Il y a environ 6 000 ans, dans le sud-est de l’Europe, de grands établissements urbains ont émergé puis mystérieusement disparu. Mais pourquoi ces centres ont-ils été abandonnés ? Les hypothèses traditionnelles d’effondrement urbain évoquent le changement climatique, la surpopulation et les tensions sociales. Cependant, dans une récente étude, des chercheurs suggèrent que la présence de maladies pourrait également expliquer la dispersion des habitants de ces mégapoles.
La promiscuité à Çatalhöyük
Çatalhöyük, une ancienne colonie située dans la Turquie actuelle, est le plus ancien village agricole connu, datant de 9 000 ans. Ici, des milliers de personnes vivaient dans des maisons en briques d’argile étroitement regroupées. Les habitants entraient et sortaient par le toit, et certains de leurs ancêtres étaient enterrés sous le sol de la maison. Cette densité humaine, associée à la proximité avec les animaux domestiques, a probablement facilité la transmission des maladies.
Dans les tombes de Çatalhöyük, les archéologues ont découvert des ossements humains et bovins. Les zoonoses à Çatalhöyük sont probablement apparues en raison de la promiscuité entre l’Homme et l’animal. Dès 8500 avant J.-C., la tuberculose a été détectée dans le bétail de la région grâce à l’ADN ancien et, peu après, elle a été découverte dans les ossements de nouveau-nés humains. L’existence de la salmonelle est connue depuis 4500 avant J.-C., d’après l’ADN trouvé dans d’anciens restes humains.
Des indices d’une attention particulière à la propreté existent, comme le nettoyage fréquent des sols et la réfection des murs, mais cela n’a visiblement pas suffi. Vers 6000 avant J.-C., Çatalhöyük fut mystérieusement abandonné et les habitants se sont dispersés dans des villages plus petits. Les peuplements denses comme celui de Çatalhöyük ont peut-être atteint un point critique où les conséquences de la maladie l’ont emporté sur les avantages de la cohabitation, en supposant que la gravité et la contagiosité des maladies se soient accrues avec le temps.
Un nouveau modèle urbain chez les Trypilliens
Deux millénaires après l’abandon de Çatalhöyük, les premières grandes villes réapparurent dans la région de la mer Noire, dans ce qui est aujourd’hui l’Ukraine. Ces villes, appartenant à la culture de Trypillia, étaient structurées différemment. Les maisons en bois à deux étages étaient disposées en cercles concentriques, formant des quartiers distincts. Chaque quartier possédait sa propre grande maison pour les rassemblements, ce qui dénotait un agencement planifié et moins dense que celui de Çatalhöyük. Cette disposition pourrait avoir empêché les épidémies de se propager à l’ensemble de la colonie, que les habitants de Nebelivka en aient été conscients ou non.
Les chercheurs Simon Carrignon et Mike O’Brien ont utilisé des modèles informatiques pour simuler la propagation des maladies dans ces quartiers espacés. Ils ont dû faire plusieurs hypothèses pour modéliser la propagation des maladies. Tout d’abord, les premières maladies se transmettaient par la nourriture, comme la viande ou le lait. Deuxièmement, les gens se rendaient plus volontiers dans les maisons de leur communauté que dans celles situées à l’extérieur.
Les chercheurs ont conclu que cette structure en grappes pouvait effectivement limiter les épidémies de maladies alimentaires si les gens n’avaient visité les autres quartiers que sporadiquement. En considérant que chaque communauté a sa propre maison de quartier, cela est logique. Dans l’ensemble, les résultats démontrent que le concept de Trypillia aurait facilité la coexistence des premiers agriculteurs dans les zones urbaines à faible densité pendant une période de prolifération des zoonoses.
Gestion des maladies
Même si les habitants des mégapoles de Trypillia n’avaient pas forcément conscience des maladies, leur instinct de propreté et d’organisation contribuait à limiter la propagation des infections. Par exemple, de nombreuses maisons étaient périodiquement brûlées, une pratique qui pourrait avoir servi à éliminer les parasites et à assainir l’espace. Par ailleurs, chaque quartier possédait une maison de rassemblement, permettant aux habitants de se réunir sans trop se mélanger aux autres quartiers.
Cependant, malgré ces aménagements, les mégapoles de Trypillia furent abandonnées vers 3000 avant notre ère. Certains chercheurs pensent que l’apparition de la peste dans la région a pu être un facteur déterminant. Contrairement aux maladies alimentaires, la peste, transmise par les puces et les rats, circulait bien plus facilement entre les quartiers et les villes, dépassant les limites de confinement que les humains avaient inconsciemment créées.
Peu après l’effondrement des mégapoles de Trypillia, les premières villes de Mésopotamie virent le jour autour de 3500 avant notre ère, suivies de villes en Égypte, dans la vallée de l’Indus et en Chine. Ces nouvelles cités adoptaient un modèle de vie moins proche des animaux domestiques et accordaient une place importante à l’hygiène publique. Le stockage des denrées alimentaires se faisait dans de grands silos, et les infrastructures d’assainissement, comme les canaux et bains publics, réduisaient les risques d’épidémies.
Ces avancées montrent que les humains avaient appris des épidémies passées et cherchaient des solutions pour maintenir une population urbaine stable et en bonne santé. Les cités organisées de la vallée de l’Indus, avec leurs canaux et leurs puits, en sont un exemple frappant. Par ailleurs, voici 10 civilisations qui ont marqué l’histoire… avant de s’éteindre mystérieusement.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: Live Science
Étiquettes: colonies, maladies
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