Le réchauffement des océans a des conséquences dramatiques sur les écosystèmes marins, et une étude récente met en lumière l’une des plus grandes extinctions d’espèces survenues dans l’ère moderne. Entre 2014 et 2016, une vague de chaleur marine extrême, surnommée le « Blob », a provoqué la mort de millions de guillemots de Troïl (Uria aalge), et leur population n’a pas encore montré de signe de rétablissement.
Une mortalité record
Les guillemots de Troïl, des oiseaux marins souvent comparés à des manchots en raison de leur plumage noir et blanc, étaient autrefois communs sur les côtes rocheuses, plongeant dans les eaux froides pour chasser les poissons. Cependant, leur nombre a drastiquement diminué après l’apparition du Blob.
Le Blob a débuté à la fin de 2014, lorsque des températures océaniques ont augmenté de 4 °C, perturbant l’écosystème marin. Le phytoplancton, la base de la chaîne alimentaire marine, a diminué, entraînant une baisse de poissons fourrages, nourriture principale des guillemots. En 2015 et 2016, des millions de guillemots sont morts de faim, et des plages, de l’Alaska à la Californie, ont été recouvertes de leurs carcasses. En une année, 62 000 oiseaux ont été retrouvés morts, un chiffre faramineux qui montre l’ampleur de la tragédie.
L’ampleur de la catastrophe n’a été pleinement comprise qu’après des années de recherches dirigées par Heather Renner, biologiste à l’U.S. Fish and Wildlife Service. L’étude a révélé que près de 4 millions de guillemots avaient disparu durant cette période. Cette disparition représente environ la moitié de la population de guillemots de Troïl en Alaska. En particulier, certaines colonies dans le golfe de l’Alaska ont vu leur nombre d’individus chuter de 50 %, tandis que dans l’est de la mer de Béring, les pertes ont atteint 75 %.
L’absence de rétablissement
Ce phénomène de mortalité a été bien plus important que prévu, jusqu’à huit fois plus que les premières estimations. Cela en fait l’un des plus grands événements de mortalité d’une espèce jamais observés. Pour donner une idée de la gravité de la situation, la disparition des guillemots de Troïl est environ 15 fois plus importante que celle des oiseaux marins lors du désastre de l’Exxon Valdez.
Sept ans après cet événement catastrophique, les guillemots de Troïl n’ont toujours pas montré de signe de rétablissement. Les chercheurs continuent de suivre les populations, mais les perspectives demeurent inquiétantes. Des images montrant l’évolution des colonies d’oiseaux de mer entre 2014 et 2021 témoignent de la réduction spectaculaire de leur nombre.
Le phénomène de « déclin » est particulièrement inquiétant. L’écosystème pourrait ne plus être capable de soutenir de grandes populations de guillemots, et les colonies plus petites sont plus exposées aux prédateurs et aux facteurs environnementaux stressants, rendant leur rétablissement encore plus difficile.
L’impact du réchauffement climatique sur les écosystèmes marins
Cette extinction en cascade des guillemots de Troïl est un avertissement concernant les effets du réchauffement des océans sur la biodiversité marine. Les chercheurs soulignent que le réchauffement des océans, qu’il soit causé par des phénomènes comme le Blob, El Niño, ou la perte de glace de mer, entraîne des changements considérables dans les écosystèmes marins, affectant gravement les oiseaux marins.
Julia Parrish, biologiste à l’université de Washington, souligne que la fréquence et l’intensité des événements de mortalité des oiseaux marins augmentent proportionnellement à l’intensification du réchauffement climatique. Il devient donc urgent de prendre en compte ces changements dans la gestion des écosystèmes marins pour prévenir d’autres catastrophes similaires à l’avenir.
Par ailleurs, les populations d’animaux sauvages se sont effondrées de 73 % en 50 ans, selon un rapport alarmant.