Après une décennie entière, le Pan-Cancer Project vient de livrer ses conclusions. Ce projet, qui a mobilisé 37 pays et plus de 1.300 chercheurs, a permis l’identification des mutations de 38 types de cancers. Ces découvertes permettront notamment de détecter plus tôt les cancers ou de savoir à l’avance comment vont répondre les patients au traitement.
Un projet international colossal
Plus de 1.300 chercheurs divisés en 16 équipes thématiques et issus de 37 pays différents se sont associés dans leurs recherches sur le cancer. En 10 ans, ils ont analysé plus de 2.600 génomes de 38 types de tumeurs. Les résultats de ces recherches ont été relayés à travers 23 publications dans la revue Nature, dont chacune examine un aspect important de la génétique du cancer.
Jusqu’ici, les études ne s’étaient concentrées que sur 1% de l’ADN. Or, ces nouveaux travaux explorent les 99 % restants du génome, y compris des régions clés qui contrôlent l’activation et la désactivation des gènes cancéreux. Le Dr Peter Campbell, membre du comité directeur du Pan-Cancer Project, explique que « l’ensemble du travail Pan-Cancer aide à répondre à une difficulté médicale de longue date : pourquoi deux patients avec ce qui semble être le même cancer peuvent répondre différemment au même médicament« .
Pour répondre à cette question, il faut explorer le matériel génétique des cellules cancéreuses, et en particulier les altérations de l’ADN qui ont conduit les cellules à devenir cancéreuses. Par exemple, les facteurs de risque que sont les rayons UV et le tabagisme laissent une empreinte spécifique dans l’ADN, appelée « signature mutationnelle« . Or, ces empreintes peuvent aider à comprendre comment les cancers se développent et même peut-être comment les soigner.
Des cellules cancéreuses en perpétuelle mutation
Les chercheurs ont identifié 705 mutations qui se sont produites à plusieurs reprises dans les génomes du cancer, ce qui suggère qu’elles ont de l’importance dans la croissance du cancer. Ils ont constaté que ces génomes contiennent en moyenne quatre à cinq mutations. Cependant, dans 5 % des cas, ils n’ont trouvé aucune mutation de ce type.
Sebastian Waszak, qui était boursier postdoctoral dans le groupe Korbel au moment où la recherche a débuté, déclare que « la principale conclusion de notre étude est que le patrimoine génétique d’une personne peut influencer les changements que nous constatons dans le génome de ses cellules cancéreuses« . Les scientifiques ont désormais une vue nouvelle des changements génétiques qui peuvent contribuer au développement du cancer, tout en apercevant les lacunes dans leurs connaissances.
Des cancers extrêmement précoces
La compréhension des mutations qui s’opèrent dans les génomes du cancer permet de pouvoir les détecter plus tôt. En effet, comme l’explique Peter Van Loo, un des chercheurs qui ont dirigé cette partie des travaux, « pour plus de 30 cancers, nous savons maintenant quels changements génétiques spécifiques sont susceptibles de se produire, et quand ceux-ci sont susceptibles de se produire. Le déverrouillage de ces modèles signifie qu’il devrait maintenant être possible de développer de nouveaux tests de diagnostic, qui détectent les signes de cancer beaucoup plus tôt.«
En effet, les chercheurs ont découvert que certaines mutations responsables de l’apparition du cancer sont anciennes et remontent parfois à l’enfance. Ainsi, sur les 47 millions de mutations analysées dans près de 2.600 échantillons, 22 % d’entre elles peuvent être considérées comme des événements précoces du développement d’un cancer. Certaines de ces mutations se produisent des années, voire des décennies, avant la découverte du cancer. C’est notamment le cas pour le cancer de l’ovaire et deux types de tumeurs cérébrales, le glioblastome et le médulloblastome. Les détecter plus tôt permettrait donc de mieux les soigner.
Développer de nouveaux traitements
Le but de cette étude est d’en apprendre davantage sur la génétique du cancer afin de pouvoir aboutir à des traitements plus ciblés et efficaces. Les chercheurs ont remarqué que, du point de vue génétique, des cancers qui affectent des organes différents pouvaient avoir des points communs. Par exemple, il existe certains cancers du sein et de la prostate qui ont des mutations similaires. Cela veut dire qu’un patient atteint d’un cancer de la prostate pourrait peut-être bénéficier du même traitement que celui administré à la patiente atteinte d’un cancer du sein.
“Les connaissances accumulées sur l’origine et l’évolution des tumeurs pourraient permettre de développer de nouveaux outils pour détecter les cancers plus tôt ainsi que des thérapies plus ciblées, afin de traiter les patients plus efficacement”, espère le Dr Lincoln Stein, l’un des pilotes du projet, dans un communiqué de l’Institut de l’Ontario, au Canada. Une bonne nouvelle, sachant qu’une augmentation de 60 % des cas de cancer est prévue d’ici 20 ans.
Par Maurine Briantais, le
Source: Sciences et Avenir
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