Des scientifiques se passionnent pour une petite éponge sous-marine aux particularités étonnantes. Certaines de ses molécules auraient en effet des capacités surprenantes pour lutter contre le cancer du pancréas.
Un organisme à première vue banal
En 2005, l’administration nationale atmosphérique et océanographique américaine effectue une mission de routine dans le Pacifique Nord. Au large de l’Alaska, ils étudient la foisonnante vie marine dans son habitat naturel. Ils découvrent ainsi une petite éponge accrochée aux fonds marins. Dotés de curieux cratères profonds, ce petit organisme vert sombre de la taille d’une balle de golf a somme toute l’air plutôt anodin. Un des membres de l’équipe, son découvreur, Bob Stone, décide de se pencher sur ce nouveau venu de la biologie marine.
Il va s’adjoindre l’aide de collègues d’envergure : Michelle Kelly, experte reconnue des éponges de l’Institut national de recherche sur l’eau et l’atmosphère de Nouvelle-Zélande. Et Mark Hamann, chercher à la faculté de médecine de l’Université de Caroline du Sud. Ils vont baptiser le petit animal (car contrairement à ce qu’on a longtemps pensé, les éponges ne sont pas des plantes) du nom de Latrunculia austini. Et très vite, leurs premières études vont donner des résultats stupéfiants.
Could green sponge hold cancer-fighting secrets? https://t.co/rbe9kyz4hH
— DRUDGE REPORT (@DRUDGE_REPORT) 27 juillet 2017
Une molécule anti-cancéreuse
L’homme s’est toujours inspiré de la nature, et les scientifiques ne font pas exception à la règle. Mark Hamann a ainsi travaillé pendant plus de 20 ans sur l’élaboration de médicaments s’inspirant de la vie marine. Une démarche qui peut sembler originale, mais reste très logique : » Parmi les huit produits les plus fréquemment prescrits pour traiter le cancer, la moitié sont des produits naturels « , explique-t-il. Et il semblerait qu’ils en aient peut-être trouvé un neuvième.
Ils ont envoyé des échantillons à Fred Valeriote, un spécialiste du cancer à l’institut de pointe Henry Ford de Detroit. Dans ses laboratoires, Latrunclia austini a été exposée à des cellules de pancréas cancéreux. L’éponge avait la capacité de tuer ces cellules. Plus enthousiasmant, il semblerait que la molécule en cause soit capable de cibler celles-ci. Il ne s’agit bien sûr là que de test en laboratoires. Une longue route attend les scientifiques d’ici à d’éventuels essais cliniques sur l’homme. Mais cette découverte est prometteuse dans la lutte contre le cancer du pancréas, une maladie contre laquelle la médecine ne peut aujourd’hui pas grand chose.
L’océan et la médecine
La vie sous-marine pourrait bien être le nouvel eldorado de la médecine contemporaine. De telles collaborations entre médecins, biologistes, et experts du monde sous-marins sont donc à développer. Car l’océan regorge de ressources encore inconnues. Latrunclia austini n’est qu’une des plus de 10 000 espèces d’éponges connues. Or ces créatures, puisqu’elles ne peuvent fuir leurs prédateurs, développent souvent des réactions chimiques complexes pour se défendre. Une véritable mine d’or : 12 000 composants chimiques introuvables ailleurs auraient déjà été trouvés dans l’océan.
Globalement, on estime que les quelque 250 000 espèces sous-marines connues ne représentent que le tiers du total. Les grands fonds marins sont inconnus à 75 %, et on ne parle pas des grandes abysses, quasi-inexplorées. Ces espaces difficiles d’accès rendent, et c’est peut-être leur chance, l’exploitation de leurs ressources difficiles. Ainsi, l’éponge verte d’Alaska vit à 1000 mètres de profondeur, et l’extraction d’un kilo de principe actif demande 80 fois plus d’éponges. Les scientifiques ont d’ailleurs dû mettre aux points de nouveaux outils plus écologiques pour en récupérer. Car ces écosystèmes sont très vulnérables, menacés par le réchauffement climatique et surtout l’acidification des océans due à la pollution. Un monde que l’exploitation de ses merveilleuses ressources pourrait finalement achever.
Par Tristan Castel, le
Source: Science et Avenir
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