― Jesada Sabai / Shutterstock.com

Lorsqu’un jeune singe meurt, il est fréquent de voir sa mère continuer de le transporter avec elle pendant des jours, voire parfois des semaines ou des mois. De récentes études scientifiques se sont penchées sur cette pratique pour mieux la comprendre.

Un phénomène jusqu’alors sous-estimé

Après le décès d’un de leurs petits, les mères primates continuent de conduire le corps inanimé du petit singe partout avec elles. Cela dure parfois des semaines ou des mois, c’est-à-dire même après que le cadavre se détériore et se durcit. L’étude la plus récente sur le sujet affirme qu’il s’agit d’une pratique bien plus répandue que ce que l’on croyait.

Des chercheurs ont dernièrement analysé 400 cas documentés de mères primates interagissant avec leur enfant mort. Ils ont ainsi collecté des données couvrant plus d’un siècle d’observations, sur 50 espèces de primates différentes. L’ensemble constitue, selon leurs termes, « la plus grande base de données mondiale concernant la réaction des mères primates à la mort de leur enfant ». Sur ces 400 mères analysées avec un enfant mort, 80 % ont transporté leur petit avec elles.

Une expérience du deuil similaire du primate à l’être humain

L’étude a tout d’abord permis d’observer que la durée pendant laquelle les mères primates portaient leur petit mort variait en fonction de l’âge du petit singe et de la soudaineté de son décès.

L’analyse a alors permis de caractériser chez les mères primates un deuil qui fonctionne d’une manière très similaire à celui des humains. L’anthropologue Alicia Carter, de l’University College de Londres, au Royaume-Uni, explique ainsi à UCL, média britannique consacré à l’anthropologie : “Notre étude suggère que les primates peuvent être capables de reconnaître la mort de manière similaire à celle des humains. (…) La mort entraîne une ‘perturbation fonctionnelle’ à long terme, qui est l’un des concepts de la mort chez l’Homme.

Les liens sociaux qui unissent mères et petits sont aussi très équivalents entre les primates et les humains, selon l’équipe de chercheurs. De fait, les primates ont des besoins psychologiques similaires à ceux des humains pour vivre le deuil d’un petit. Alicia Carter affirme ainsi : “Certaines mères de primates peuvent également avoir besoin du même temps pour faire face à leur perte, ce qui montre à quel point les liens maternels sont forts et importants pour les primates et les mammifères en général.

Ainsi, les mères qui sont capables de porter leur bébé mort-né avec elles sont moins enclines à développer des maladies graves comme la dépression, du fait qu’elles ont une chance d’exprimer leur lien.

Une conscience de leur propre mortalité ?

Les chercheurs se posent alors la question du rapport qu’ont les singes à leur propre mort. Les analyses menées sur les mères primates n’ont pas permis de tirer de conclusion à ce sujet. Pour Alicia Carter, “nous ne savons pas, et ne saurons probablement jamais [si] les primates peuvent comprendre que la mort est universelle et que tous les animaux – y compris eux-mêmes – mourront”.

Pour tenter d’élucider cette question, l’équipe de chercheurs a lancé un site Web appelé ThanatoBase. Les scientifiques y questionneront notamment l’hypothèse d’un comportement religieux chez les primates, autour de l’idée possible chez les primates d’une vie après la mort.

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