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Voici tout ce qu’endure le corps des astronautes lorsqu’ils sont dans l’espace

En impesanteur, les astronautes peuvent gagner jusqu'à 7 centimètres

C’est le rêve de nombreuses personnes, enfants comme adultes, celui d’aller dans l’espace et jouer le rôle d’astronaute pour la NASA ou l’ESA. Pourtant, un séjour en impesanteur au-dessus de notre planète ou même plus loin dans le Système solaire, n’est pas sans conséquence sur le corps humain. Certaines peuvent même être fâcheuses.

Revenu après avoir passé 196 jours à bord de la Station spatiale internationale (ISS), Thomas Pesquet a souffert de quelques effets secondaires une fois sur Terre. Comme tous les spationautes qui l’ont précédé et qui suivront. L’absence de gravité là-haut, au-dessus de la planète, provoque des changements dans le corps humain qui, s’ils ne sont pas irrémédiables, doivent être surveillés avec précaution pendant et après le séjour spatial.

L’astronaute Thomas Pesquet prend la pose à bord de la Station spatiale internationale le 2 janvier 2017. / NASA

OS ET MUSCLES AFFAIBLIS, COLONNE VERTÉBRALE ALLONGÉE

À 400 kilomètres au-dessus de nos têtes, les astronautes ne ressentent pas la gravité terrestre telle que nous la ressentons sur le plancher des vaches : les déplacements en impesanteur se font sans presque aucun effort. Les muscles et les os en pâtissent alors. À bord des stations spatiales, il existe ainsi de nombreux appareils dont se servent les cosmonautes pour maintenir leur forme physique : vélo, tapis roulant. Ils doivent s’entraîner régulièrement, à raison d’une à deux heures d’efforts par jour. Le but est d’éviter que les muscles ne soient trop atrophiés pendant cette période.

« LORSQU’ILS SONT EN IMPESANTEUR, LES ASTRONAUTES PEUVENT GAGNER JUSQU’À SEPT CENTIMÈTRES EN TAILLE À CAUSE DE L’ÉLONGATION DE LEUR COLONNE VERTÉBRALE »

Cependant, l’activité physique à bord de la station ne permet pas d’éviter à l’impesanteur d’avoir quelques effets secondaires sur les os. Il est par exemple estimé qu’un astronaute perd en moyenne 2 % de sa masse osseuse totale. En réalité, les os se détruisent à la même vitesse, que l’on soit sur Terre ou en impesanteur, mais c’est leur reconstruction qui est modifiée. Les os se déminéralisent alors et deviennent plus fragiles.

À gauche, l’os trabéculaire du tibia d’une souris après un vol spatial ; à droite, celui d’une souris restée au sol. / Wikimedia Commons

À leur retour sur Terre, les astronautes se confrontent à des risques de fractures à cause de la plus grande fragilité de leurs os. C’est pourquoi ils sont obligés de suivre une rééducation sportive, un programme de remise en forme, pour que leurs os retrouvent leur solidité d’origine. Malgré cela, il peut arriver que les os ne récupèrent pas totalement leur masse originelle.

Un autre phénomène qui touche à la structure osseuse lorsque le corps humain reste aussi longtemps en impesanteur est la croissance de la colonne vertébrale. Eh oui. Le site de l’Agence spatiale européenne (ESA) explique : « Lorsqu’ils sont en impesanteur, les astronautes peuvent gagner jusqu’à sept centimètres en taille à cause de l’élongation de leur colonne vertébrale, et beaucoup d’entre eux souffrent en conséquence de maux de dos pendant leur mission. » Des maux de dos qui peuvent perdurer après le retour sur Terre, ce qui vient encore une fois appuyer le besoin pour les anciens astronautes d’effectuer des exercices physiques réguliers. L’ESA a mis au point une combinaison spéciale pour « contrer le manque de gravité en comprimant le corps des épaules aux pieds avec une force similaire à celle ressentie sur Terre« , que Thomas Pesquet avait d’ailleurs expérimentée en 2014.

