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L’analyse du microbiote intestinal pourrait bien révolutionner la prévention des naissances prématurées

Représentation microscopique colorisée d’une bactérie artificielle créée par des chercheurs.
Visualisation scientifique d’une bactérie artificielle mise au point en laboratoire, une avancée majeure en génétique moderne – DailyGeekShow.com / Reve AI

Chaque grossesse est une danse subtile entre hormones, immunité et environnement. Pourtant, malgré les progrès médicaux, certaines naissances surviennent encore trop tôt, sans explication claire. C’est pourquoi une nouvelle piste attire aujourd’hui l’attention des chercheurs : le microbiote intestinal.

Pourquoi les naissances prématurées restent-elles si difficiles à prévenir ?

D’abord, rappelons qu’arriver au monde avant la 37e semaine de gestation n’est jamais anodin. Les bébés prématurés doivent affronter des difficultés respiratoires, des troubles neurologiques ou encore des problèmes digestifs. Ces complications peuvent les suivre toute leur vie.

Selon l’Organisation mondiale de la santé, près de 900 000 enfants de moins de cinq ans sont décédés en 2019 à cause d’une naissance trop précoce. Un chiffre qui illustre l’ampleur du problème.

Ensuite, il faut préciser que dans une grande partie des cas, aucune cause évidente n’est identifiée. Oui, certains facteurs de risque sont bien connus : grossesses multiples, infections ou antécédents familiaux.

Mais ils ne suffisent pas à expliquer toutes les situations. Ce manque d’explications claires pousse donc les chercheurs à explorer des pistes inédites, afin d’élargir notre compréhension et, peut-être, d’offrir de nouveaux outils de prévention.

Comment une bactérie intestinale pourrait déclencher un accouchement trop tôt

C’est dans ce contexte qu’une étude récente, publiée dans Cell Host & Microbe, apporte des éléments troublants. Les chercheurs ont analysé plus de 5 300 femmes enceintes en Chine.

Leurs travaux ont révélé une signature microbienne intrigante. Une bactérie, en particulier, apparaissait beaucoup plus fréquemment chez celles qui ont accouché trop tôt : Clostridium innocuum.

Or, cette bactérie a une capacité redoutable : elle peut dégrader l’estradiol, une hormone essentielle au maintien de la grossesse. Sans estradiol, l’équilibre hormonal se fragilise.

Les mécanismes déclenchant l’accouchement risquent alors de s’activer trop tôt. Autrement dit, une concentration trop élevée de Clostridium innocuum dans l’intestin pourrait raccourcir la durée d’une grossesse.

À la différence des gènes, le microbiote est modifiable. Il évolue en fonction de l’alimentation, de l’environnement ou des traitements. Ce caractère modulable en fait une piste concrète et actionnable pour prévenir certaines complications. En somme, si la bactérie joue un rôle, il pourrait être possible d’agir sur elle.

Quelles preuves scientifiques confirment ce rôle du microbiote ?

Les chercheurs de l’université de Westlake et de Huazhong ont franchi une étape supplémentaire. Ils ont identifié une enzyme produite par Clostridium innocuum, capable de transformer l’estradiol en une forme inactive. Conséquence : une chute des hormones actives dans le sang maternel.

Ce constat n’est pas resté théorique. Chez la souris, l’introduction de cette bactérie a entraîné une baisse de l’estradiol pendant toute la gestation.

Ces expériences montrent que nous ne sommes pas simplement face à une corrélation statistique. Il s’agit bel et bien d’un mécanisme biologique actif. En d’autres termes, la bactérie ne se contente pas d’être présente au mauvais endroit au mauvais moment, elle agit directement sur l’équilibre hormonal.

Une telle découverte ouvre la voie à une nouvelle approche du suivi de grossesse. Demain, il sera peut-être aussi banal d’analyser l’intestin de la future maman que de réaliser une prise de sang.

Vers quelle nouvelle approche du suivi prénatal allons-nous ?

Cette avancée dépasse largement le cadre strict de la recherche scientifique. Elle change notre manière de concevoir la grossesse. Elle rappelle que des signaux de fragilité peuvent apparaître très tôt, bien avant les échographies classiques. Elle invite aussi à réfléchir à un suivi prénatal plus personnalisé, basé sur la cartographie du microbiote intestinal.

Pour autant, il serait prématuré de parler déjà de « cures de microbiote » destinées à toutes les femmes enceintes. La prudence reste de mise. Mais les perspectives ouvertes sont considérables.

Repérer plus tôt les grossesses à risque, corriger certains déséquilibres, réduire les complications néonatales : autant d’objectifs désormais envisageables. Dans un contexte où les taux de prématurité stagnent malgré les progrès médicaux, cette approche pourrait bien représenter une révolution discrète mais décisive.

En résumé, nous commençons à comprendre qu’un équilibre microscopique dans nos intestins peut avoir des conséquences gigantesques sur le déroulement d’une grossesse. Et si demain, un simple test intestinal permettait d’éviter des milliers de naissances prématurées, nous aurions franchi un cap majeur en santé maternelle.

Par Eric Rafidiarimanana, le

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