Albert Einstein est connu à travers le monde entier pour avoir révolutionné la physique moderne, et ce, notamment grâce à ses théories de la relativité restreinte et générale. Celles-ci ont redéfini en profondeur nos conceptions classiques de l’espace et du temps héritées de la science newtonienne. Aujourd’hui, les physiciens testent toujours les théories d’Einstein, qui n’ont encore jamais été prises à défaut. Cependant, les équations de la relativité générale décrivent des phénomènes extrêmement difficiles à observer avec nos instruments, ce pourquoi, chaque confirmation expérimentale de la théorie constitue une véritable avancée pour la physique moderne. Or, les chercheurs de l’ESO (l’Observatoire Européen Austral) ont récemment publié les résultats d’observations menées sur une étoile orbitant autour de Sagittarius A*, trou noir supermassif au centre de notre galaxie, confirmant la théorie d’Einstein. 

Des conditions d’observation extrêmes

Ces résultats signent l’aboutissement de plus de 25 ans d’observations au coeur de la Voie Lactée. Les équipes de l’ESO, armées du Very Large Telescope (Chili) qui se trouve à 2 600 m d’altitude, ont effectué un test de la théorie de relativité générale autour de Sagittarius A*. Il s’agit d’un trou noir supermassif, d’environ 4 millions de masses solaires, logé au centre de notre galaxie, à 25 000 années-lumière de la Terre. Pour cela, les chercheurs ont suivi S2, une étoile orbitant autour de Sgr A* sur une période orbitale de 16 années. Celle-ci est passée au périastre en mai dernier, c’est-à-dire le point de son orbite le plus proche du trou noir, à une distance d’environ 20 milliards de kilomètres (ce qui est relativement court à cette échelle…) et à une vitesse d’environ 25 millions de km/h. C’est la première fois que des scientifiques observent avec une extrême précision le mouvement d’une étoile au contact d’un tel champ gravitationnel.

Observer un astre orbitant autour de Sgr A* est une tâche extrêmement compliquée, ne serait-ce qu’en raison du fait qu’on ne peut observer directement un trou noir. Jusqu’à présent, on a seulement pu détecter l’existence des trous noirs par les effets que ces monstres intergalactiques engendrent autour d’eux (la détection des ondes gravitationnelles en est un exemple). Sans compter que les nuages de gaz et de poussières qui se trouvent entre nous et le centre de la galaxie rendent d’autant plus difficiles ces observations. Pour observer l’étoile S2 dans les meilleures conditions, les équipes de l’ESO ont donc dû faire appel à l’interférométrie, procédé qui consiste à combiner la lumière de deux ou plusieurs télescopes, permettant d’augmenter la résolution d’un objet comme s’il était observé avec un télescope virtuel d’une centaine de mètres de diamètre. En l’occurrence, les mesures interférométriques devaient être aussi précises que si l’on devait observer, depuis la Terre, la lumière émise par un astronaute agitant une lampe torche sur la Lune. Une aiguille dans une botte de foin.

Ces observations confirment une fois de plus la théorie d’Einstein 

Quel est l’objectif ultime de ces observations ? Etudier le champ gravitationnel des trous noirs afin d’améliorer notre connaissance de ces corps invisibles, et vérifier les prédictions d’Einstein. Or, un des effets prévus par relativité générale est le « décalage gravitationnel », ou décalage spectral vers le rouge (redshift) : il survient lorsque la longueur d’onde d’une source lumineuse augmente au fur et à mesure que celle-ci s’éloigne de l’observateur, ou bien, comme le prédit Einstein, lorsque cette source pénètre le champ gravitationnel d’un trou noir ou d’un autre corps massif possédant un fort champ gravitationnel. C’est une des manifestations de la dilatation du temps et de la vitesse d’expansion de l’Univers. Or le changement de longueur d’onde provenant de S2 correspond parfaitement à l’effet prévu par la théorie de la relativité générale d’Einstein. Une fois de plus, le génie allemand avait vu juste.

Par le passé, ce phénomène a pu être observé sur Terre, notamment lors d’une éclipse solaire en 1919 (et également à échelle plus réduite en laboratoire), ou bien avec des naines blanches, mais n’a jamais été observé dans le champ gravitationnel d’un trou noir. Du moins jusqu’à ce que les chercheurs de l’ESO repèrent un tel décalage, notamment grâce à l’interféromètre GRAVITY, après avoir suivi avec une précision exceptionnelle la trajectoire de l’étoile S2 autour de Sagittarius A*. « (…) Grâce à des instruments améliorés, nous avons pu observer l’étoile avec une résolution sans précédent (…) nous voulions profiter au mieux de cette opportunité unique d’observer des effets relativistes », se réjouit Reinhard Genzel, directeur de l’équipe de recherche à l’origine de ces observations.

Simulation d’un trou noir. Vue d’artiste.

L’impact de ces observations sur le futur de l’astronomie

Françoise Delplancke, responsable du département d’ingénierie à l’ESO, n’a pas manqué de souligner l’importance de ce travail mené notamment grâce aux instruments du Very Large Telescope : « Ici, dans le système solaire, nous ne pouvons tester les lois de la physique que maintenant et dans certaines circonstances. Il est donc très important (…) de vérifier également que ces lois sont toujours valables là où les champs gravitationnels sont beaucoup plus forts ». Dans les années à venir, l’ESO poursuivra ses observations de S2 afin d’en apprendre encore davantage sur la nature et l’influence des trous noirs sur les corps célestes qui peuplent leurs environs.

D’autres effets de la théorie de la relativité générale ont déjà été observés par le passé, à travers différents « tests de relativité », tels que la détection d’ondes ou de lentilles gravitationnelles. Or celui-ci rentrera surement dans l’histoire des confirmations de la relativité générale. Ainsi, le travail effectué par les équipes de l’ESO conforte la théorie d’Einstein – une fois n’est pas coutume – qui s’avère de plus en plus solide, et ce plus de 100 ans après sa publication.

Simulation de l’orbite de S2 autour de Sagittarius A*. Vue d’artiste.

 

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