L’astronaute Sunita Williams fait de l’exercice à bord de l’ISS. / NASA

 

LE CŒUR ET LA VISION PÂTISSENT AUSSI

L’impesanteur peut également avoir des effets étonnants sur le système cardiaque et la circulation. Ce qui peut en conséquence entraîner des problèmes aux yeux. L’absence de gravité fait que, tout comme les muscles et les os, le cœur ne travaille pas autant que lorsqu’il est sur Terre. La première conséquence notable sur l’organe est qu’il perd une partie de sa masse au cours du voyage en impesanteur. Son aspect change également : le cœur prend une forme un peu plus sphérique (son aspect conique habituel est rétréci). Heureusement, tout cela se résorbe normalement au bout de quelques semaines au retour sur notre planète.

En rouge une prédiction du changement de forme du cœur sous l’effet de la micro-gravité. / NASA

Sur Terre, l’attraction naturelle aide le sang à circuler dans tous les membres de notre corps, notamment les jambes et les bras. Dans l’espace, le manque de gravité fait que la circulation du sang se réorganise différemment. On estime qu’environ deux litres de sang quittent alors les parties inférieures du corps pour se concentrer au niveau du système vasculaire supérieur (le thorax et la tête), ce qui peut augmenter les risques d’hypertension artérielle ou même d’arythmie cardiaque. Heureusement, cela n’atteint pas de cas critiques.

L’augmentation du flux sanguin dans la partie supérieure du corps, et donc du crâne, a également des conséquences sur la vision. Thomas Pesquet en a témoigné pendant son séjour à bord de l’ISS : « Moi qui ai une excellente vue sur Terre, je sens qu’elle est déjà en train de diminuer dans l’ISS. L’absence de gravité augmente le flux sanguin à l’intérieur du crâne. Cela crée une pression qui affecte les yeux. C’est l’un des prix à payer« , écrivait-il dans son journal de bord.

« MOI QUI AI UNE EXCELLENTE VUE SUR TERRE, JE SENS QU’ELLE EST DÉJÀ EN TRAIN DE DIMINUER DANS L’ISS. » – THOMAS PESQUET

L’accumulation sanguine exerce donc une pression dans le crâne. Mais dans la communauté scientifique, on estime que le sang pourrait ne pas être le seul responsable. L’autre mis en cause serait le liquide cérébro-spinal (anciennement appelé céphalo-rachidien) qui permet d’absorber les chocs du cerveau contre la boîte crânienne. Une étude a été menée sur plusieurs astronautes ayant souffert de problèmes de vue à bord de l’ISS. Chez ces sept personnes, les IRM ont montré que le volume du liquide cérébro-spinal était plus important que chez des astronautes ayant effectué un séjour plus court dans l’espace.

Les IRM ont également montré que les globes oculaires de ces astronautes étaient légèrement aplatis à l’arrière, à cause de la pression exercée par le sang et le liquide cérébro-spinal. Cette déformation serait donc la cause de la diminution de l’acuité visuelle chez ces personnes car elle modifie la distance entre le cristallin et la rétine. Et à ce niveau, même quelques micromètres de décalage peuvent tout changer.

L’astronaute de la NASA Michael Hopkins effectue un test d’imagerie oculaire à ultrasons à bord de l’ISS. / NASA

Heureusement, comme beaucoup des symptômes intersidéraux que manifestent les astronautes et qui sont exposés ici, ce trouble de la vision se résorbe normalement après le retour sur Terre. Cependant ce n’est pas toujours le cas : en 2007, un astronaute a perdu près de 30 % du champ visuel d’un de ses yeux. Bernard Comet, ancien médecin des astronautes français raconte : « Il aurait peut-être pu perdre son œil s’il était resté plus longtemps là-haut. On ne sait toujours pas bien ce qu’il s’est passé. Il avait une plicature du nerf optique. Il n’a pas été établi de lien avéré, mais selon moi on devrait appliquer le principe de précaution pour les prochains astronautes qui présenteraient cette particularité anatomique et refuser de les envoyer pour des missions de longue durée.« 

Le spationaute russe Sergueï Riazanski effectuant une sortie hors de l’ISS pour une durée de cinq heures et cinquante minutes en 2013. / NASA

 

ATTENTION AUX RADIATIONS

Il y a toutefois un autre facteur qui peut affecter la vue et le cœur d’un astronaute : les radiations solaires et cosmiques. Même si la Station spatiale internationale reste encore relativement proche de la Terre et de son atmosphère, cela ne suffit pas à protéger la station et les scientifiques à l’intérieur des radiations cosmiques. Sur Terre, ces rayons sont dispersés par l’atmosphère ainsi que par la magnétosphère (la région dans laquelle le champ magnétique de la Terre fait effet). L’ISS se trouve dans cette dernière, mais cela ne suffit pas à repousser toutes les radiations. Celles-ci peuvent avoir un effet sur l’acuité visuelle.

