C’est un fait : l’Antarctique fond de plus en plus vite. Il s’agit d’un phénomène inquiétant qui fait craindre la stabilité de la banquise. Des chercheurs expliquent que les rivières atmosphériques sont aujourd’hui une des raisons principales de la fonte des glaces.

Comment se forment les rivières atmosphériques ?

Sur Terre, il existe également des rivières dans les airs. On parle alors de rivières atmosphériques. Dans les régions tempérées, les rivières atmosphériques accélèrent la fonte des glaces et sont à l’origine de crues intensives. C’est le constat inquiétant établi par des chercheurs de l’université Grenoble-Alpes, du CNRS et de la Sorbonne Université, du Royaume-Uni et du Portugal. Après de nombreuses recherches en Antarctique de l’Ouest, ils ont pu montrer que le phénomène des rivières atmosphériques est la cause de vagues de chaleur sur certaines zones précises du continent.

Parue dans la revue Nature Geoscience le 28 octobre 2019, leur étude a montré que les rivières atmosphériques, transportant humidité et chaleur depuis les régions tempérées vers le pôle, entraînent la désintégration des blocs de glace, tel un gigantesque chauffage. De ce fait, la glace et la neige fondent. Les eaux s’entassent par la suite dans les lacs et crevasses, ainsi que dans les profondeurs terrestres. De plus, les températures enregistrées atteignent parfois plus de 10 °C.

— demamiel62 / Shutterstock.com

« Les rivières atmosphériques sont provoquées par des situations particulières où les dépressions sont bloquées dans leur rotation sur elles-mêmes et où l’humidité qu’elles transportent est contrainte à emprunter un « chenal atmosphérique » pour venir se déverser de façon intense et continue sur une zone spécifique plutôt que de façon diffuse sur une grande région », expliquent les chercheurs dans leur communiqué.

La grande barrière de Ross fait partie des premières à être touchées par les effets provoqués par ces rivières. Celle-ci fond systématiquement et de manière catastrophique lors du passage d’une rivière atmosphérique. Phénomène qui tend à se répandre de manière critique sur les plateformes glacières qui se situent le long de la péninsule. Sa disparition est donc de plus en plus proche…

Des rivières qui se réchauffent et se transforment en bouchons

Dans leur communiqué, les chercheurs alertent sur les températures de ces rivières atmosphériques. Les plus chaudes, qui sont à l’origine de la fonte des glaces des grandes plateformes du continent, peuvent dépasser les températures des rivières terrestres de 2 °C. De plus, en raison du réchauffement climatique et de ces hausses de températures, la grande plateforme de glace de Ross devrait prochainement dépasser les 2 °C. La plupart des rivières atmosphériques engendrent une vague massive de fonte de ces plateformes et, de ce fait, les rendent particulièrement instables et dangereuses.

Les plateformes de l’Antarctique retiennent les glaciers, tout comme le mécanisme d’un bouchon de bouteille. Celles-ci collectent d’ailleurs plus de 80 % de la glace provenant de l’écoulement des glaciers de l’Antarctique. « N’étant plus retenus, ils partent vers l’océan comme le vin mousseux s’enfuit après l’éjection du bouchon », expliquent les chercheurs. Ainsi, les plateformes agissant comme des bouchons fondent, désagrègent les glaces situées à l’intérieur du continent et provoquent leur échappée. « Pour l’instant, ces fontes ciblées ne se produisent qu’une douzaine de fois par an dans l’ouest de l’Antarctique. Mais il y a fort à parier que le réchauffement climatique pourrait accélérer le phénomène », poursuivent les chercheurs.

Le phénomène des rivières atmosphériques est de plus en plus fréquent sur le continent depuis les années 1980. Même si leurs températures atteignent seulement les 2 °C, la montée des eaux pourrait augmenter de 30 à 60 cm, voire de 60 à 110 cm, d’ici 2100 si les émissions de gaz à effet de serre ne diminuent pas, selon un récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Dans un récent article, nous avions également évoqué le fait que 300 millions de personnes seront victimes de la montée des eaux d’ici les 30 prochaines années. Ces résultats sont d’autant plus inquiétants qu’ils nous montrent que l’augmentation de la montée des eaux serait trois fois plus importante qu’initialement prouvé par les scientifiques et les chercheurs.

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