Les documentaires animaliers sont de plus en plus intéressants : immersifs, ils nous emmènent au coeur de la nature sauvage, à la découverte des espèces les plus merveilleuses. Pourtant, il arrive que certains réalisateurs soient bien moins respectueux avec les animaux qu’il n’y parait. Chris Palmer, auteur de plusieurs films documentaires, a récemment publié un livre qui dévoile les méthodes immondes que certains de ses confrères utilisent pour réaliser des reportages toujours plus sensationnels. Ils n’hésitent pas à faire preuve d’une extrême cruauté envers les animaux qu’ils filment et faussent grossièrement la réalité. Découvrez cette supercherie qui a déjà coûté la vie à de nombreux animaux.

Ce qu’il faut savoir avant tout c’est que les documentaires animaliers partent généralement d’une bonne intention, faire découvrir au public les merveilleuses beautés de la nature. Les réalisateurs de ce genre de films partent en étant certains de filmer que des images originales, mais après quelques jours lorsqu’ils n’ont toujours rien, qu’il ne leur reste que 24 heures et qu’ils sont à court d’argent, ils cèdent au désespoir.
En effet il faut mettre de l’argent sur la table, nourrir votre famille, envoyer les enfants à l’université… Cela se transforme en vrai dilemme d’ordre éthique. Beaucoup de plateformes n’aident pas non plus en ne donnant que quelques jours aux réalisateurs pour réussir des vidéos impressionnantes capables d’attirer les spectateurs.
Le plus surprenant étant que l’on ne pose jamais de questions aux réalisateurs pour savoir comment ils ont eu leurs images. « Plein de mauvaises choses se produisent sans que l’on n’en sache jamais rien » explique Palmer. Le reste d’entre nous découvre la réalité qu’à travers des anecdotes racontées par les réalisateurs. Voici certaines des astuces les plus utilisées, malheureusement…

 

Certains réalisateurs manipulent les interactions prédateur-proie chez les animaux en plaçant des bonbons dans des carcasses, afin d’entrainer leur odorat.

Les ours en captivité sont souvent entrainés avec des petits bonbons. Pour avoir une bonne image avec un ours ayant l’air de renifler une proie fraichement tuée, les réalisateurs placent quelques bonbons ou des M&M’s dans une carcasse pour attirer l’animal. Le plus souvent il en est fait mention à la fin des crédits du film, mais combien de spectateurs prennent le temps d’aller jusque-là ? De plus, en parler ouvertement peut créer une incompréhension entre les réalisateurs de documentaires et le public.

Les espèces sauvages sont, elles aussi, manipulées. Dans son livre Confessions of a Wildlife Filmmaker, sorti en 2015, Palmer écrit au sujet de son ami Tom Campbell qui une fois avait attiré un requin à son bateau en accrochant un seau à l’arrière, les requins bondissaient hors de l’eau afin d’attraper l’objet et son équipe a pu en profiter pour capturer des images splendides. Il a compris plus tard que l’énergie des requins était limitée pour ce genre de chasse, après que ceux-ci ont abandonné la chasse et sont repartis de leur côté.

Cependant il existe des moyens plus éthiques et créatifs d’avoir de bonnes séquences sur le terrain. Les réalisateurs Carol et Richard Foster on attiré une chauve-souris avec, devinez quoi, un être humain. Leur bénévole s’était fait vacciner contre la rage, et avait fait semblant de dormir en attendant que les chauves-souris aient un petit creux, permettant ainsi aux Foster d’avoir leurs images.

 

Parfois les animaux filmés en gros plan sont en fait des animaux de zoo.

Certains des animaux terrifiants qui sont montrés sur les écrans ont en fait étés loués à des fermes pour faciliter le tournage. Doug Allan, un réalisateur de documentaire connu pour ses incroyables shootings d’animaux sur la banquise, a évoqué dans son livre Freeze Frame sorti en 2012 quelques-unes des astuces utilisées. Très souvent les petits animaux sont filmés dans des espaces clos, explique-t-il, c’est le cas dans presque toutes les scènes du documentaire « Hidden Kingdoms » tourné par la BBC.