Illustration représentant le champ magnétique généré par la Terre qui détourne les radiations solaires. / Wikimedia Commons

Les radiations pourraient également avoir joué un rôle dans la mort de maladie cardiaque de plusieurs astronautes des missions Apollo. Dans ces cas, nous sortons du domaine de l’ISS puisque les missions Apollo se sont beaucoup plus éloignées de la Terre pour aller sur la Lune. Or, à cet endroit de l’espace, il n’y a plus aucune protection contre les radiations en dehors des vaisseaux et combinaisons.

« CURIOSITY A ÉTÉ EXPOSÉ À PRÈS DE 2 MILLISIEVERTS DE RADIATIONS PAR JOUR DE VOYAGE, TANDIS QU’EN FRANCE LA RADIOACTIVITÉ NATURELLE EST D’ENVIRON 2 MSV PAR AN. »

Si les scientifiques savent depuis déjà longtemps que les radiations cosmiques et solaires pouvaient, tout comme les radiations de réacteurs nucléaires ou de déchets radioactifs sur Terre, augmenter le risque de cancers, ils ont découvert que les radiations pouvaient également jouer un rôle dans les cas de défaillance cardiaque. En effet, sur les quelques astronautes des missions Apollo aujourd’hui décédés de maladie, 43 % sont morts à cause d’une défaillance cardiaque.

Des médecins américains ont donc réalisé une étude sur des souris en soumettant celles-ci aux mêmes doses de radiations subies par les astronautes des missions Apollo. Ils en sont venus à la conclusion que la mort par défaillance cardiaque de ces personnes était bel et bien due aux radiations spatiales. « Celles-ci provoqueraient des inflammations chroniques au niveau du système cardiovasculaire et provoqueraient l’obstruction des vaisseaux sanguins, augmentant le risque d’infarctus ou d’accident vasculaire cérébral« , indique le site Science & Vie.

Le rover Curiosity. / Wikimedia Commons

A titre de comparaison, et de projection vers le futur de l’exploration spatiale, la sonde américaine Curiosity a pris les mesures des radiations cosmiques auxquelles elle a été soumise lors de son voyage jusqu’à Mars. Les résultats sont effarants : Curiosity a été exposé à près de 2 millisieverts (mSv) de radiations par jour de voyage. Tandis qu’en France, la radioactivité naturelle est d’environ… 2 mSv par an. Sachant que le voyage de Curiosity jusqu’à notre voisine la planète rouge a duré huit mois…

 

LES PIEDS ET L’ÉQUILIBRE À FLEUR DE PEAU

Parmi les conséquences d’un voyage dans l’espace, il y en a de plus bénignes, notamment au niveau des pieds. L’astronaute Scott Kelly, qui a passé 340 jours à bord de l’ISS, a raconté au site Internet Townandcountrymag.com à quel point ses pieds l’avaient fait souffrir à son retour sur Terre : « Ce qui me dérange le plus est à quel point mes pieds me font encore mal. C’est du point de vue de la qualité de vie. J’espère que ça s’arrêtera mais j’avais assurément beaucoup plus mal quand je suis revenu que maintenant. Quand on est dans l’espace, on fait de l’exercice, on court sur un tapis roulant, mais c’est seulement pour 30 minutes par jour, et on est attaché au tapis. C’est une force réduite par rapport à la normale. Et le reste du temps on n’utilise pas nos pieds, en tout cas, pas pour marcher. C’est pour ça que les pieds font mal, parce qu’on ne les utilise pas. » En effet, la peau de la plante des pieds est plus épaisse sur Terre à cause des frottements provoqués par la marche. Dans l’espace, la peau devient alors plus fine et plus sensible, ce qui rend douloureux le fait de marcher.

