Et si l’absence de marquage au sol réduisait le nombre d’accidents sur la route, tout en fluidifiant le trafic ? C’est ce qu’une ville des Pays-Bas expérimente depuis 18 ans. Et les résultats sont plus que probants.
Le principe de « la voie partagée »
À Drachten, une ville de 50 000 habitants située dans la Frise, une province du nord des Pays-Bas, il y a énormément de circulation. Et qui dit beaucoup de circulation, dit risque d’accidents accru et bouchons aux heures de pointes. Alors, pour y remédier, la mairie a réaménagé ses carrefours les plus sensibles selon le principe du shared space (« la voie partagée »). L’idée principale de cette théorie créée dans les années 1980 par l’ingénieur Hans Monderman ? Supprimer une grande partie de la signalisation.
À De Kaden-Torenstraat par exemple, depuis 2000, les feux et les panneaux ont été enlevés et les trottoirs ont été démolis : l’asphalte a été remplacé par une grande étendue de briques orange, sans aucun marquage au sol. Pour les 17 000 voitures, les dizaines de bus et les milliers de cyclistes qui y passent chaque jour, la seule règle qui subsiste, c’est celle de la priorité à droite. Résultat ? Le trafic s’est fluidifié, et la sécurité s’est accrue. Désormais, la circulation est basée sur le contact visuel. « Quand vous ne savez pas trop qui a la priorité, vous avez tendance à chercher le regard des autres usagers » déclarait Hans Monderman, qui est aujourd’hui décédé. Une attention qui n’est possible qu’en-dessous de 30 km/h, ce qui oblige les automobilistes à ralentir et à faire davantage attention.
80 % d’accidents en moins
Suite à cette première expérience réussie, un autre croisement, le Laweiplein, s’est également mis au shared space en 2003. Ici, l’ancien carrefour et ses feux tricolores, où circulent 20 000 véhicules en moyenne, ont été remplacés par un seul marquage au sol qui rappelle la règle du céder le passage et 70 fontaines ont été installées autour. « Leur puissance augmente en fonction de la densité du trafic afin de couvrir les nuisances sonores » déclare Henri Frieswijk, chargé de communication de la ville.
Résultat ? Là aussi, le trafic s’est fluidifié : d’après une étude réalisée en 2006, aux heures de pointe, le temps d’attente moyen des automobiles est passé de 50 secondes à 30. De son côté, le nombre d’accidents est passé de 10 à 2 par an, soit une diminution de 80 %. Cerise sur le gâteau, de nouveaux comportements ont fait leur apparition : « Les cyclistes indiquent désormais leur direction avec la main, ce qui était très rare avant aux Pays-Bas », peut-on lire dans l’étude.
Un dispositif bientôt étendu aux autres pays de l’UE ?
L’étude tempère tout de même un peu l’enthousiasme autour du comportement des automobilistes : selon les chercheurs, ce phénomène traduit surtout « un sentiment de vulnérabilité ». Certaines associations de cyclisme et d’handicapés, les aveugles en tête, restent également sceptiques, tout comme certains automobilistes, qui s’estiment « privés d’informations vitales ».
Malgré tout, le concept gagne du terrain : dans la province tout entière, plus de cent communes l’ont déjà appliqué. De son côté, depuis 2004, l’Union Européenne soutient un programme visant à tester le dispositif dans cinq pays différents.
Par Clément Bouillé, le
Source: Ouest France
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