Ces scènes ne sont pas limitées qu’aux petits animaux, en 2011 un scandale a éclaté révélant que le docu-série « Frozen Planet » pour lequel a travaillé Doug Allan contenait des scènes d’un ourson polaire captif tournées dans un zoo de Hollande. Il s’était déjà produit la même chose en 1997 avec un ours dans un zoo belge.
Une enquête menée par le Sunday Telegraph a révélé que les animaux utilisés dans les documentaires pour la BBC sont généralement des animaux en captivité, comme le poisson-clown qui ne nage pas dans l’océan mais dans un aquarium du centre de recherche à l’université sans prendre la peine de donner cette information au public.
Après trois décennies de films sur la nature sauvage, Palmer a lui aussi admis avoir ses astuces pour son propre travail. En 2010, dans son livre « Shooting in the Wild », il raconte par exemple comment l’équipe de tournage du documentaire « Wolves » ont filmé des canines sur un loup prêté à une ferme du Montana. La scène d’une louve allaitant son petit était en réalité une scene contrôlée. L’avocat David Attenborough a pris la défense de ce procédé, il considère que c’est le seul moyen de garantir la sécurité des hommes et des animaux. Mais cela n’est vrai que si les animaux sont bien traités en captivité.

 

Certains réalisateurs profitent de l’imagerie générée par ordinateur pour créer des scènes très réalistes.

Les progrès de l’imagerie artificielle ont même permis de tromper les experts comme David Attenborough. En effet lorsqu’il a regardé le film Life of Pi, lors de la scène avec les lions et les acteurs si proches, il n’avait pas réalisé qu’il s’agissait en réalité d’une scène recréée par ordinateur. Avec cette technique les réalisateurs peuvent mettre en scène des animaux sans pour autant déranger ces créatures que nous souhaitons comprendre et surtout protéger. Le vrai problème c’est le manque d’informations transmises aux spectateurs. Par exemple dans le documentaire « Tortues : L’Incroyable voyage » sorti en 2009, les images retraçant le voyage de ces tortues depuis la Floride jusqu’aux côtes africaines sont en fait réalisées par ordinateur. « Sans informations de la part des réalisateurs comment le public peut-il savoir qu’il ne s’agit pas de vraies images ? », écrivait Manohla Dargis pour le New York Times.

 

Certains réalisateurs font des montages de scènes dans lesquelles la proie n’a aucune chance de survie.

En 1996 le Denver Post a révélé que le présentateur de « Wild America », Marty Stouffer, n’a pas seulement monté les scènes les plus dramatiques de la série, mais que cela a aussi coûté la vie à de nombreux animaux. Il a notamment placé un daim et une meute de loups dans le même enclos.

« Une bobine de film coûte environ 15 dollars », a-t-il expliqué pour se défendre. « Nous n’avons pas 10 ou 100 heures de bandes de film à laisser tourner en attendant qu’un poisson attrape un insecte. » Après une enquête internationale, PBS a finalement choisi d’arrêter la série.

Des années auparavant, la maltraitance des animaux était plus ou moins une routine, par exemple la scène d’un gros chat pourchassant un lapin aurait pu être filmée en attachant une corde autour de la patte du lapin afin de le ralentir. Un producteur a ainsi admis avoir laissé un chasseur casser la patte d’un lapin afin d’avoir une meilleure vue du prédateur en pleine action.
En 1966 le magazine Life a publié une série de photos montrant des images d’un léopard captif attaquer un babouin. Le léopard avait été lâché directement sur le groupe de babouins, l’un d’entre eux au lieu de se réfugier dans les arbres comme les autres s’est retourné vers le leopard et a été tué.

 

Ils modifient les images afin de faire apparaitre les animaux plus dangereux qu’ils ne le sont.

Ce n’est pas un secret, plus les images sont tragiques, et plus le taux d’audience est élevé. Voir les animaux chasser, charger, ou encore attaquer sont les images les plus prisées par les réalisateurs à tel point que parfois ils les fabriquent. Les producteurs des films tels que « Yukon Men », « Shark Week », « Swamp People » et bien d’autres, ajoutent de l’intensité dramatique en modifiant partiellement des images et en ajoutant de la musique pour augmenter le divertissement.

