D’après une étude britannique de grande ampleur, c’est plus de 14 antibiotiques qui ont été retrouvés dans les rivières de 72 pays différents. À certains endroits, la concentration de ces derniers dépasse plus de 300 fois le taux de « sécurité » approuvé. Explications.
Une étude de grande ampleur
Au total, ce ne sont pas moins de 711 sites, à travers 72 pays et six continents qui ont été analysés par les chercheurs. L’étude a été menée par les scientifiques de l’Université de York, au Royaume-Uni. Ils se sont intéressés à la concentration des antibiotiques dans certaines rivières du monde, qui serait susceptible de grandement dépasser le taux acceptable. À l’occasion d’un congrès qui se tenait à Helsinki, en Finlande, ils ont exposé leurs résultats accablants.
C’est la plus grande étude mondiale sur le sujet, et elle révèle que de la Tamise jusqu’au Tigre, certaines rivières et fleuves regorgent de niveaux dangereusement élevés d’antibiotiques. Ces médicaments se retrouvent généralement dans les rivières et les sols, par les déchets humains, mais également de par la fuite des usines de traitement des eaux usées, tout comme les installations de fabrication de médicaments.
La Tamise est un exemple très criant. C’est l’une des rivières les plus connues au monde, et elle est contaminée massivement par des antibiotiques classés comme étant d’une importance capitale pour le traitement d’infections graves. Dans les faits, quand l’analyse montre un niveau très dangereux, cela signifie que la résistance aux médicaments est beaucoup plus susceptible de se développer, mais également de se propager à d’autres zones géographiques.
En ce qui concerne le Danube, en Autriche, les chercheurs ont prélevé des échantillons qui ont révélé la présence de cet antibiotique, dont la clarithromycine, qui est utilisé pour traiter les affections des voies respiratoires (pneumonie ou bronchite). Problème : cet antibiotique était présent à un taux quatre fois supérieur au niveau toléré. D’autres pays sont encore plus touchés, comme le Bangladesh, où le métronidazole (traitement luttant contre les infections de la peau et de la bouche) a été détecté à une concentration 300 fois supérieure à la norme. Avec d’autres pays comme le Kenya, le Nigéria ou le Pakistan, ils forment une liste de pays extrêmement victimes de cette pollution d’antibiotiques.
En quoi est-ce un danger sanitaire ?
La pollution par les antibiotiques est extrêmement dangereuse et meurtrière. Tout d’abord, c’est l’un des principaux moyens qui permettent aux bactéries de se développer davantage, notamment à travers une résistance aux médicaments. Ils rendent ces derniers inefficaces. « Une grande partie des gènes de résistance que nous voyons dans les agents pathogènes humains sont issus de bactéries environnementales », a déclaré le professeur William Gaze, écologiste microbien à l’Université d’Exeter.
L’OMS a annoncé le mois dernier que l’augmentation des bactéries résistantes aux antibiotiques pourrait coûter la vie à 10 millions de personnes d’ici 2050. Elle a même été qualifiée « d’urgence sanitaire mondiale ».
Il faut savoir que même les rivières contaminées par de faibles concentrations d’antibiotiques demeurent une menace concrète. En Europe particulièrement, où l’évolution de la résistance continue d’augmenter les risques de transfert de gènes de résistance à des agents pathogènes humains. Sur les 711 sites testés à travers 72 pays, les chercheurs ont trouvé des antibiotiques dans 65 % d’entre eux. Pire encore, dans 111 cas, la concentration d’antibiotiques dépassait les niveaux de sécurité, allant jusqu’à plus de 300 fois la limite autorisée. Le rôle de l’environnement est majeur dans le problème de la résistance aux antibiotiques, et la contamination des rivières y contribue de façon importante.
Une étude très inquiétante
Pour le docteur John Wilkinson, qui a participé à l’étude, c’est une nouvelle très inquiétante. “Jusqu’à aujourd’hui, le travail sur les antibiotiques a été majoritairement fait en Europe, en Amérique du Nord et en Chine. Souvent sur seulement une poignée d’antibiotiques.”
Pour un autre chercheur, Alistair Boxall, « résoudre ce problème et un défi monumental et va nécessiter des investissements dans les infrastructures de gestion des déchets et des eaux usées, des règles plus strictes et un nettoyage des sites déjà contaminés ».
Nous avons donc vu que le problème est surtout présent en Asie et en Afrique, dans des zones défavorisées, mais il n’épargne pas pour autant l’Europe ou l’Amérique. La nature mondiale d’une telle pollution, qui pourrait tuer 10 millions de personnes d’ici 2050, en fait un problème très préoccupant.
Par Benjamin Cabiron, le
Source: The Guardian
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