La plupart des étoiles, notre bon vieux soleil compris, naîtraient par deux. C’est du moins la conclusion d’une étude publiée par Sarah Sadavoy (du Smithsonian Astrophysical Observatory) et Steven Stahler, de l’université de Berkley. Une avancée importante dans la compréhension de notre système solaire, et peut- être une seconde chance donnée à une théorie vieille de 30 ans : la théorie du « double maléfique ».

Les étoiles multiples, la norme plutôt que l’exception

Étudier la formation de notre système solaire n’est pas chose aisée. 4,5 milliards d’années après sa formation, les scientifiques ne disposent pas vraiment d’informations de première main. La méthode privilégiée est donc la déduction. En observant des étoiles en formation, ils espèrent glaner quelques informations réutilisables, ou mieux, des lois générales.

Si leurs résultats s’avèrent juste, les deux auteurs de l’étude, publiée en juin par The Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, sont parvenus à émettre que la plupart des étoiles seraient multiples et ou binaires lors de leur apparition. De tels systèmes solaires sont fréquents et observés depuis longtemps (le terme est ainsi inventé en 1802 par William Herschel). Le système le plus proche du nôtre, Proxima Centauri est ainsi un système à trois étoiles.

Deux des étoiles du système triple du centaure. La troisième, une naine rouge du nom de proxima centauri, n’est pas visible

Un phénomène complexe à observer

Les étoiles se forment dans des nuages moléculaires, ces grands amas de gaz et de poussière interstellaires en quantités suffisantes pour permettre la formation d’étoiles, en s’effondrant sous l’effet de la gravitation. Problème : ces nébuleuses sont difficilement observables. Celle étudiée par les deux chercheurs, une immense pépinière d’étoiles située dans la constellation de Persée, n’est ainsi pas observable au télescope. Comme beaucoup de ses semblables, elle bloque la lumière avec ses gaz. Il est donc impossible d’observer la formation des étoiles par l’optique. On a donc dû utiliser des ondes radio pour les sonder.

Ils ont ainsi pu classer les différents types de systèmes stellaires en formation par âge et distanciation de leurs étoiles. Ils ont alors montré que les étoiles les plus jeunes (moins de 500 000 ans) étaient séparées d’environ 500 UA (Unité Astronomique, correspondant à la distance Terre-Soleil). Un peu plus âgées, entre 50 000 et 1 millions d’années, elles avaient tendance à se rapprocher (environ 200 UA). En utilisant des modélisations mathématiques, les deux chercheurs en ont conclu que toutes les étoiles (ou presque) naissent par deux, et qu’au cours de leur premier million d’années d’existence, 60 % se séparent, les autres se rapprochant pour former un système double.

Le nuage moléculaire d’Orion, une fabrique d’étoiles

La théorie Némésis

Si ces résultats pouvaient être répliqués en observant d’autres nuages moléculaires, ils démontreraient que le soleil a lui aussi eu par le passé une étoile jumelle. Cette théorie avait été avancée sous le nom de « Némésis » par Richard A. Muller, professeur à Berkley lui aussi, en 1984. Cette « hypothèse Némésis » s’inscrivait dans la foulée de la réflexion de Luis Alvarez en 1980 sur l’extinction des dinosaures au crétacé. Il était le premier à émettre l’idée, aujourd’hui largement popularisée, que cette extinction de masse était due à un impact cométaire.

Or, les comètes susceptible de passer dans l’environnement de la Terre sont essentiellement issues du nuage d’Oort. En étudiant la périodicité des grands épisodes d’extinction sur terre, Richard A. Muller avait eu l’idée que tous les 26 millions d’années environ, un objet céleste perturbait le nuage, augmentant considérablement le risque qu’une comète se précipite sur la Terre. Cet objet serait d’après lui une étoile naine. « Nous disons, oui, il y avait probablement une Némésis, il y a longtemps », annonce Steven Stahler.

Si l’idée d’un double maléfique de notre soleil provoquant indirectement des risques majeurs de catastrophe sur Terre est séduisante, il faut malgré tout la prendre avec la plus grande prudence. D’abord parce que la périodicité des grands épisodes d’extinction a été remis en cause. Mais aussi en raison du fait que nul n’ait jamais observée cette étoile, qui devrait, pour avoir un effet significatif sur le nuage d’Oort, faire tout de même 0,6 fois au moins le diamètre de notre soleil. Le plus probable est donc que le double de notre soleil soit parti se promener ailleurs dans l’univers au cours de milliards d’années écoulées depuis sa formation.

Vue d’artiste d’une pluie de comètes sur une planète
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