A la toute fin du XVIIe siècle, alors que la photographie n’existe pas encore et que l’aquarelle revêt ses premières lettres de noblesse, naît Pierre-Joseph Redouté, surnommé le « Raphaël des fleurs » tant la beauté et la précision de ses œuvres font converger art et sciences botaniques.

UNE ASCENSION ET UNE PÉRENNITÉ EXCEPTIONNELLES 

Portrait de Pierre-Joseph Redouté par Louis Léopold Boilly

Issu d’une famille de peintres modestes originaires de Saint-Hubert en Belgique, Pierre-Joseph Redouté nait le 10 juillet 1759. Second d’une fratrie de trois garçons, il rejoint son aîné à Paris en 1782 pour peindre des décors de théâtre et des intérieurs cossus. Pendant son temps libre, il étudie les plantes au jardin du Roi.

Il fait alors la rencontre de Charles Louis L’Héritier de Brutelle, un juriste féru de botanique, qui remarque immédiatement la qualité de ses gouaches. En 1787, Pierre-Joseph Redouté se rend en Angleterre étudier aux jardins de Kew sur les conseils de son ami L’Héritier de Brutelle. Les jardins de Kew sont réputés pour la beauté et la variété des espèces végétales qui les composent. Ils travailleront de concert jusqu’au milieu des années 1790.

A son retour à Paris en 1788, L’Héritier de Brutelle l’introduit à la cour de Versailles. Débute alors la période la plus faste de sa carrière. La reine Marie-Antoinette tombe sous le charme de ses compositions florales. Il reçoit alors le titre de dessinateur et peintre du Cabinet de la Reine. Il peut ainsi accéder au jardin du Trianon sous la protection de la reine. Il aide également le peintre Gérard van Spaendonck pour des dessins botaniques destinés à la collection des Vélins du Roi. En effet, les expéditions scientifiques vers les continents inconnus et inexplorés des Européens se multiplient, rapportant graines, herbiers et plans du monde entier, ensuite acclimatés dans les jardins royaux.

Baron François Gérard, Joséphine en costume de sacre

Sociable et plein de talent, il est nommé « dessinateur de l’Académie des sciences » sous la Révolution en 1792. Il commence également à travailler pour l’Encyclopédie de Lamarck. Malgré sa proximité avec le précédent régime, il bénéficie du courant savant des Lumières pour traverser cette période sans trop de difficultés, en collaborant avec les penseurs et botanistes de son temps.

À CETTE ÉPOQUE, LES ROSES SONT À L’HONNEUR DANS LA HAUTE SOCIÉTÉ

En 1798, il fait la rencontre de Joséphine de Beauharnais qui devient sa protectrice un an plus tard, lui ouvrant les portes de la Malmaison et de sa roseraie. En parallèle à ses travaux pour les grands botanistes de l’époque, il se lance dans son ouvrage de référence Les Roses, regroupant plusieurs centaines de planches sur les différentes variétés de roses.

A cette époque, les roses sont à l’honneur dans la haute société et les botanistes, spécialisés comme amateurs, achètent, échangent, croisent et collectionnent des roses venant du monde entier, créant sans cesse de nouvelles espèces, dont certaines ont disparu et ne sont plus connues que par l’ouvrage de Pierre-Joseph Redouté. Initialement dédié à l’impératrice Joséphine, cet ouvrage en trois volumes n’est publié qu’en 1816, soit deux ans après le décès de celle-ci et sept ans après son divorce d’avec l’empereur.

Pierre-Joseph Redouté détail d’un tableau

A partir de 1804, il expose au Salon ses gouaches et aquarelles botaniques dont l’exactitude scientifique et la délicatesse du coloris lui assurent une renommée internationale. Toujours en 1804, il illustre de 65 planches La Botanique de Jean-Jacques Rousseau.

L’IMPÉRATRICE JOSÉPHINE LUI ACHÈTE DE NOMBREUX VELUMS BOTANIQUES ET NAPOLÉON LUI EN COMMANDE POUR SES CADEAUX DIPLOMATIQUES

Trois ans plus tard, en 1807, il ouvre un atelier florissant où les dames du grand monde se pressent pour recevoir ses cours de dessin. La diffusion de ses œuvres se poursuit avec la gravure apprise au contact de Bartolozzi, installé à Londres, dont il améliore le procédé grâce à une roue dentelée permettant de varier la densité des ombres. Cette technique à une seule planche confère aux couleurs une qualité irréprochable.

