Un gigantesque champ hydrothermal découvert dans l’océan Pacifique pourrait bien bouleverser nos hypothèses sur l’origine de la vie.

Baptisé Kunlun, ce site de 11,1 km², cent fois plus vaste que la célèbre « Cité perdue » de l’Atlantique, révèle un environnement étonnamment propice à l’apparition de la vie.
Avec ses cratères profonds, ses fluides riches en hydrogène et sa biodiversité inattendue, cette découverte relance une vieille question : et si tout avait commencé là, dans les entrailles marines d’un monde primitif ?
Un réseau de cratères géants et de dolomites, bien plus vaste que la Cité perdue
Jusqu’à présent, la « Lost City » découverte en 2000 au large de l’Atlantique faisait figure de référence. Mais Kunlun, situé au nord-est de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, dépasse tout ce qu’on connaissait. Le champ hydrothermal s’étend sur plus de 11 km², avec des cratères atteignant plus de 100 mètres de profondeur.

Contrairement aux cheminées volcaniques noires et brûlantes que l’on trouve ailleurs, Kunlun diffuse des fluides à moins de 40 °C.
Ces conditions « douces » se rapprochent de celles des soupes chimiques primitives, dont on pense qu’elles ont nourri les premières formes de vie. Autrement dit, Kunlun rejoue peut-être un chapitre oublié de l’histoire biologique de la Terre.
Une chimie riche en hydrogène qui rappelle les débuts de la biosphère terrestre
Ce site est exceptionnel par la quantité d’hydrogène abiotique qu’il libère : environ 8 % du flux mondial recensé à ce jour. Pour les chercheurs, c’est un record.
Ce gaz est l’un des carburants majeurs des réactions chimiques à l’origine de la vie. Lorsqu’il se mélange à certaines roches, il déclenche une réaction appelée serpentinisation, qui produit chaleur et matière organique.
Ce processus serait à l’origine de Kunlun. L’eau de mer s’est infiltrée dans le manteau terrestre. Là, elle a réagi avec les roches profondes, générant de l’hydrogène et créant des explosions successives.
Résultat : des cratères immenses, des tuyaux naturels, et un réseau de failles qui agit comme un réacteur géochimique. Les sédiments de carbonate scellent ensuite certains canaux, piégeant l’hydrogène jusqu’à la prochaine rupture.
Une oasis de vie inattendue au fond de l’océan Pacifique
Outre son intérêt géologique, Kunlun est un écosystème vivant. Les chercheurs y ont observé des crevettes, des anémones, des crabes, des vers tubicoles…
Tous ces organismes semblent vivre grâce à la chimiosynthèse, un mécanisme où l’énergie vient non pas de la lumière, mais des réactions chimiques. C’est le même principe que dans les toutes premières formes de vie terrestre.
Selon Weidong Sun, géochimiste marin au sein de l’Académie chinoise des sciences, ce site constitue un « laboratoire naturel idéal ».
Il permet d’étudier comment la vie peut émerger et prospérer dans des milieux extrêmes, loin du soleil. Mais Kunlun intéresse aussi pour ses perspectives énergétiques. Son hydrogène naturel pourrait un jour être extrait et utilisé comme ressource renouvelable.
Une géographie inattendue qui change notre conception des sources hydrothermales
La plupart des champs hydrothermaux riches en hydrogène se trouvent près des dorsales océaniques. Or, Kunlun s’en écarte totalement : il est situé à 80 kilomètres d’une fosse, sur la plaque de Caroline, un endroit que l’on croyait peu propice à ce genre de phénomène.
Cela signifie que la génération d’hydrogène pourrait être bien plus répandue qu’on ne l’imaginait.
Cette découverte ne réécrit pas seulement notre carte des fonds marins. Elle change aussi notre regard sur l’origine de la vie et les conditions qui la rendent possible.
Si d’autres sites comme Kunlun existent, ils pourraient contenir des indices cruciaux sur les tout premiers instants de la biosphère terrestre… et peut-être aussi sur la vie ailleurs, dans les océans d’Europe ou d’Encelade.
Par Eric Rafidiarimanana, le
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