour la musique, notamment le piano et la mandoline. Malgré le danger et la mort omniprésents autour d’eux, ils rêvaient d’un futur à deux, loin d‘Auschwitz.
Séparés lors de l’évacuation d’Auschwitz
Après deux années d’horreur dans ce camp de concentration, Helen et David se firent la promesse de se retrouver à Varsovie s’ils finissaient par sortir du camp et s’ils étaient séparés. En décembre 1944, lors de l’évacuation d’Auschwitz, David Wisnia est transféré à Dachau, un camp de concentration situé dans la région de Munich.
En avril 1945, David réussit à s’en évader en frappant un SS à l’aide d’une pelle. Il se cache alors dans une grange et n’en sort que lorsqu’il entend des blindés. Alors qu’il pense que ses libérateurs sont de l’Armée rouge, ils sont en réalité des membres du 506e régiment d’infanterie parachutiste de la 101e division aéroportée américaine. Ils l’embarquent avec eux et il devient leur interprète. Toutefois, en les rejoignant, il s’éloigne de ses retrouvailles avec Helen à Varsovie.
Après la capitulation allemande, David apprend que Helen a survécu. Il est alors avec l’armée américaine, non loin de Versailles, prêt à émigrer aux États-Unis. Il part en janvier 1946. Après New York, il s’installe dans la région de Philadelphie avec Hope, son épouse, mais sans jamais oublier Helen. Helen fait quant à elle partie des dernières à quitter Auschwitz. Elle est transférée au camp de Ravensbrück, à 80 kilomètres au nord de Berlin, puis dans une de ses annexes, le camp de Malchow. Lors de son évacuation, elle s’enfuit avec une amie et retourne à Bratislava. Elle y retrouve son frère marié. Par la suite, elle part en direction de Feldafing, un camp pour personnes déplacées, en Bavière, dans la zone d’occupation américaine.
72 ans plus tard
Là-bas, Helen refait sa vie. Elle épouse Erwin Tichauer, un fonctionnaire des Nations unies chargé du camp, en 1945. Elle l’accompagne dans ses missions au Pérou, en Bolivie et en Indonésie, avant qu’ils ne s’installent aux États-Unis. Des années plus tard, une connaissance commune de Helen et David leur apprend qu’ils vivent tous les deux à New York. Cette connaissance leur organise un rendez-vous dans un hôtel new-yorkais. « Elle n’est pas venue. J’ai appris après qu’elle trouvait que ce n’était pas une bonne idée. Elle était mariée », a expliqué David au New York Times. Malgré cela, il continue de prendre de ses nouvelles via leur ami commun.
En 2016, David a retenté sa chance. Son fils, rabbin à Princeton, dans le New Jersey, a pris contact avec Helen. Elle accepte enfin de le revoir, 72 ans après leur rencontre. Cela fait dix ans qu’elle est veuve et sans enfant. Lorsqu’ils se revoient, Helen est en mauvaise santé : alitée, perdant la vue et l’audition. Elle est entourée de livres sur la Shoah et est aidée par une infirmière à domicile.
Malgré cela, les deux anciens amoureux parviennent à replonger dans leurs histoires passées et se posent beaucoup de questions. Elle lui apprend qu’à cinq reprises, elle a trafiqué les documents qui auraient dû l’envoyer à la mort ou encore qu’elle a tenu sa part de promesse. En effet, après leur sortie du camp, elle s’est rendue à Varsovie, elle l’a attendu, mais il n’est jamais venu. Ils ont fini par s’avouer qu’ils s’étaient toujours aimés. Alors que David est toujours vivant aujourd’hui, Helen est décédée le 10 janvier 2018, à New York.
Nous vous proposons de découvrir ci-dessous le témoignage de David Wisnia.
Pour aller plus loin, découvrez la triste histoire derrière les objets appartenant aux victimes d’Auschwitz.