Un tombeau anonyme, des troubles dynastiques, et 225 statuettes oubliées : c’est toute la vérité sur Sheshonq III qui ressurgit. Une énigme archéologique vieille de trois millénaires prend fin, grâce à une découverte aussi inattendue que bouleversante. Et si on avait voulu l’effacer à jamais ?

Comment un sarcophage sans nom découvert en 1939 est devenu la clé d’un mystère vieux de 3 000 ans
En entrant dans la nécropole royale de Tanis, l’une des plus vastes du delta du Nil, on tombe immédiatement sur le tombeau d’Osorkon II. Ce gigantesque sarcophage de granite, découvert en 1939, intrigue encore aujourd’hui : il ne porte aucune inscription. Pendant plus de 80 ans, les chercheurs cherchent une explication. Puis, en novembre 2025, un élément décisif change la donne.
Lors d’une campagne de fouilles menée par la mission française de l’EPHE-PSL, des archéologues découvrent 225 ouchebtis en faïence juste à côté du sarcophage. Ces figurines funéraires, destinées à servir le défunt dans l’au-delà, portent toutes un nom identique : Sheshonq III. Cette découverte pousse les chercheurs à revoir leurs hypothèses.
Sheshonq III dans la tombe d’Osorkon II : une anomalie archéologique révélatrice des tensions du IXe siècle av. J.-C.
Pourquoi Sheshonq III repose-t-il dans une tombe construite pour un autre roi ? Cette question fascine désormais les archéologues.
Au IXe siècle avant notre ère, l’Égypte se divise. Le pouvoir central s’effondre progressivement. Plusieurs prétendants issus de familles rivales se disputent le trône. Les régions gagnent en autonomie, et les tensions s’intensifient.
Dans un tel climat, organiser l’enterrement d’un pharaon devient un casse-tête. Enterrer Sheshonq III dans un tombeau qui ne lui était pas destiné pourrait répondre à une urgence ou à un calcul politique. Certains ont peut-être voulu le protéger. D’autres ont peut-être voulu l’effacer. Il est aussi possible qu’il ait simplement manqué de sépulture disponible. Quoi qu’il en soit, le mystère demeure.
Les ouchebtis de faïence retrouvés près du sarcophage lèvent enfin le voile sur l’identité du roi enseveli
Ce sont les ouchebtis, ces petites figurines d’argile émaillée, qui trahissent l’identité du défunt. Grâce à leur excellente conservation dans le limon, les archéologues peuvent lire clairement le nom gravé : Sheshonq III. Aucune autre sépulture n’en a livré autant pour ce souverain.
Fait surprenant : certaines statuettes possèdent une patine différente. Cela laisse penser que les objets ont été placés à des moments différents. Ce détail soulève de nouvelles interrogations sur le déroulement de l’inhumation.
La forte concentration de ces objets autour du sarcophage oriente l’interprétation. Aujourd’hui, les archéologues n’ont plus de doute. Ils affirment que Sheshonq III repose bel et bien ici, dans un tombeau conçu à l’origine pour un autre. Cette révélation bouscule notre lecture de l’histoire funéraire de Tanis.
Une sépulture détournée, des hypothèses multiples : erreur logistique, manœuvre politique ou damnatio memoriae ?
Ce contexte ouvre plusieurs scénarios. L’enterrement de Sheshonq III a-t-il été improvisé à la dernière minute ? Ou s’est-il heurté à des querelles internes ? Peut-être n’a-t-il jamais eu de tombe officielle. Il est aussi possible qu’un choix politique ait dicté cette solution inhabituelle.
D’ailleurs, certains chercheurs vont encore plus loin. Selon eux, Sheshonq III aurait été volontairement effacé de l’histoire. Dans l’Égypte antique, l’oubli constituait une punition pire que la mort. L’absence totale d’inscriptions renforce cette hypothèse glaçante. On a certes inhumé le roi, mais on a peut-être voulu le faire disparaître de la mémoire collective.
Par Eric Rafidiarimanana, le
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