Si l’existence de théories concernant le cinéma n’est plus à démontrer, celles sur les séries télévisées se font plus discrètes. Pourtant, certaines se révèlent fascinantes tant elles intègrent d’oeuvres. C’est le cas de la Théorie de l’univers de Tommy Westphall qui lie plus de 400 séries les unes avec les autres.
Le 26 octobre 1982, la NBC présentait à son public les personnages d’une série à succès qui durerait un peu plus de 6 ans : Hôpital St Elsewhere. Dans cette série au style commun, nous découvrions le quotidien de médecins et d’infirmiers d’un hôpital de Boston. Si jusque-là l’histoire ne semble pas très originale, la série a tout de même remporté 13 Amy Awards et regroupé un certain nombre d’adeptes mais il faudra attendre le tout dernier épisode de cette création télévisuelle pour en comprendre le sens. En effet, le dernier épisode de cette série de 6 saisons nommé « The Last One », nous révèle que toute l’histoire de l’Hôpital St Elsewhere se déroulait en réalité dans la tête et l’imaginaire d’un enfant autiste.
St Elsewhere se termine là où débute la théorie
Dans St Elsewhere, le jeune Tommy est un personnage secondaire, très peu vu à l’écran durant le développement de la série. Fils d’un des docteurs stars, il est révélé très tôt qu’il est autiste, sans que sa condition ne prenne une grande place dans la trame de la série. S’il fut peu montré durant les 137 épisodes, le tout dernier en aura fait le personnage phare du show : alors que la dernière scène est exposée au spectateur, la caméra sort de l’hôpital pour dévoiler qu’il ne s’agit que d’un bâtiment miniature, décoration d’une boule à neige entre les mains du jeune garçon.
Pour compléter le tableau, le père de Tommy s’adresse à son grand-père en lui confiant son sentiment concernant la situation de son fils qui reste immobile, toute la journée, à regarder son jouet. A partir de cette information, les spectateurs sous le coup de la surprise ont commencé à lier la série hospitalière à d’autres oeuvres télévisuelles en commençant par les spin-off. En effet, St Elsewhere avait déjà croisé le chemin de 12 séries cultes dont Cheers ou M*A*S*H* qui, selon la théorie, devaient aussi être une pure invention du jeune Tommy Westphall.
Un univers immense
Evidemment, cela ne s’est pas arrêté là puisque Keith Gow et Ash Crowe, deux Américains fans de la théorie, ont commencé à étendre l’univers de Tommy Westphall à de nouvelles séries, plus ou moins populaires et selon des règles strictes. Depuis 1999, pour faire partie de l’univers créé par le jeune Tommy, une série doit absolument étendre la même histoire sur plusieurs épisodes et ainsi les dessins animés et autres Late Shows sont automatiquement écartés.
En fin de compte, c’est plus de 400 séries qui sont liées à la théorie et qui se passeraient donc dans la tête du personnage. Certains liens sont directs : des spin-off, des cross-over ou encore des personnages passant d’une série à l’autre. D’autres connexions sont indirectes : des lieux, des noms de personnages ou encore des références font qu’une série entre dans l’univers de Tommy Westphall. Ce fut le cas pour des séries discrètes mais aussi des oeuvres connues de tous comme Ally McBeal, 24, Alias, The Americans, Arrow, Dexter, Battlestar Galactica, Friends Buffy, Glee ou encore Heroes et parmi celles aujourd’hui diffusées sur nos écrans, 26 seraient imaginées par Tommy.
Une communauté de fans aux aguets
C’est avec l’aide de sériephiles bénévoles que Keith et Ash tiennent à jour leur site internet, étudiant toutes les pistes proposées par ceux qui voudraient inscrire une nouvelle série dans la théorie tout en expliquant les raisons. Par exemple, des personnages de St Elsewhere sont apparus dans la série Homicide (1993), ce qui signifie que cette dernière série fait partie de l’imagination du jeune Tommy. Ensuite, le détective John Munch d’Homicide est apparu dans X-Files, puis dans les créations de Dick Wolf (New York Police Judiciaire, Criminelle et Unité Spéciale). Ces dernières ont aussi été ajoutées à la longue liste des shows inventés par Tommy.
« Les dernières minutes de St Elsewhere correspondent à la seule série télévisée qui ait jamais existé. »
Dwayne McDuffie
Une fois de plus, la théorie ne s’arrête pas là : certains scénaristes de séries sont même allés jusqu’à trier les séries selon différents niveaux de lecture et Dwayne McDuffie, le créateur de la série animée Static Choc, s’est amusé à lier les séries selon leur position : il arrive que certains personnages de séries fassent référence à d’autres oeuvres dans le but d’ancrer leur histoire dans l’actualité ou une certaine réalité. En agissant de la sorte, les personnages s’inscrivent dans la théorie mais dans un nouveau niveau : à la manière d’un Inception, la série imaginée par Tommy parle d’une autre série tout droit sortie de l’imaginaire du garçon. Une mise en abyme spectaculaire qui continue d’évoluer à mesure que des séries télévisées, films, animés sont créés.
La mode étant aux remakes et reboots, les producteurs font renaître de vieilles séries en les adaptant à notre époque et donc, à la culture populaire actuelle. C’est ainsi que des œuvres comme I Love Lucy qui date des années 50, ouvrent de nouvelles portes vers les séries actuelles et agrandissent l’univers de Tommy. Ajoutez à cela la tendance des franchises et la théorie prend de plus en plus d’ampleur. Cette année par exemple, The Flash, Arrow, Supergirl, Legends of Tomorrow et presque toutes les séries adaptées de comics ont été ajoutées à la liste et il en va de même des créations télévisuelles Disney. Enfin, Doctor Who, dont presque toute l’œuvre a été liée à la théorie, connaîtra fin septembre un tout nouveau spin-off qui devrait être lié très rapidement à le longue liste des séries de Tommy.
Evidemment, cette théorie est un peu tirée par les cheveux mais il est assez amusant d’essayer de la comprendre. De plus, de nombreuses personnes ont mis à profit leur temps libre pour tenter de reconstituer ce qu’aurait pu inventer Tommy Westphall, créant une base de données énorme et un tout nouvel intérêt pour un grand nombre de séries.