Domaine en perpétuelle évolution, la transplantation vient de connaître une nouvelle avancée en Chine. Une équipe de chirurgiens a réalisé un exploit encore impensable il y a quelques années : transplanter une tête humaine sur un nouveau corps. Une manœuvre délicate qui est en réalité un test en vue de la première véritable opération de ce genre.

 

UNE OPÉRATION AMBITIEUSE ÉTUDIÉE DEPUIS DES ANNÉES

La transplantation de tête est un sujet sensible mais qui fascine plusieurs neurochirurgiens depuis plusieurs décennies. Cette idée de greffe remonte aux années 70, époque où Robert White, neurochirurgien américain, a greffé un nouveau corps à Rhésus, un cygne en guise de cobaye. L’animal avait survécu 36 heures dont trois en étant éveillé. Cependant, à cause d’une mauvaise fusion de la moelle épinière, il était resté paralysé.

Suite à cette opération, une poignée de spécialistes s’est penchée sur la question de la transplantation de tête. C’est le cas de Sergio Canavero, neurochirurgien italien qui a imaginé Heaven (head anastomosis venture), un protocole de transplantation de tête. Après avoir tenté en 2016 une greffe de tête de singe qui a échoué, il a réitéré l’opération avec un humain. L’opération s’est déroulée en Chine, supervisée par le professeur Xiaoping Ren.

COMMENT S’EST PASSÉE L’OPÉRATION ?

Pour cette opération qui a nécessité près de 18 heures de travail, deux équipes de cinq chirurgiens ont travaillé ensemble. Ils ont tout d’abord décapité leurs « patients », deux hommes du même gabarit qui ont fait don de leurs corps à la science. Par souci éthique, les deux familles ont signé un consentement. Puis la tête du receveur a été installée sur le corps du donneur, suivie d’une suture de tous les vaisseaux sanguins et nerfs respectifs. Enfin, une orthèse cervicothoracique a été installée pour garantir la bonne tenue des deux parties.

Comme l’opération a été réalisée sur deux cadavres, il est impossible de dire si c’est une réussite. D’autant que d’autres facteurs sont à prendre en compte si elle est effectuée sur un corps vivant : à cause du sang, l’opération serait plus longue et plus délicate. Il faudrait aussi maintenir la tête dans une position stable pour que la moelle épinière puisse fusionner correctement. Toutefois, Sergio Canavero voit cette opération comme un succès mais aussi comme une répétition, ce qui n’est pas bien par la communauté scientifique.

CHIRURGIE INCONCEVABLE OU VRAIE SOLUTION ?

L’annonce de l’opération divise même au sein du milieu médical. Jocelyne Bloch, professeure de neurochirurgie, évoque la question de l’éthique. Selon elle, une telle opération créerait « un tétraplégique complet (car pour l’heure la fusion de la moelle épinière n’a pas été prouvée) » qui devrait subir un lourd traitement pour que la greffe ne soit pas rejetée.

Pour Jerry Silver, professeur de neurosciences, la tête souffrira au réveil d’horribles douleurs. Enfin le neuroscientifique Dean Burnett estime qu’on ne peut pas parler de réussite car l’opération n’a pas été menée sur un receveur vivant et que l’on ignore les suites d’une telle chirurgie. Toutefois, la greffe de tête incarne un espoir pour des patients atteints de maladies neuromusculaires incurables. Même si c’est encore du stade de l’hypothèse, cette opération leur offrirait une deuxième chance : celle d’avoir un corps qui fonctionne. Seule l’intervention programmée sur un receveur vivant permettra de dire si une telle greffe est techniquement possible ou pas.

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