Même les documentaires sur la nature doivent faire face à de fausses déclarations. Les requins, par exemple, sont souvent appâtés avec un délicieux mélange d’entrailles de poisson et de sang. Mais à cause de cette activité frénétique, les images présentent des habitudes alimentaires déformées faisant paraître les requins plus comme des machines à tuer. « Des images qui brillent par leur sensationnalisme mais qui détournent l’attention des véritables problèmes comme la protection des espèces face au réchauffement climatique », explique Palmer. Mais les températures océaniques plus chaudes sont beaucoup moins captivantes que des requins bondissant hors de l’eau.

 

Certains sons d’oiseaux ou de plongeon sont recréés en studio.

Les sons recréés artificiellement sont l’une des tromperies les plus utilisées dans les documentaires, certains ne les considèrent même pas comme faux. Il est difficile et parfois même dangereux d’utiliser des équipements nécessaires à la prise de son à proximité des animaux, par exemple un ours dérapant sur la glace. Donc une fois de retour au studio, un éditeur de son utilise des bruitages afin de recréer le son adéquat. Des sons d’ouverture et de fermeture de parapluie pour imiter le bruit des ailes d’oiseaux, ou comme c’est arrivé dans l’un des documentaires de Palmer barboter dans un seau d’eau pour imiter le son d’un ours dans une rivière. Mais ces ajouts de sons semblent acceptables puisqu’il vaut mieux entendre des éclaboussures d’eau réalisées en studio plutôt que le silence.

 

Disney a fait massacrer des lemmings (petites rongeurs) pour faire cette vidéo d’un soi-disant « suicide collectif » :

Pendant longtemps les lemmings ont été le centre d’une légende urbaine selon laquelle ils commettaient un suicide de masse afin de réguler la quantité d’individus au sein du groupe. En 1958 les producteurs de « White Wilderness », un documentaire de Disney, ont décidé, pour une raison quelconque, qu’ils avaient besoin de « prouver » cette légende urbaine. Ils ont donc acheté des lemmings à un certain nombre d’enfants canadiens pour 25 cents chacun, et les ont expédiés à l’emplacement du tournage où ils les ont forcés à sauter dans l’eau, avec des angles de caméra dissimulant astucieusement l’ingérence des cinéastes. Le public a été parfaitement maintenu dans l’ignorance de ces odieux procédés, et le produit fini a remporté un Oscar. En 1982 une enquête faite par la Société Radio-Canada a prouvé que la scène dramatique était en réalité un grossier montage.

 

Les producteur de Disney avaient aussi poussé un ours polaire en bas d’une falaise.

Dans « White Wilderness », les producteurs pensaient qu’ils allaient pouvoir donner une scène très drôle au public en faisant dégringoler un ours polaire du haut d’une colline couverte de neige. Mais toute la scène – y compris les roches – avait été truquée. De nos jours ce genre de trucage est difficilement réalisable. Pousser un ours en bas d’une falaise en 2015 serait un geste de fin de carrière rapide en cas de découverte par les spectateurs. Et la BBC, pour sa part, a commencé à fournir une formation en éthique aux producteurs de ses documentaires. Mais les bons films prennent du temps et de l’argent pour se faire, deux choses que beaucoup de chaînes ne peuvent pas ou ne veulent pas toujours fournir. « Alors que beaucoup de responsabilités reposent sur les cinéastes sur le terrain, les réseaux doivent faire leur part pour faire en sorte que les images soient capturées de façon éthique et respectueuse des animaux », dit Palmer. Un tel changement dépend de l’engagement des deux parties afin de pouvoir donner une représentation honnête de la nature sauvage.

Ces astuces utilisées par les producteurs de documentaires animaliers sont choquantes. A la rédaction, nous avons été abasourdis de découvrir ces manipulations parfois tragiques. Heureusement tous les documentaires ne sont pas réalisés ainsi et de plus en plus de voix s’élèvent afin de préserver le bien-être des animaux de notre planète. Avez-vous été choqué par ces méthodes brutales utilisées par certains réalisateurs ?

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