Dans l’un des milieux les plus inhospitaliers de la planète, des chercheurs ont découvert que des geckos presque impossibles à distinguer à l’œil nu appartiennent en réalité à des lignées génétiquement distinctes. Cette révélation bouleverse notre compréhension de la biodiversité cachée.

Des geckos presque identiques cachent en réalité une diversité génétique insoupçonnée
Le désert d’Atacama, au nord du Chili, est l’un des endroits les plus secs de la Terre. C’est pourtant dans cet environnement extrême que vivent les geckos du genre Garthia, de petits reptiles nocturnes, résistants, discrets, et à première vue identiques les uns aux autres.
Jusqu’à récemment, les scientifiques pensaient qu’il n’existait que deux espèces : Garthia gaudichaudii et Garthia penai. Pourtant, cette classification laissait planer le doute. Trop de ressemblances physiques, trop peu de variations visibles. Était-ce vraiment deux espèces ? Ou une seule, très polymorphe ?
Pour trancher, une équipe internationale a lancé une analyse génomique complète. En prélevant des spécimens dans quinze localités différentes, les chercheurs ont tenté de percer l’énigme évolutive de ces geckos. Et le résultat, publié en octobre 2025 dans Molecular Phylogenetics and Evolution, a de quoi surprendre : les deux espèces reconnues ne suffisent pas à décrire leur diversité réelle.
Les analyses ADN révèlent jusqu’à onze espèces là où on en voyait deux
L’étude a mis en évidence des divergences génétiques profondes entre les populations étudiées. Selon les résultats, Garthia gaudichaudii et Garthia penai auraient évolué séparément depuis près de 20 millions d’années. Mais surtout, les analyses suggèrent l’existence d’au moins trois, et peut-être jusqu’à onze espèces distinctes au sein de ce groupe.
Ce phénomène porte un nom : complexe d’espèces cryptiques. En biologie, cela désigne des organismes qui semblent identiques d’un point de vue morphologique, mais dont le patrimoine génétique révèle des histoires évolutives profondément distinctes. En d’autres termes, la nature dissimule parfois une biodiversité foisonnante sous des apparences trompeuses.
Dans un communiqué, Damien Esquerré, biologiste de l’évolution et coauteur de l’étude, insiste sur l’importance de cette découverte : « Les approches traditionnelles négligent souvent les espèces cryptiques, sous-estiment la biodiversité et limitent notre capacité à conserver ces formes de vie uniques. »
Ces espèces invisibles à l’œil nu rappellent combien la génétique transforme la biologie
Le cas des geckos chiliens n’est pas isolé. Il témoigne d’un défi majeur pour la science moderne : identifier, nommer et protéger les espèces qui nous entourent. Surtout celles que nous ne soupçonnons même pas.
Ces travaux soulignent combien la génétique est devenue un outil indispensable pour comprendre la complexité du vivant. Dans des milieux extrêmes comme le désert d’Atacama, elle révèle des formes de vie que l’on aurait pu ignorer encore longtemps. Ce choc pour la biologie rappelle à quel point la diversité de la planète reste en grande partie inexplorée.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Catégories: Sciences, Animaux & Végétaux