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Pour la seconde fois en moins d’une semaine, des chercheurs ont annoncé des résultats positifs dans le cadre des ultimes étapes d’essais cliniques pour un vaccin contre le Covid-19. Cette fois, ceux-ci concernent le composé russe Spoutnik V.

Des résultats controversés

Le 9 novembre dernier, la société pharmaceutique Pfizer présentait les résultats intermédiaires de l’essai de phase III pour son vaccin, démontrant pour la première fois de façon irréfutable qu’un tel composé pouvait prévenir le Covid-19. Deux jours plus tard, les chercheurs à l’origine du très controversé vaccin russe Spoutnik V publiaient un communiqué de presse annonçant une efficacité similaire pour leur composé candidat.

Le Fonds souverain russe et l’institut de recherche Gamaleïa ont annoncé qu’une analyse de 20 cas confirmés de Covid-19, identifiés parmi 16 000 volontaires ayant reçu le vaccin ou un placebo trois semaines après l’administration d’une première dose, avait mis en évidence une efficacité de 92 %. L’analyse de Pfizer avait quant à elle porté sur 94 cas confirmés de Covid-19 parmi les 38 000 volontaires ayant également reçu deux injections et fait état d’une efficacité supérieure à 90 %, une semaine après l’administration de la seconde dose.

« Le faible nombre de cas signalés dans l’essai de Spoutnik V suggère qu’il est peu probable que l’efficacité réelle du vaccin soit supérieure à 90 %, par rapport à l’analyse de Pfizer et BioNTech », estime Stephen Evans, épidémiologiste à la London School of Hygiene and Tropical Medicine. « Un suivi supplémentaire est nécessaire car, sur la base de ces données, les résultats correspondraient plutôt à une efficacité de 60 %. »

« Il est difficile d’interpréter les résultats des essais cliniques sans plus d’informations », estime Shane Crotty, immunologiste spécialiste des vaccins à l’Institut d’immunologie de La Jolla en Californie. « Il me semble compliqué de tirer des conclusions définitives à partir d’un échantillon aussi faible. »

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« Je crains que ces données n’aient été publiées à la hâte à la suite de l’annonce de Pfizer/BioNTech »

Contrairement à ceux de Pfizer et d’autres candidats de premier plan faisant actuellement l’objet d’essais cliniques de phase III, le protocole de l’essai de Spoutnik V n’a pas été rendu public. Par conséquent, il est aujourd’hui difficile de savoir si une analyse intermédiaire était en cours pour ces 20 cas. Sachant que Pfizer avait initialement prévu de réaliser sa première analyse intermédiaire après 32 cas, mais avait finalement changé de cap après des discussions avec la Food and Drug Administration américaine.

« Je crains que ces données n’aient été publiées à la hâte à la suite de l’annonce de Pfizer/BioNTech », estime Eleanor Riley, immunologiste à l’université d’Edimbourg. « Ce n’est pas un concours. Nous avons besoin que tous les essais soient réalisés selon les normes les plus élevées possibles et il est particulièrement important que les critères préétablis pour la divulgation des données des essais soient respectés pour éviter une sélection orientée de celles-ci. »

Un vaccin à adénovirus

Dans une démarche qualifiée d’imprudente par de nombreux scientifiques, les autorités russes avaient approuvé le vaccin (composé de deux adénovirus différents produisant la protéine de pointe du coronavirus et administrés à trois semaines d’intervalle) pour une utilisation généralisée en août dernier, sans attendre les données de sécurité ou d’efficacité d’un essai de phase III.

Pour Sarah Gilbert, vaccinologue à l’université d’Oxford participant au développement du vaccin d’AstraZeneca, les résultats de Spoutnik V doivent être interprétés avec prudence en raison du faible nombre de cas, mais suggèrent que ce type de composé utilisant un adénovirus pour exposer le système immunitaire à la protéine de pointe du SARS-CoV-2 se révèlerait également efficace pour prévenir l’infection.

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