Dans son rapport annuel, Amnesty International tire le signal d’alarme sur la situation de la Birmanie, un pays en proie à de nombreuses tensions internes. Si en Occident le bouddhisme est associé à la paix intérieure ou à la non-violence, en Birmanie des groupes extrémistes bouddhistes massacrent la minorité musulmane du pays.

 

UN CONTEXTE DIFFICILE

Dans l’État de l’Ankaran, au Nord-Est de la Birmanie, vit le peuple Rohingyas. Descendants de commerçants arabes, turcs et mongols, cette communauté de confession musulmane est présente dans le pays depuis le XVe siècle. Mais la Birmanie est majoritairement bouddhiste et la population rejette massivement cette minorité religieuse, considérée par l’ONU comme la minorité la plus persécutée au monde. Une situation des plus préoccupantes et qui, selon Amnesty International, continue d’empirer.

« PAR L’AMOUR SEUL LES HAINES SONT ÉTEINTES » – SUTRA BOUDDHISTE

En octobre dernier, un avant-poste de police aurait été attaqué par les militants rohingyas, causant la mort de neufs policiers. En représailles, les forces de l’ordre ont lancé une opération de sécurité ainsi que des « opérations de nettoyage ». Empêchant aussi bien les humanitaires, les médias et les observateurs indépendants de se rendre dans la zone, les policiers  » se sont rendues coupables d’homicides illégaux, de tirs aveugles sur des civils, de viols et d’arrestations arbitraires « , selon un rapport d’Amnesty International.

DES PERSÉCUTIONS CONTRE LA MINORITÉ MUSULMANE

Il semblerait aussi que ces expéditions punitives aient directement visé la communauté des Rohingyas, déjà particulièrement persécutée dans le pays. En 2012, Human Right Watch avait accusé de crime contre l’humanité plusieurs moines bouddhistes qui auraient pris part à des massacres contre la minorité musulmane. Des persécutions qui se poursuivent en toute impunité. En juin dernier, plusieurs bâtiments de la communauté musulmane, dont une mosquée, ont été détruits. En juillet, c’est une salle de prière qui était attaquée par la foule.

LA COMPLICITÉ DE L’ÉTAT

Ce qui inquiète encore plus les observateurs internationaux, c’est l’impunité voir la complicité de l’État birman face à ces persécutions. Depuis 1982, une loi a même retiré la citoyenneté aux Rohingyas. Subissant un véritable apartheid, la minorité musulmane est séparée du reste de la population, ne peut pas travailler, se marier ou étudier et est régulièrement victime d’expropriations, de privations d’accès aux soins mais donc aussi de persécutions. De plus, le gouvernement prive la minorité de sa liberté de déplacement et va même jusqu’à en enfermer une partie dans des camps.

« NE PAS NUIRE AUX ETRES VIVANTS NI PRENDRE LA VIE » – PRÉCEPTE BOUDDHISTE DE NON VIOLENCE

Preuve de l’inaction du gouvernement face à cette situation, Amnesty International révèle que suite aux massacres d’octobre « le gouvernement a nié catégoriquement que les forces de sécurité aient commis des atteintes aux droits fondamentaux ». De même, le Premier Ministre a annoncé que les auteurs des destructions de bâtiments musulmans en juin dernier ne seraient pas inquiétés. Quant aux responsables de l’attaque visant une salle de prière, aucun n’a été traduit en justice.

UNE SITUATION DE CRISE

Amnesty International profite donc de son rapport annuel pour appeler à une prise de conscience sur la situation des Rohingyas, qui aujourd’hui ne sont plus que 800 000 à vivre dans ce pays de 51 millions d’habitants. D’un coté l’intolérance religieuse instaurée par l’État birman sépare la minorité musulmane du reste de la population et lui impose des conditions de vie précaires et dangereuses. De l’autre, cette communauté est aussi victime de nombreuses persécutions et ne peut compter sur la justice et la police pour se défendre. Une situation de crise qui amène des milliers de Rohingyas à fuir vers les pays frontaliers, au risque de mourir sur la route ou de devenir la proie de trafiquants qui les réduisent en esclavage.

En mai dernier, le gouvernement birman a instauré un Comité central pour la mise en œuvre de la paix, de la stabilité et du développement dans l’État d’Arakan, présidé par Aung San Suu Kyi. Un comité suivi en août par une Commission consultative sur l’État d’Arakan, avec à sa tête l’ancien secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan. Des mesures qui semblent marquer une tentative d’apaisement des tensions. Mais face à l’urgence de la situation des Rohingyas et face aux agissements du gouvernement qui minimise les persécutions de ce peuple et n’intervient pas pour le protéger, on ne peut rester que vigilant et inquiet quant à l’évolution du sort de la minorité musulmane de Birmanie.

Pour prolonger ce sujet, vous pouvez retrouver actuellement en salles le documentaire Le Vénérable W. Présenté en sélection officielle au festival de Cannes, le film signé Barbet Schroeder suit le quotidien d’un moine bouddhiste influent et illustre avec lui, les tensions islamophobes du pays.

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