Les profondeurs de la Terre continuent de fasciner les scientifiques, et de nouvelles recherches remettent en question des idées établies sur la composition du manteau terrestre. Longtemps considérées comme des réservoirs complexes de matériaux distincts, les structures mystérieuses du manteau pourraient, selon une étude récente, être beaucoup plus uniformes qu’on ne le pensait. Cette étude s’intéresse notamment à la source du magma qui alimente les points chauds volcaniques, révélant que celui-ci pourrait provenir d’un ancêtre magmatique commun.
La théorie d’un manteau uniforme
Une des idées centrales de cette nouvelle étude, menée par une équipe de scientifiques dont Matthijs Smit, spécialiste des sciences de la Terre à l’université de Colombie-Britannique, est que le manteau profond est bien plus uniforme que ce que l’on croyait auparavant. Jusqu’à présent, les scientifiques envisageaient cette couche comme une sorte de « ragoût » composé de diverses roches qui ne se mélangent pas, ou se mélangent très lentement. Cependant, Smit et son équipe proposent qu’au lieu d’un ragoût, le manteau pourrait être vu comme un « smoothie », où les composants sont plus homogènes et bien mélangés.
L’étude se concentre sur les laves des points chauds volcaniques, comme ceux des îles d’Hawaï, de l’Islande et des Samoa. Ces volcans sont alimentés par des panaches de magma provenant des profondeurs du manteau terrestre. Les analyses antérieures des laves de ces points chauds ont révélé des différences dans leur composition chimique, notamment en ce qui concerne les oligo-éléments.
Les scientifiques pensaient que cela indiquait l’existence de plusieurs réservoirs distincts dans le manteau, chacun composé de roches différentes. Cependant, les modèles numériques utilisés dans cette nouvelle étude suggèrent une vision plus radicale : le manteau se mélange de manière bien plus efficace que ce que l’on pensait, rendant les magmas presque identiques au départ.
Un magma ancestral commun
Pour tester cette nouvelle hypothèse, l’équipe de Smit s’est penchée sur la composition chimique de différents échantillons de lave provenant de points chauds à travers le monde. Les chercheurs se sont concentrés sur trois éléments-clés : le nickel, le niobium et le chrome. Chacun de ces éléments réagit différemment en fonction des changements que subit le magma en remontant vers la surface. Le nickel et le chrome, par exemple, ont tendance à s’incorporer dans des cristaux solides au fur et à mesure que le magma monte, alors que le niobium reste dans la partie liquide.
En examinant la proportion de ces éléments dans les laves, les scientifiques ont pu identifier quelles laves avaient été les plus transformées par rapport à leur source d’origine et lesquelles étaient restées plus proches du magma ancestral. Ce qu’ils ont découvert, c’est que les laves des points chauds du monde entier montrent des tendances similaires, ce qui suggère qu’elles proviennent toutes d’une même composition de départ.
Cette conclusion bouleverse la vision traditionnelle selon laquelle les différences dans les laves étaient dues à des réservoirs de roches distincts dans le manteau. En réalité, ces différences résulteraient plutôt de la manière dont le magma interagit avec les roches du manteau supérieur et de la croûte terrestre lors de sa remontée.
Les « blobs » du manteau sous un nouveau jour
Cette découverte remet également en question les explications proposées jusqu’à présent pour certaines structures énigmatiques du manteau profond, connues sous le nom de « grandes provinces à faible vitesse de cisaillement » (LLVP). Ces zones, situées près de la frontière entre le noyau terrestre et le manteau, ont longtemps intrigué les chercheurs en raison de la manière dont les ondes sismiques se comportent à leur approche. Plusieurs théories ont été avancées pour expliquer la nature de ces structures, notamment l’idée qu’elles pourraient être les restes de roches spatiales ayant frappé la Terre peu après sa formation, ou encore des fragments de l’ancienne croûte terrestre poussés en profondeur par la subduction des plaques tectoniques.
Cependant, la nouvelle étude suggère que les LLVP pourraient ne pas être composées de matériaux différents du reste du manteau, mais pourraient simplement être des zones plus chaudes. Cela signifierait que la composition chimique de ces structures serait identique à celle du manteau environnant, et que leur particularité résiderait uniquement dans leur température plus élevée. Si cette hypothèse est confirmée, cela simplifierait considérablement la compréhension de la dynamique du manteau terrestre.
La principale conclusion de cette étude est que les scientifiques n’ont plus besoin de recourir à des explications complexes pour justifier la diversité des magmas dans les points chauds volcaniques ou l’existence de zones distinctes dans le manteau profond. Le manteau pourrait bien être un mélange homogène à l’échelle globale, et les différences observées dans les laves s’expliqueraient principalement par des interactions avec la croûte terrestre et des variations de température. Comme l’explique Matthijs Smit : « Nous sommes enfin libérés de l’idée qu’il existe des poches non mélangées à l’intérieur du manteau qui sont restées en place depuis la création de la Terre. » Par ailleurs, des géologues forent le manteau terrestre à une profondeur record.