Trop souvent négligée par les gouvernements du monde entier, la pollution plastique constitue une sérieuse menace pour la faune et la flore marines : bouteilles, sacs, gobelets et couverts envahissent nos océans… À tel point que les chercheurs ont démontré l’existence d’un 7e continent entièrement bâti sur ces déchets ! L’ONU tire la sonnette d’alarme et invite à la prise de conscience générale. 

 

Des tortues et des maux

Les conséquences dramatiques de la pollution plastique sont particulièrement palpables au Kenya. Le pays a ouvert un établissement unique en son genre : un hôpital dédié au traitement des tortues ayant ingéré du plastique. Elles sont les premières victimes de cette invasion de déchets : à cause des fragments de plastique expédiés dans leur estomac, les tortues se mettent à flotter à la surface, comme une baudruche. Et lorsqu’elles arrivent au centre encore vivantes – ce qui n’est pas le cas pour la moitié d’entre elles – elles se font prescrire du laxatif pour purger leur organisme de toute trace de plastique.

« Les tortues ne sont pas stupides. […] Il est très difficile pour elles de faire la différence entre du plastique et une méduse, et il leur est peut-être impossible de l’apprendre. »

 

Caspar van de Geer

Géré par Caspar van de Geer pour le compte de la Local Ocean Conservation de Watamu, l’établissement ne désemplit pas. Il a tenu à montrer comment les films plastiques prisonniers des flots pouvaient leurrer les tortues, persuadés qu’il s’agit-là de méduses – un de leurs mets favoris. Pour étayer son argumentaire, il a placardé sur un tableau en liège les différents sacs plastics scellés comme ceux que l’on peut trouver dans divers commerces : leurs fragments de plastique ont tous été retrouvés dans des estomacs de tortues. Et si les preuves ne sont pas suffisamment accablantes, l’établissement dispose d’une gigantesque table où sont exposés les différents déchets ramassés sur les plages locales : filet de pêche, fil de nylon, fragments…

Tous dans le même bateau 

Les déchets ramassés sur les plages kényanes n’ont ni couleur ni visage, et proviennent de pays proches – Tanzanie, Madagascar, et Comores – comme de pays d’un autre continent – Thaïlande, Indonésie et Japon. Un éclectisme géographique que l’on retrouve aussi dans les milliers de déchets asphyxiant nos océans : bagues en plastique, briquets en plastique, sacs d’engrais, pailles en plastique… Et l’on relève même la présence de marques de morsures sur certains objets, comme les petites bouteilles de crème solaire pouvant s’apparenter à de la nourriture aux yeux des poissons.

« C’est une crise planétaire. […] Seulement quelques décennies après avoir découvert les miracles du plastique, nous détruisons l’écosystème de nos océans avec. »

 

Lisa Svensson

Responsable des écosystèmes marins et côtiers à l’ONU, Lisa Svensson soutient une résolution de la Norvège qui, si elle était appliquée, débarrasserait les océans de tous leurs déchets plastiques. Un projet autrement plus ambitieux que l’engagement actuel à diminuer progressivement la pollution marine d’ici 2025. Certains pays n’ont pas attendu l’ONU pour prendre des mesures allant dans le sens du progrès : le Kenya a banni les sacs plastiques à usage unique, de même que le Rwanda, la Tanzanie et très prochainement le Sri Lanka.

De leur côté, la Chine et l’Indonésie, les deux plus gros pollueurs de plastique au monde, préparent la riposte. Le premier discutera des enjeux environnementaux lors de son China Council de décembre, un rassemblement durant lequel des experts conseilleront les leaders chinois sur les résolutions à adopter en matière environnementale. Et le second a d’ores et déjà promis de réduire sa pollution plastique de 75 % d’ici 2025.

Immobilisme parlementaire

L’ONU est une belle invention sur le papier. Mais dans les faits, l’Organisation des nations unies brille par son manque de réactivité et son immobilisme légendaire dans sa gestion de s crises humanitaires : « Le processus de l’ONU est lent […]. Cela pourrait prendre dix ans pour qu’un traité sur les déchets plastiques soit signé, et deux de plus pour l’appliquer. » Un avis partagé par Tisha Brown de l’ONG Greenpeace : « Nous sommes heureux que l’ONU songe à des mesures plus fortes, mais avec des milliards de tonnes de déchets plastiques infectant nos océans, nous avons besoin d’actions plus urgentes. »

« Nous devons passer par l’ONU parce que le problème est mondial, mais on ne peut pas attendre aussi longtemps. »

 

Lisa Svensson

Lisa Svensson déplore que les médias ne sensibilisent pas davantage l’opinion publique à ce problème gravissime : « C’est une urgence planétaire. Je sens que c’est le moment d’agir. Et nous devons le faire vite. ». Une situation d’autant plus alarmante que la responsable des écosystèmes marins et côtiers rappelle que les océans subissent bien d’autres tourments : surpêche, pollution chimique, agriculture, changement climatique, acidification et surexploitation des récifs de corail…  Ce n’est pas demain la veille que nous viendrons à bout du 7e continent !

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