Relevée dans un ancien dépôt lacustre, une série de sept empreintes de pas vieilles de 120 000 a été décrite comme la première preuve de la présence d’humains modernes dans la péninsule arabique. Une découverte qui, selon les experts, pourrait faire la lumière sur la migration de notre espèce hors d’Afrique.

Une découverte nous éclairant sur la migration d’Homo sapiens hors d’Afrique

Le chemin emprunté par Homo sapiens pour peupler le monde reste encore aujourd’hui source d’interrogations. Alors que des études génétiques avaient précédemment suggéré que la migration des humains modernes hors d’Afrique, ayant conduit à leur dissémination réussie à travers l’Europe, était intervenue il y a 60 000 ans seulement, des chercheurs ont par la suite identifié un crâne incomplet d’Homo sapiens vieux de plus de 200 000 ans en Grèce et une mâchoire vieille de 180 000 ans en Israël.

La découverte d’un os de doigt vieux de 88 000 ans en Arabie a également mis en évidence de multiples vagues précoces en provenance d’Afrique, les chercheurs affirmant que le fossile ainsi que les outils en pierre trouvés à proximité montraient une migration d’Homo sapiens vers l’est, c’est-à-dire au-delà d’Israël, bien plus tôt qu’on ne l’estimait jusqu’alors. Aujourd’hui, celle de sept empreintes de pas dans la partie nord de la péninsule arabique (Arabie saoudite) repousse encore plus loin dans le temps cette progression.

Présentée dans la revue Science Advances, cette nouvelle découverte réalisée par une équipe internationale de chercheurs a eu lieu dans un ancien dépôt lacustre du désert de Nefoud. La datation des sédiments situés au-dessus et en dessous des empreintes a révélé que ces dernières avaient entre 112 000 et 121 000 ans, tandis que la taille et l’espacement de quatre d’entre elles ont suggéré qu’elles avaient été faites par au moins deux individus.

Les chercheurs sur le site de l’ancien lac Alathar, localisé dans l’ouest du désert de Nefoud en Arabie saoudite — © Palaeodeserts Project

De courtes haltes

« Ces empreintes illustrent l’expansion d’Homo sapiens au cœur de l’Arabie à une date précoce », estime Michael Petraglia, professeur à l‘Institut Max Planck et co-auteur de la recherche. « Il n’est pas ici question de migrations côtières, considérées comme le chemin hypothétique que l’homme moderne aurait emprunté. » Selon l’équipe, la taille des empreintes, l’absence de preuves de la présence de Néandertaliens dans la région à l’époque et le fait qu’Homo sapiens se trouvait en Arabie il y a près de 90 000 ans, suggèrent que les empreintes récemment mises au jour sont très probablement celles d’humains modernes.

L’équipe a également trouvé près de 400 empreintes d’animaux sur le site, y compris celles d’anciens éléphants et chameaux. Toutefois, en l’absence de marques de dépeçage sur les os analysés et d’outils en pierre à proximité, les chercheurs ont estimé qu’Homo sapiens n’aurait effectué que de courtes haltes dans la zone.

Traces fossiles d’un éléphant (à gauche) et d’un chameau (à droite) — © Stewart et al., 2020

« Lorsque les humains modernes arpentaient cette région, elle n’était pas hyper-aride »

« Lorsque les humains modernes arpentaient cette région, elle n’était pas hyper-aride », avance Richard Clark-Wilson, chercheur de l’université de Londres et co-auteur de l’étude. « À cette époque, ainsi qu’à diverses autres périodes dans le passé, il s’agissait vraisemblablement d’une savane herbeuse avec des masses d’eau offrant des possibilités de migration humaine. Sachant que les mouvements humains et les mouvements d’animaux ont tendance à être liés à la disponibilité de l’eau douce. »

Si les individus ayant arpenté les rives du lac ont laissé leur marque dans l’histoire, leur sort reste toutefois inconnu, comme le rappelle Mathen Stewart, chercheur de l’Institut Max Planck et autre co-auteur de l’étude. « Il semble que les humains modernes se soient dispersés à plusieurs reprises en Arabie pendant des périodes plus humides, lorsque la région était composée de vastes prairies, de lacs et des rivières. Quand les déserts sont réapparus, les individus peuplant cette région se sont probablement éteints ou se sont retirés dans des endroits plus favorables. »

La première empreinte humaine découverte au lac Alathar et le modèle numérique d’élévation (MNE) correspondant — © Stewart et al., 2020
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