Vue d’artiste d’un disque protoplanétaire, composé de gaz et de poussières, entourant une jeune étoile. L’image de droite montre le gaz moléculaire ciblé par les chercheurs, composé d’une « soupe » de molécules simples et complexes à proximité des planètes en formation — © M.Weiss / Center for Astrophysics / Harvard & Smithsonian

Des pouponnières planétaires ont récemment été cartographiées de la manière la plus détaillée possible. Et il s’est avéré que celles-ci contenaient beaucoup plus de molécules organiques, éléments chimiques de base nécessaires à l’apparition de la vie, que prévu.

Dix à cent fois plus de matière organique que prévu

Les planètes se forment dans des disques de poussière et de gaz appelés disques protoplanétaires, qui entourent les jeunes étoiles. Au fil des années, plusieurs de ces structures ont été observées, et des signes de formation de planètes identifiés. S’appuyant sur le grand réseau millimétrique/submillimétrique d’Atacama (ALMA), le projet MAPS offre l’aperçu le plus détaillé à ce jour des éléments chimiques les composant.

Les chercheurs ont examiné les disques entourant cinq astres et constaté que chacune d’entre eux possédait une composition chimique unique, variant cependant suivant les zones étudiées. Le projet s’est spécifiquement penché sur les molécules organiques, contenant du carbone et se révélant par conséquent cruciales pour l’apparition potentielle de la vie telle que nous la connaissons.

« Il y avait beaucoup plus de cette matière organique que prévu. Entre 10 et 100 fois plus que ce que nos meilleurs modèles prédisaient », explique John Ilee, chercheur à l’université de Leeds, au Royaume-Uni et co-auteur de l’étude, à paraître dans la revue Astrophysical Journal Supplement Series.

Image détaillant la concentration de différentes molécules dans quatre des disques protoplanétaires étudiés (dernière ligne) — © Dr J.D.Ilee / University of Leeds

Comme évoqué plus haut, toutes les zones de ces disques ne contenaient pas autant de matière organique. « Nous nous attendions à une distribution inégale, mais pas à ce point », souligne Karin Öberg, membre de l’équipe MAPS et chercheuse au Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics. « Ces concentrations d’éléments chimiques conditionneraient probablement l’endroit et le moment où la vie serait susceptible d’émerger dans les disques planétaires. »

Des observations essentielles

En apprendre davantage à ce sujet s’avère essentiel pour déterminer quels mondes au-delà de notre Système solaire pourraient potentiellement abriter la vie. « Il y a encore beaucoup d’étapes à franchir avant de pouvoir affirmer quoi que ce soit, mais nous savons que ces éléments chimiques sont importants pour la vie sur Terre », rappelle Ilee.

L’une des plus importantes de ces molécules organiques est le cyanure, que les chercheurs ont détecté dans les cinq disques étudiés. « Bien qu’ils soient terribles pour des formes de vie complexes et bien développées comme la nôtre, les cyanures semblent être très utiles pour amorcer la chimie de la vie », soulignent les auteurs de l’étude.

Leur omniprésence suggère que de nombreux mondes dispersés dans l’Univers posséderaient les ingrédients nécessaires à l’émergence et au développement de la vie, et que notre Système solaire n’est peut-être pas aussi spécial qu’on l’estime actuellement. Les compositions chimiques des disques étudiés se sont en effet avérées proches de celles des comètes traversant ce dernier, qui constituent les dernières reliques de notre propre disque protoplanétaire.

La partie émergée de l’iceberg

Il sera toutefois indispensable d’en observer davantage en détail afin de déterminer si les cinq structures étudiées peuvent être qualifiées de typiques. Ces disques comptent parmi les plus grands et les plus brillants que nous ayons vus, ce qui a facilité leur observation, mais signifie également que nous ne pouvons pas nécessairement les utiliser pour tirer des conclusions générales au sujet des pouponnières planétaires.

Si de tels travaux offrent un nouveau regard sur les prémices de la formation des planètes (certains disques semblaient même abriter des embryons de planètes), il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour comprendre précisément comment les éléments composant les disques protoplanétaires peuvent s’assembler et donner naissance à des mondes à même d’accueillir la vie.

« Ce sont les blocs de construction des planètes, et comprendre les processus permettant de les combiner représente des décennies de travail », estime Ian Czekala, membre de l’équipe MAPS à l’université d’État de Pennsylvanie. « Ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. »

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