Apparue au XVIIe siècle, la vente d’épouse permettait aux Anglais les plus modestes de mettre fin à un mariage par consentement mutuel. La femme était alors exhibée collier au cou par son mari, et vendue au plus offrant. Retour sur cette période de l’Histoire pas si lointaine.

UNE PRATIQUE COURANTE AU XIXe

Dans le roman Le Maire de Casterbridge de l’écrivain britannique Thomas Hardy paru en 1886, la vente d’épouse est au cœur de l’intrigue. Michael Henchard, personnage principal, vend sa femme au plus offrant, un acte terrible qui va le hanter jusqu’à la fin de ses jours.

Cette pratique particulièrement dégradante a cours pendant près de 200 ans en Grande-Bretagne, où le dernier cas de vente d’épouse est recensé en 1913. Il s’agit d’une habitante de Leeds vendue à l’un des amis de son mari pour la modique somme d’une livre sterling.

Illustration représentant Michael Henchard, héros du Maire de Casterbridge, en route vers la foire où il vendra sa femme et son enfant

La vente d’épouse connait son apogée entre 1780 et 1850. Selon les documents officiels, ce sont près de 300 épouses qui ont été vendues aux enchères, bien que les historiens estiment que ce chiffre ne représente que la partie émergée de l’iceberg.

L’une des premières ventes d’épouses officiellement recensées a lieu en 1733 à Birmingham. Un article paru dans le journal local décrit comment « Samuel Whitehouse a vendu sa femme, Mary Whitehouse, sur le marché, à un certain Thomas Griffiths, contre la somme d’une livre sterling ». Selon les termes de l’accord passé entre les deux hommes, « Griffiths devait prendre Mary avec tous ses défauts ».

EN 1733, SAMUEL WHITEHOUSE VEND SA FEMME MARY CONTRE LA SOMME D’UNE LIVRE STERLING

En 1801, une affaire similaire attire l’attention des journaux anglais. Avec un prix de départ fixé à un penny, cette vente d’épouse déclenche une guerre d’enchères frénétique entre les agriculteurs célibataires de la localité qui tentent de « rafler la mise ». L’infortunée est finalement vendue pour la modique somme de cinq shillings et six pence.

Le caractère particulièrement dégradant des ventes d’épouses attire les foules

Comme si le fait d’être vendue aux enchères n’était pas assez dégradant, les ventes d’épouses suivent un rituel immuable : les femmes sont exhibées collier autour du cou sur le marché, comme de vulgaires bestiaux. Leurs maris les conduisent ensuite sur une estrade et commencent à faire grimper les enchères.

Les ventes d’épouses attirent les foules et sont souvent accompagnées de nombreuses railleries et autres plaisanteries douteuses. Lorsqu’un accord est conclu, les parties concernées et la plupart des badauds se retrouvent généralement à la taverne locale pour célébrer la transaction.

Durant l’ère victorienne, la vente d’épouse est une pratique courante

LA FEMME DOIT TOUTEFOIS CONSENTIR À LA VENTE

Si l’initiative vient généralement du mari, il faut toutefois que la femme consente à la vente. En 1824, un article paru dans un journal de Manchester rapporte qu’à la suite de plusieurs appels d’offres, « la femme a été adjugée pour 5 shillings, mais comme cette dernière n’appréciait pas l’acheteur, elle a trouvé un nouveau preneur pour 3 shillings et une pinte de bière ».

Au XIXe siècle, la procédure de divorce s’avère extrêmement coûteuse (équivalente à 16 000 euros) et fastidieuse. La façon la plus simple de divorcer pour les ménages modestes reste donc de recourir à la vente d’épouse.

Caricature issue d’un journal français représentant un homme sur le point de vendre son épouse

En plus de représenter le moyen le plus rapide et le moins coûteux de se séparer, la vente d’épouse divertit aussi les habitants, ce qui explique probablement pourquoi les autorités se contentent la plupart du temps de fermer les yeux sur cette pratique illégale et le cérémonial particulièrement dégradant qui l’accompagne.

Il est toutefois intéressant de remarquer que dans certains cas, comme les adultères, ce sont les femmes elles-mêmes qui insistent pour être vendues.

En 1830, une épouse est sur le point d’être vendue sur le marché de Wenlock pour la somme de 2 shillings et 6 pence. Soudain pris de remords, son mari hésite à conclure la transaction, mais c’est sans compter sur la détermination de sa femme qui déclare : « Que ce vaurien reste tranquille, je veux être vendue, je veux que ça change. »

« QUE CE VAURIEN RESTE TRANQUILLE, JE VEUX ÊTRE VENDUE, JE VEUX QUE ÇA CHANGE »

Bien qu’une certaine hostilité envers cette pratique commence à se manifester dès la fin du XVIIIe siècle et que les comptes rendus des ventes d’épouses s’y montrent souvent hostiles dans la presse en décrivant des scènes « des plus répugnantes et des plus honteuses », il faudra attendre le début du XXe siècle pour que cette coutume dégradante soit définitivement bannie d’Angleterre.

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