Au Bangladesh, les conditions de travail des ouvriers du textile sont catastrophiques depuis des années. Avec le confinement dû au coronavirus, la situation n’a fait qu’empirer. En effet, les grands groupes de prêt-à-porter ne payent plus leurs salaires aux ouvriers.

« L’usine textile du monde »

Le Bangladesh, pays pauvre et sans ressources, est considéré comme « l’usine textile du monde » car il est le deuxième exportateur de textile au monde. En 2018, c’était 30 milliards d’euros de produits textiles qui étaient exportés du pays. Mais les conditions de travail de ces ouvriers sont déplorables : en 2017, un article de Slate rapportait que pour 8 heures de travail par jour, 6 jours par semaine, les travailleurs gagnaient 66$ alors qu’il faudrait un minimum de 367$ pour vivre au Bangladesh. La situation de ces personnes est donc assez inhumaine. Cette situation se cristallisait en 2013, lors de l’effondrement du Rana Plaza à Dacca, immeuble abritant des usines de textile, qui a un temps fait prendre conscience aux Occidentaux des dangers de la fast fashion et de la production à bas coût des vêtements. Depuis cet accident, des lois ont été votées, dont en France la loi Rana Plaza, en 2017, qui impose aux entreprises un « devoir de vigilance des sociétés mères », aux grands groupes du textile de veiller à ce que les usines soient salubres et que les ouvriers travaillent dans des conditions dignes. Pas franchement contraignante, cette loi ne change rien aux salaires de misère que reçoivent les travailleurs.

Plus récemment, le film Made in Bangladesh, inspiré de l’histoire d’une syndicaliste bangladaise, dépeint la réalité des conditions de travail des ouvrières du textile, sans volonté de culpabilisation, et explique que, malgré tout, le travail reste pour ces femmes un moyen de s’émanciper. Après l’effondrement du Rana Plaza, certaines marques comme Zara ou H&M s’étaient engagées à vérifier la sécurité des usines, mais là encore ce n’était bien sûr pas suffisant. D’autant que des enfants sont toujours en train de travailler dans ces usines. Mais aujourd’hui, ces grands groupes sont pointés du doigt pour une autre raison : suite aux mesures de confinement mises en place, elles n’ont pas honoré les commandes qu’elles avaient passées à leurs fournisseurs, les usines de sous-traitance bangladaises ou cambodgiennes. De nombreux grands groupes n’ont pas versé leurs salaires à ces centaines d’ouvriers du textile, qui manifestent pour l’obtenir. Zara s’est de son côté engagé à honorer ses commandes et à payer les salariés, de même que H&M.

— Sk Hasan Ali / Shutterstock.com

La vie des ouvriers suspendue

Ce n’est pas la première fois que les ouvriers du textile manifestent pour une hausse de leur salaire. Il y a un an, début 2019, des milliers de travailleurs réclamaient une revalorisation de leur salaire, qui avait augmenté de 50 % pour atteindre 8 000 takas (l’équivalent de 83 €), mais cette hausse avait été jugée dérisoire par rapport à l’augmentation du coût de la vie. Toutefois, aujourd’hui, ce n’est pas pour une augmentation de salaire que les ouvriers manifestent, mais pour être payés pour les commandes faites qui n’ont pas été honorées. Le néerlandais C&A et l’irlandais Primark n’ont en effet pas honoré leurs commandes mais n’ont pas payé les ouvriers pour le travail fourni. Toutefois, lundi, Primark est revenu sur sa décision et s’est engagé à verser 370 millions de livres sterling pour les commandes non honorées.

La situation est donc catastrophique pour ces milliers d’ouvriers précaires. Sans aide de l’État, et sans aucune certitude sur l’avenir de leurs usines, ils se retrouvent à la rue parfois sans nourriture. L’association bangladaise des fabricants de textile et des exportateurs (BGMEA) estime que plus de 2 millions de travailleurs sont impactés par ces fermetures d’usines, et que l’annulation de l’exportation des commandes a coûté plus de 3 milliards de dollars. Cela met en danger les ouvriers du textile, d’autant que ces chiffres ne prennent pas en compte la situation dans d’autres pays comme le Cambodge, la Birmanie ou l’Inde. Solidar Suisse, une ONG militant pour des conditions de travail décentes, appelle également les grands groupes du textile à verser les salaires.

Le confinement nous oblige à repenser notre rapport au travail et à la hiérarchisation des métiers qui s’est imposée dans nos sociétés. Refuser de payer des ouvriers malgré leur travail montre l’importance que certains groupes accordent à des vies humaines, et tout cela nous incite à réfléchir au monde que nous souhaitons pour demain.

Mise à jour le 23 avril: Nous avons apporté des modifications. « Zara s’est de son côté engagé à honorer ses commandes et à payer les salariés, de même que H&M. »

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2 Commentaires
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Daflon
Daflon
3 années

L’esclavage existe bien toujours sur terre. C’est même plus efficace qu’auparavant car les esclavagistes n’ont ni à gérer leur transport, ni leur nourriture, ni leur vie journalière.
Le grand capitalisme vit bien de l’esclavage, et même très bien.
Il faut que les peuples remettent tout le système en question.

BABAR
BABAR
3 années

L’arrière pensée du confinement basé sur la peur du méchant virus, abondamment amplifiée par les médias mainstream à la solde des multinationales apparaît dans toute sa splendeur: Couler le plus possible de PME / TPE en indemnisant les banques et les salariés, et en laissant les petits patrons en attente… Lire la suite »