Une équipe de neuroscientifiques de l’Université de Toronto Scarborough est parvenue à reconstruire des images perçues par le cerveau humain grâce à l’analyse d’électroencéphalogrammes. Une technique inédite et prometteuse tout droit sortie d’un épisode de Black Mirror  !

 

Si la méthode est nouvelle, le concept ne l’est pas

L’idée de reconstruire des images enregistrées par un cerveau humain en utilisant des techniques de neuro-imagerie n’est pas une nouveauté. C’est le professeur adjoint Adrian Nestor qui est le premier à avoir eu recours aux imageries par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) pour reconstituer des images faciales. Si les techniques inspirées de l’IRMf peuvent certes capter avec une grande précision ce qu’il se passe dans certaines zones spécifiques du cerveau, l’électroencéphalographie (EEG) n’en demeure pas moins une technologie plus pratique à bien des égards.

« L’IRMf capture l’activité [cérébrale] à l’échelle de plusieurs secondes, mais l’EEG peut le faire en terme de millisecondes. Nous pouvons donc voir avec d’infinis détails comment la perception d’un visage se développe dans notre cerveau en utilisant l’EEG »

 

Dan Nemrodov

Les EEG sont plus communs, plus facilement transportables, et très peu chers en comparaison aux IRMf ! Une technique d’autant plus efficace qu’elle peut mesurer avec détail les rouages du mécanisme de la perception: « L’IRMf capture l’activité à l’échelle des secondes mais l’EEG capture l’activité cérébrale à l’échelle des millisecondes. Nous pouvons donc voir avec d’infinis détails comment la perception d’un visage se développe dans notre cerveau grâce à l’EEG », indique Dan Nemrodov, le chercheur à l’origine de cette technique et rattaché au laboratoire d’Adrian Nestor.

 

Une reconstitution plus fidèle et plus fiable

À l’inverse de son mentor, Dan Nemrodov a préféré l’utilisation des électroencéphalogrammes aux IRMf. Ils lui permettent une reconstitution plus fidèle et plus fiable des images imprimées dans un cerveau humain. Les scientifiques peuvent dorénavant se procurer une illustration immédiate du processus d’impression de l’image dans le cerveau.

« Le fait que nous puissions reconstruire ce que quelqu’un expérimente visuellement en fonction de son activité cérébrale, ça ajoute beaucoup de possibilités. Cela dévoile le contenu subjectif de notre esprit, et nous fournit une manière d’accéder au contenu de notre perception, notre mémoire, notre imagination ; et de l’explorer, de le partager. »

 

Dan Nemrodov

Publiée dans la revue Society for Neuroscience, l’étude de Dan Nemrodov s’est appuyée sur des sujets tests raccordés à un équipement EEG pendant qu’on leur diffusait des images de visages. Les chercheurs ont enregistré leur activité cérébrale et l’ont utilisée pour recréer par voie digitale les images qu’ils avaient gardées en tête, grâce à une technique reposant sur plusieurs algorithmes d’apprentissage automatique.

 

Vous pouvez voir comment fonctionne la méthode dans la vidéo ci-dessous : 

 

De multiples applications 

L’utilisation des données EEG pour la reconstruction d’images représente une arme considérable dans la lutte contre la criminalité. Équipés de cette technologie, les forces de l’ordre n’auraient plus à se reposer sur de vagues portraits robots : elles collecteront directement dans le cerveau de la victime l’image de son agresseur telle qu’elle l’a gardée en mémoire.

« Ce qui est vraiment excitant, c’est que nous ne reconstruisons pas des carrés ou des triangles mais les images d’un visage humain, et ça implique beaucoup de détails visuels à grains fins. »

 

Adrian Nestor

Mais la technologie EEG dépasse de loin le seul cadre judiciaire. Pour Adrian Nestor, elle cristallise les espoirs des millions de personnes incapables de communiquer verbalement : « Elle pourrait non seulement produire une reconstruction de ce qu’une personne perçoit, mais aussi de ce qu’elle se rappelle ou imagine, de ce qu’elle souhaite exprimer. » Fort de ce succès, l’équipe de l’Université de Toronto Scarborough envisage désormais d’utiliser la technique EEG sur la mémoire, et d’étendre la gamme d’objets destinés à la reconstruction digitale.

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