
L’initiative de livraison par drone d’Amazon, lancée avec beaucoup d’enthousiasme depuis plus d’une décennie, vient de connaître un revers embarrassant. En décembre dernier, deux drones Prime Air se sont écrasés à quelques minutes d’intervalle sur le site d’essai de l’entreprise situé dans l’Oregon.
En s’appuyant sur les conclusions du National Transportation Safety Board (NTSB), ces accidents auraient pu être évités si Amazon n’avait pas supprimé un système de sécurité redondant qui équipait les modèles précédents. Le géant du commerce en ligne, quant à lui, conteste cette version des faits. Les deux drones incriminés se sont écrasés à environ 60 mètres du sol après avoir interrompu leurs moteurs en plein vol. Ce comportement n’était pas le fruit d’une panne mécanique brutale, mais plutôt d’une mauvaise interprétation de l’environnement par les capteurs embarqués.
En l’occurrence, les capteurs lidar (Light Detection and Ranging) ont signalé à tort que les drones avaient atterri. En réponse à cette information erronée, le logiciel embarqué a coupé l’alimentation des hélices, croyant que l’engin était au sol. En réalité, les drones étaient encore en vol, et leur chute a été inévitable. Le NTSB précise qu’une mise à jour logicielle récente avait rendu ces capteurs particulièrement sensibles aux conditions météorologiques, notamment à la pluie fine, présente lors des essais de décembre.
Jusqu’à récemment, les drones d’Amazon utilisaient un mécanisme de sécurité supplémentaire composé de deux petites broches métalliques appelées « squat switches » situées sous l’appareil. Ces interrupteurs mécaniques s’enclenchaient physiquement à l’atterrissage, offrant une confirmation redondante au logiciel que le drone touchait le sol. Ce système faisait partie du modèle MK27, ancienne génération des drones Prime Air. Cependant, cette précaution a été supprimée dans le modèle plus récent, le MK30. La raison de cette décision n’est pas claire, mais il est possible qu’elle ait été prise pour réduire les coûts de production.
Une source proche du dossier affirme que le logiciel de l’ancien modèle n’autorisait la coupure des moteurs que si au moins deux des trois capteurs de détection d’atterrissage confirmaient la présence au sol. Ce système à double validation n’existe plus dans le nouveau modèle. La suppression du système de secours pourrait également être due à un changement de stratégie dans la manière dont les colis sont livrés. Alors que le MK27 était conçu pour se poser dans la cour d’un client, le MK30 a été pensé pour larguer les colis depuis une hauteur d’environ trois à quatre mètres.
Les mésaventures d’Amazon dans le domaine des drones ne datent pas d’hier. Depuis l’annonce du projet en 2013, les incidents techniques se sont multipliés. En 2021, un autre drone s’était écrasé, provoquant l’incendie de plusieurs hectares dans l’Oregon. En dehors de ces événements, les essais intensifs ont suscité des plaintes de la part des riverains vivant à proximité des zones de test.
À la suite des incidents de décembre, Amazon a suspendu ses tests pendant plusieurs mois. Bien que l’entreprise affirme que les crashs ne sont pas la cause principale de cette pause, le lien semble évident. Ce n’est que récemment que les essais ont repris, dans des conditions plus strictes. Aujourd’hui, Amazon n’a déployé ses services de livraison aérienne qu’à College Station (Texas) et à Tolleson (Arizona). Par ailleurs, les habitants de cette ville du Texas en ont marre des drones de livraison d’Amazon.