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Ces fourmis stockent leurs souvenirs à court et long termes dans des parties distinctes du cerveau

Même les plus petits cerveaux de la Terre sont capables de mécanismes impressionnants

— Andrey Pavlov / Shutterstock.com

Si nous aimons à penser que le cerveau humain est spécial et supérieur, même les plus petits cerveaux de la Terre présentent parfois de remarquables similitudes avec le nôtre. C’est notamment le cas de cette espèce de fourmis, qui stocke ses souvenirs à court terme dans un hémisphère de son cerveau et à long terme dans l’autre.

« À notre connaissance, il s’agit de la première démonstration de formation de mémoire visuelle latéralisée chez un insecte »

Lorsque les fourmis des bois (Formica rufa) stockent des souvenirs visuels dans leur cerveau, de nouvelles recherches suggèrent qu’elles enfreignent les règles de la symétrie : un côté du cerveau de la minuscule créature semble stocker des souvenirs à court terme, tandis que l’autre côté les conserve plus longtemps. Un processus connu sous le nom de latéralisation neurale, qui semble étroitement lié à la formation des souvenirs chez les animaux.

Chez les humains, la mémoire spatiale et le traitement musical sont principalement concentrés dans l’hémisphère droit, tandis que le langage se trouve principalement dans l’hémisphère gauche, bien qu’il y ait beaucoup de communication et de chevauchement. Et il en va probablement de même pour la fourmi des bois.

« À notre connaissance, il s’agit de la première démonstration de formation de mémoire visuelle latéralisée chez un insecte », estiment les scientifiques de l’université du Sussex, à l’origine de cette nouvelle étude parue dans la revue PNAS. « Avec de larges implications pour notre compréhension des mémoires visuelles chez les insectes et de l’évolution de la latéralisation dans la formation de la mémoire. »

Autrefois, les scientifiques pensaient que nous étions la seule espèce à posséder deux hémisphères distincts, chacun étant spécialisé dans des fonctions et des comportements différents. Aujourd’hui, nous en savons bien évidemment beaucoup plus. L’asymétrie des fonctions cérébrales est très répandue chez les vertébrés, et elle est probablement présente depuis un certain temps déjà, apparaissant très tôt dans leur évolution.

Et cela pourrait aussi être le cas chez les invertébrés. Des recherches récentes sur les abeilles sociales et leurs mémoires olfactives suggèrent que ces créatures attribuent des fonctions à l’hémisphère gauche ou droit. Bien que la plupart des recherches menées jusqu’à présent se soient concentrées sur la mémoire olfactive des abeilles, il n’est pas certain que cette latéralisation existe dans d’autres types de mémoire et chez d’autres espèces d’insectes.

La latéralisation de la mémoire aurait évolué à plusieurs reprises dans un passé lointain

En utilisant des fourmis des bois, des insectes célèbres pour leur capacité à s’orienter visuellement, les chercheurs ont réalisé une expérience de conditionnement classique : lorsqu’on leur montrait un objet bleu, les fourmis étaient autorisées à toucher une goutte de sucre avec leur antenne droite ou gauche avant de la goûter.

Comme le chien qui salive de Pavlov, ces créatures ont été entraînées à répondre au signal visuel, et cette association a ensuite été testée au bout de 10 minutes, une heure et un jour plus tard. Si les fourmis étendaient la bouche à la vue de l’objet bleu, cela était considéré comme un signe de soif.

Finalement, lorsque les fourmis ont été entraînées avec la bonne antenne, elles ont montré qu’elles avaient soif au bout de 10 minutes, avec un effet d’affaiblissement progressif au fil du temps. En revanche, les fourmis entraînées avec l’antenne gauche ne réagissaient pas après 10 minutes ou même une heure. Un jour plus tard, cependant, elles ont montré des signes de soif importants.

« Nous avons montré qu’un bref contact entre une récompense en sucre et l’antenne droite ou gauche suffit à produire une mémoire latéralisée, même si le repère visuel est visible des deux yeux tout au long de l’entraînement et des tests », soulignent les auteurs de l’étude. « Le renforcement donné à l’antenne droite a induit la formation de souvenirs à court terme, tandis que le renforcement donné à l’antenne gauche a induit des souvenirs à long terme. »

Si cela se vérifie, et que ces différents types de mémoire sont en effet stockés dans des hémisphères distincts du cerveau de la fourmi, cela suggère que la latéralisation de la mémoire a pu évoluer à plusieurs reprises dans un passé lointain. Sachant qu’il existe une théorie selon laquelle cette caractéristique pourrait également apparaître chez des créatures plus sociales, restant toutefois largement débattue.

Mieux comprendre les avantages offerts par un cerveau asymétrique

Les recherches sur la mémoire olfactive et la latéralisation chez les abeilles sociales suggèrent cependant quelque chose d’étrangement similaire. Des souvenirs plus intenses semblent se former lorsque l’antenne droite est utilisée, tandis que les souvenirs à long terme se forment en réponse aux apports des antennes gauches de l’abeille.

Le modèle semblant se dégager ici vaut assurément la peine d’être exploré davantage, ne serait-ce que pour comprendre pourquoi des cerveaux asymétriques comme le nôtre semblent si avantageux. Cependant, sans en savoir plus sur les lignées d’insectes, il est difficile de dire si la latéralisation de la mémoire a évolué indépendamment chez les fourmis et les abeilles sociales, ou si elle était présente chez un ancêtre commun mais perdue chez les abeilles solitaires.

Le fait de disposer deux hémisphères distincts pourrait réduire les informations contradictoires ou aider à débarrasser le cerveau d’une certaine redondance, ce qui pourrait être particulièrement important pour les petits insectes qui ont besoin d’économiser de l’énergie et de l’espace. Il est également possible que le fait de conserver les souvenirs sur le long terme dans un hémisphère permette la formation de nouveaux sur le court terme. Il y a encore beaucoup d’éléments, ici, que les scientifiques doivent découvrir.

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