« CE QUI ME DÉRANGE LE PLUS EST À QUEL POINT MES PIEDS ME FONT ENCORE MAL. C’EST D’UN POINT DE VUE DE LA QUALITÉ DE VIE. » – SCOTT KELLY

Le retour sur Terre peut aussi entraîner divers problèmes sensoriels qui, là encore, se résorbent rapidement après un temps d’adaptation. Bernard Comet évoque notamment le « mal de terre » des astronautes, un peu comme ce qui peut arriver aux marins qui sont restés longtemps en mer lorsqu’ils mettent pied à quai. « Il est ainsi monnaie courante de vomir après des vols de longue durée.« 
Lors du retour sur le plancher des vaches, la gravité permet au sang de retrouver un flux normal : alors qu’il était concentré sur les parties supérieures dans l’espace, celui-ci retourne dans les jambes une fois sur Terre. Ce qui peut conduire à des vertiges voire des évanouissements.

Thomas Pesquet à bord de la Station spatiale internationale. / Wikimedia Commons

Le goût de l’espace

Il est souvent demandé sur Internet s’il est vrai que les astronautes perdent le sens du goût lorsqu’ils sont dans l’espace. Ceci est vrai, mais pas totalement, car ils ne perdent pas réellement le sens gustatif. Là-haut, l’absence de gravité (ou très minime) fait que les fluides comme le sang se concentrent dans la partie supérieure du corps, en particulier le crâne. Nous en avons parlé plus haut pour les problèmes liés à la vision, et il s’agit là d’un phénomène similaire.

Interrogé sur Internet, l’instructeur et contrôleur de vol à la NASA, Robert Frost, explique : « Les fluides montent à la tête si bien que de nombreux astronautes se sentent congestionnés, d’une façon similaire à ce que l’on ressent lorsqu’on a un rhume sur Terre. Et comme pour un rhume sur Terre, la congestion affecte le sens olfactif. Or nous utilisons notre sens du goût et de l’odorat ensemble pour avoir la pleine expérience de ce que nous identifions comme le goût. Ainsi, les astronautes peuvent manquer une partie de cette expérience. La nourriture peut sembler un peu fade lorsque l’arôme est absent. C’est pourquoi, et pas seulement parce que les astronautes sont Texans, que la sauce piquante est très populaire à bord de l’ISS.« 

Thomas Pesquet / NASA

Un impact sur l’ADN

Ce que l’on sait moins, mais qui semble finalement assez logique, c’est qu’un séjour dans l’espace peut également altérer l’ADN humain. Pas dans les mêmes proportions qu’une dose de radiations cosmiques qui peuvent provoquer de graves mutations et des cancers, mais tout de même suffisamment remarquables.

Illustration d’un chromosome où les télomères sont mis en évidence (en rouge). / UBC, Université de la Colombie-Britannique

C’est ce que l’on a appris lorsque le célèbre astronaute américain Scott Kelly est revenu de son voyage de 340 jours dans la Station spatiale internationale. Il se trouve que Scott Kelly a un frère jumeau, Mark, qui a lui aussi été astronaute mais qui est resté sur Terre pendant ces 340 jours. Au début de l’année 2017, les résultats d’expériences menées sur ces deux frères ont été révélés. La principale modification du génome de Scott Kelly que les scientifiques ont pu remarquer est que ses télomères (les extrémités des branches des chromosomes fortement suspectées d’être liées au vieillissement) se sont allongés au cours du séjour dans l’espace. Là encore, les télomères ont retrouvé leur taille initiale après le retour sur Terre.

Les spécialistes de la NASA suggèrent que ces changements, non permanents donc, sont en partie liés aux conditions de vie dans l’espace (micro-gravité, l’alimentation lyophilisée à très basses calories, le strict programme sportif imposé, etc.).

Les frères jumeaux Mark (gauche) et Scott (droite) Kelly, tous deux astronautes retraités. / NASA

En définitive, beaucoup de ces phénomènes n’ont pas encore trouvé de réponse certaine chez les scientifiques. Comme pour l’allongement de la colonne vertébrale, les chercheurs travaillent sur des solutions expérimentales pour limiter ou annuler les effets de l’impesanteur sur le corps. Reste toujours un obstacle de taille : celui des radiations, dont on sait se protéger à moindre échelle, mais qui rendrait les missions humaines sur d’autres planètes, comme Mars, problématique pour la santé des astronautes. Pour certains il serait même judicieux de retarder ces missions jusqu’à trouver des solutions pour protéger les astronautes des radiations plutôt que continuer sur les calendriers déjà établis. Le Congrès américain a en effet mandaté à la NASA la mission d’envoyer des hommes sur la planète rouge à l’horizon 2033.

Par Corentin Vilsalmon, le

Source: Usbeketrica

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