— © Kaldy et al. / Genes Creative Commons 2020

Créée de façon tout à fait involontaire par une équipe de chercheurs hongrois, cette nouvelle espèce de poisson hybride baptisée « sturddlefish » possède un mélange de gènes de l’esturgeon du Danube et du spatulaire américain.

Des poissons carnivores mi-esturgeon mi-spatulaire

Des scientifiques hongrois ont annoncé dans la revue Genes avoir accidentellement créé un hybride des deux espèces en voie de disparition, connu sous le nom de « sturddlefish ». D’après l’équipe, cette hybridation esturgeon du Danube/spatulaire n’aurait pas dû être possible, mais elle s’est pourtant produite : on dénombre à l’heure actuelle environ 100 hybrides en captivité, mais les scientifiques n’ont pas l’intention d’en créer d’autres. « Nous n’avons jamais voulu jouer avec l’hybridation. C’était absolument involontaire », a déclaré Attila Mozsár, de l’Institut de recherche pour les pêches et l’aquaculture en Hongrie et auteur principal de l’étude.

Les esturgeons du Danube (Acipenser gueldenstaedtii) sont en danger critique d’extinction et se révèlent également importants sur le plan économique : pouvant atteindre plus de 2,1 mètres de long et se nourrissant de mollusques et de crustacés, ceux-ci constituent en effet la principale source de caviar au monde.

Les spatulaires (Polyodon spathula) filtrent quant à eux le zooplancton dans les eaux du bassin du Mississippi, où se jettent les eaux du fleuve et de ses affluents. Ces poissons sont également de grande taille (ils peuvent atteindre 2,5 mètres de long) et, comme l’esturgeon, possèdent également un taux de croissance et de développement lent, ce qui les expose à un risque de surpêche. Selon le Musée de zoologie de l’université du Michigan, ils ont également perdu leur habitat à cause des barrages du bassin du Mississippi.

Il convient également de souligner que ces deux espèces ont partagé un ancêtre commun pour la dernière fois il y a 184 millions d’années.

L’image du haut représente un esturgeon du Danube, celle du bas un spatulaire, et les deux clichés intermédiaires des spécimens hybrides. — © Kaldy et al. / Genes Creative Commons 2020

Une hybridation purement accidentelle

L’hybridation est intervenue alors que Mozsár et ses collègues tentaient d’élever des esturgeons en captivité en s’appuyant sur une technique de reproduction asexuée connue sous le nom de gynogenèse. Dans celle-ci, un spermatozoïde déclenche le développement d’un ovule mais ne parvient pas à fusionner avec le noyau de l’ovule. Ce qui signifie que son ADN ne fait pas partie de la progéniture résultante, qui se développe uniquement à partir de l’ADN maternel. Les chercheurs utilisaient du sperme de spatulaire pour ce processus, mais un événement inattendu s’est produit. Le sperme et l’ovule ont fusionné, ce qui a donné une progéniture avec les gènes de l’esturgeon et du spatulaire.

Les spécimens hybrides en résultant ont éclos par centaines. Si la majorité d’entre eux possède environ 50 % de gènes d’esturgeon et 50 % de gènes de spatulaire, d’autres ressemblent davantage à des esturgeons. Tous sont carnivores et partagent le nez plus émoussé de l’esturgeon, comparé au museau pointu du spatulaire.

La plupart des espèces hybrides, telles que le ligre (mélange de lion et de tigre) et la mule (mélange de cheval et d’âne) sont stériles, et le sturddlefish ne fait probablement pas exception. L’équipe prévoit de s’occuper des poissons, mais n’a pas l’intention d’en créer davantage, car l’hybride pourrait concurrencer l’esturgeon indigène dans la nature et limiter les chances de survie de ce dernier.

Cependant, le fait que des poissons séparés par 184 millions d’années d’évolution puissent se croiser indique qu’ils ne sont pas si différents après tout. « Ces poissons fossiles vivants ont des taux d’évolution extrêmement lents, donc ce qui peut nous sembler long ne l’est pas autant pour eux », conclut Solomon David, de l’université d’État de Nicholls en Louisiane.

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