Acharnement ou réelle prévention ? Après la publication d’un arrêté autorisant l’abattage de loups supplémentaires en France par le gouvernement, les associations de protection de la nature se posent la question. Ce texte fait suite à d’autres arrêtés permettant l’exécution de cette espèce jugée dangereuse pour les agriculteurs.

Un nouvel arrêté pour abattre de nouveaux des loups

Publié le 16 juin 2017 dans le Journal Officiel, ce nouvel arrêté autorise l’abattage de deux nouveaux loups supplémentaires en France. Le texte a été signé et approuvé par Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire et ancien militant écologiste, et Jacques Mezard, ministre de l’agriculture. En février, le DGS faisant déjà état de cette volonté du gouvernement à continuer d’abattre cette espèce en France, pourtant protégée en Europe.

Lors de son mandat en tant que ministre de l’Environnement, Ségolène Royal avait tout d’abord fixé à 36 le maximum de « prélèvements » (opération destinée à tuer le loup). Mais ce plafond ayant été atteint en avril dernier, un nouvel arrêté avait augmenté à 38 le total. Après la mort d’un loup dans la Drôme fin mai, il n’y avait plus de possibilité de tirs supplémentaires. Cet arrêté élève donc aujourd’hui à 40 le nombre de ces canidés pouvant être tués pour la période de 2016/2017.

Dans les pas de sa prédécesseur, Nicolas Hulot autorise l’abattage de deux loups supplémentaires

Une mesure contre-productive

Cet arrêté tombe à pic pour les agriculteurs. En effet, juin est le mois de la montée en estive des troupeaux ovins et bovins. Actuellement, les nombreuses contraintes économiques entrainent une réduction du gardiennage des troupeaux souvent dissuasive. Un climat de peur règne donc et les agriculteurs craignent de plus en plus les attaques. Les « tirs de défense » et « tirs de défense renforcée » autorisés par le préfet apparaissent donc comme une réponse appropriée aux attaques de troupeau.

Pourtant, cette solution n’en est au final pas une. En effet, le loup est un animal social qui vit généralement en meute. Faire disparaître certains membres de celle-ci, comme le chef de meute ou une louve reproductrice, entraine dans 40 % des cas un éclatement du groupe. Dans ce cas-là, les loups restants en profitent pour fonder leur propre meute. Il y a donc de plus en plus de groupes qui prennent possession des différents territoires libres. Le risque de prédation est alors augmenté et les attaques deviennent donc plus fréquentes.

Les Alpes-Maritimes représentent le département français ayant enregistré à la fois le plus de dégâts dans les troupeaux (3 000 bêtes attaquées) et le plus de tirs d’abattage de loups (14 animaux tués). Difficile alors de ne pas faire de corrélation entre l’abattage des loups et les attaques de troupeaux. C’est un véritable serpent qui se mord la queue.

Le loup est un animal social, faire disparaître un membre de la meute peut entrainer son éclatement et accroître la prédation

Une hausse de la population à ne pas prendre pour acquis

Un premier bilan établi mi-mai 2017 par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) fait état d’environ 360 loups présents sur le territoire français. Ils étaient 292 en 2016. La population de loups est donc en progression en France. De plus, les correspondants ont relevé la présence de 42 meutes contre 35 à la même période en 2016. Mais cette augmentation des meutes peut s’expliquer par l’éclatement des groupes causé par la disparition du chef de meute.

Les associations de protection de la nature pourraient donc se réjouir de cette hausse de la population. Cependant, les chercheurs se montrent prudents par rapport à l’avenir des canidés sur le territoire national. Olivier Gimenez, chercheur au Centre d’Écologie Fonctionnelle et Évolutive de Montpellier et co-auteur d’une expertise scientifique publiée le 24 mars 2017, mettait en garde lorsqu’il était interrogé par Sciences et Avenir : « la dynamique biologique des espèces n’est jamais figée et est soumise à de multiples perturbations anthropiques ou naturelles ».

D’autant plus qu’une étude menée par des experts de l’ONFCS et du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) démontrait que la seule autorisation d’abattage de 36 loups pour la saison 2016-2017 menaçait déjà la viabilité à long terme de l’espèce Canis lupus en France. Avec l’augmentation de ce plafond à 40 aujourd’hui, le loup possède donc une épée de Damoclès sur sa tête.

Bien que l’animal jouisse d’une hausse de sa population cette année, l’avenir du loup en France reste fragile

Des solutions alternatives ?

Pour Stéphanie Morelle, chargée de missions du réseau biodiversité à France Nature Environnement, un animal mort ne peut apprendre de ses erreurs afin de s’améliorer. Elle suggère alors l’utilisation de balles en caoutchouc à vocation éducative, qui permettrait de dissuader les loups d’attaquer. Le collectif CAP Loup (qui regroupe les associations Aspas, Férus et SEFPM) réclame quant à lui « l’arrêt des abattages et la mise en place d’une vraie politique de cohabitation entre les activités humaines et les loups ». Sachant que le loup est une espèce cousine et proche du chien, meilleur ami de l’Homme, il ne parait pas impossible d’imaginer des solutions qui tendraient vers une possible cohabitation.

Le collectif a d’ailleurs lancé une campagne « Stop aux tirs des loups » le 13 juin afin de s’opposer à cet arrêté et d’interpeller Nicolas Hulot. Des personnalités telles que le documentariste Yann Arthus-Bertrand, les acteurs Jacques Perrin, Hélène de Fougerolles, Brigitte Bardot ou encore l’humoriste Guillaume Meurice soutiennent cette initiative.

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