Le 10 août dernier, la NASA lançait sa sonde Parker en direction du Soleil. Il s’agit de la première mission spatiale à approcher de si près la surface solaire : seulement 6 millions de kilomètres de distance, ce qui, à l’échelle cosmique, revient à courir de grands risques. A cette distance, les températures peuvent atteindre jusqu’à 3 millions de degrés Kelvin. Quel est donc le but de cette mission et comment la sonde Parker va-t-elle « toucher » le Soleil sans fondre sur place ? Voici quelques éléments d’explication. 

L’origine de la mission

C’est un des projets les plus ambitieux de l’agence spatiale américaine. La sonde tient son nom d’Eugene Parker, astrophysicien à l’Université de Chicago qui, dans les années 1950, développa la théorie des vents solaires et apporta de nouvelles connaissances sur les phénomènes énergétiques qui se dégagent de notre étoile. Il montra notamment que la température de son atmosphère extérieure – la couronne solaire – s’avérait largement supérieure à sa température de surface, ce qui allait à l’encontre des lois de la physique.

Par conséquent, les physiciens se sont empressés d’étudier ces phénomènes et d’établir des plans pour approcher le Soleil : le premier concept de sonde solaire a ainsi été proposé en 1958 par le comité Simpson du Conseil des Sciences Spatiales, qui affichait les ambitions des États-Unis. Pourquoi avoir donc attendu 60 ans avant d’envoyer une sonde spatiale en orbite autour du Soleil ? Vous vous en doutez bien : les instruments de l’époque ne possédaient pas encore la technologie nécessaire pour résister aux hautes températures de l’atmosphère solaire. Tout au long des années 60, les sondes russes avaient déjà été mises en difficulté sur Vénus dont la température de surface atteint seulement 465°C. Comment donc la sonde Parker pourra-t-elle résister à son périple, à quelques millions de kilomètres du Soleil, lorsqu’elle sera chauffée à plus de 1000 °C ?

Les caractéristiques de la sonde Parker

La plupart des protections thermiques que l’on a l’habitude de voir y fondraient en quelques secondes. Ce n’est pas le cas de la sonde Parker, qui a été équipée d’un bouclier thermique en composite de carbone de 11,43 cm d’épaisseur : ce bouclier, conçu pour résister à des températures d’environ 1370°C, protège le satellite dont les panneaux solaires le réapprovisionnent en énergie (fait étonnant : tout ce qui se trouve à l’arrière du bouclier ne dépassera pas les les 30 °C). Les instruments de la sonde ont d’ailleurs été mis à l’épreuve dans un four solaire géant à Odeillo, dans les Pyrénées, sous la responsabilité du CNRS. Mais cela suffira-t-il lorsque l’on sait que la température dans la couronne solaire peut atteindre jusqu’à 3 millions de degrés Kelvin ?

En réalité, la sonde ne sera exposée qu’à des températures variant aux alentours de 1 300 °C. La raison en est que la couronne solaire « (…) a une température extrêmement élevée mais une densité très faible (…) », explique Susannah Darling de la NASA. Cela est dû au fait que les particules éjectées par les vents solaires sont à une température extrêmement élevées, mais d’une chaleur moindre en raison de leur faible densité. « Pensez à la différence entre mettre votre main dans un four chaud plutôt que de la mettre dans une casserole d’eau bouillante : dans le four, votre main peut résister à des températures beaucoup plus élevées que dans l’eau, où elle va interagir avec beaucoup plus de particules », précise Susannah Darling. La sonde interagit donc avec beaucoup moins de particules que si elle se trouvait à la surface du Soleil, et peut ainsi maintenir son orbite sans risquer de se retrouver dans un flux de plasma chauffé à des millions de degrés.

La couronne solaire observée depuis la Terre lors d’une éclipse totale de Soleil. Un phénomène aussi rare que fascinant.

Les enjeux de la mission : un tournant pour la conquête spatiale ? 

Sur le plan de la physique, les enjeux sont clairs : il s’agit de la première expérience conduisant des mesures in situ à une telle distance de la surface du Soleil. De fait, celle-ci devra apporter de nouveaux éléments de réponses quant à l’origine du chauffage de la couronne solaire, qui dépasse largement les 6 000 °C de la surface de l’étoile. Elle permettra aussi de résoudre des problèmes relatifs à la nature du plasma et aux causes de l’accélération des vents solaires. Une mission fatidique dont la communauté scientifique internationale attend beaucoup.

Enfin, les enjeux de cette mission, qui devrait durer jusqu’en 2024, dépassent largement le champ de la physique : en effet l’activité de la couronne solaire a un impact direct sur la Terre. En mars 1989, au Québec, un orage magnétique provoqué par un vent solaire ayant percuté la surface terrestre a entraîné l’arrêt des centrales électriques et a paralysé toute la région. Or ces phénomènes météorologiques, encore très mal compris et totalement imprévisibles, s’ils venaient à se produire sur Terre plus régulièrement, pourraient endommager nos données GPS, désorienter nos satellites, entraîner d’énormes pannes d’électricité et d’Internet, voire provoquer une collision entre des avions dont les signaux GPS se seraient déréglés. Les données relevées par la sonde Parker seront donc décisives dans la compréhension et la prévision de ces phénomènes solaires.

 

 

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