D’après François Gérard, Impératrice Marie-Louise, 1812, Château de Fontainebleau

En 1809, Napoléon et Joséphine divorcent afin de permettre à l’empereur d’épouser Marie-Louise. Loin de tomber en disgrâce, Pierre-Joseph Redouté reste dans l’entourage impérial en devenant le professeur de peinture particulier de la jeune impératrice.

Cette période faste se poursuit plus d’une décennie, malgré un nouveau changement de régime pour la Restauration. Ainsi, en 1822, à la mort du peintre Gérard van Spaendonck, il est nommé « maître de dessin au Muséum d’histoire naturelle ». Son atelier ne désemplit pas et il donne des leçons suivies par la reine Hortense, la duchesse de Berry, Marie-Adélaïde d’Orléans, la reine Amélie et ses filles Marie-Christine et Louise-Marie (future épouse de Léopold Ier, roi des Belges). Trois de ses principes sont restés célèbres et résument parfaitement son œuvre : exactitude, justesse du dessin et composition.

DE PAR LA QUALITÉ DE SES ŒUVRES ET DE SES PUBLICATIONS SCIENTIFIQUES, IL ACQUIERT LE SURNOM DE « RAPHAËL DES FLEURS »

En 1825, Pierre-Joseph Redouté reçoit la Légion d’honneur des mains de Charles X. En 1830, il est nommé « peintre de fleurs du Cabinet de la Reine » et en 1835, il est nommé Chevalier de l’ordre de Léopold en Belgique.

A partir des années 1830, la mode des aquarelles de fleurs commence à passer et, bien que jouissant d’une grande renommée, Pierre-Joseph Redouté voit ses commandes s’espacer et ses revenus diminuer, si bien que lorsqu’il s’éteint d’une congestion cérébrale à l’été 1840, il est considérablement appauvri.

Une rose peinte par Pierre-Joseph Redouté

Pourtant, son héritage artistique perdure toujours grâce à la réédition de ses ouvrages, au musée qui lui est consacré dans sa ville natale et par des expositions. Le château du Lude remet chaque année, depuis 17 ans, le prix Pierre-Joseph Redouté à un ouvrage consacré aux plantes particulièrement remarquables.

UN ART SINGULIER EN LIEN AVEC SON ÉPOQUE

Héritier de la peinture hollandaise dont les natures mortes et les paysages sont saisissants par leur vraisemblance, il cherche à atteindre une perfection d’analyse : la tension de la plante, ses couleurs, ce qui est important pour la reconnaître. Dans le dépouillement de ses planches, la composition prend tout son sens : la plante est présentée dans son entier, parfois grandeur nature avec bulbe et racines, frontalement dans le vaste espace du vélin.

Porcelaines de la manufacture de Sèvres

Il n’hésite pas à la partager en deux pour montrer toutes les parties. La technique picturale employée est l’aquarelle sur traits au crayon, les détails botaniques (bulbe, pistil…) sont dessinés à la mine de plomb et comme placés en arrière-plan. Parfois, le feuillage ou la tige débordent du cadre mais rien ne vient parasiter l’analyse naturaliste. Il s’accorde un jeu d’ombre et de lumière délicat pour le rendu des modelés. Sa palette de couleurs très nuancées ajoute à l’exactitude de la représentation tout à fait dans le goût de son époque où la justesse scientifique l’emporte sur la fantaisie de la composition.

À SON ÉPOQUE, LA JUSTESSE SCIENTIFIQUE L’EMPORTE SUR LA FANTAISIE DE LA COMPOSITION

Dans le cadre des velums du roi, ses qualités sont particulièrement appréciées. Tout au long de sa vie, il enrichit cette collection débutée par Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, de près de 500 planches. A la Révolution, cet art botanique de référence passe sous le contrôle du Muséum d’histoire naturelle qui reçoit les résultats des expéditions lancées à l’internationale et classe les plantes selon des critères qui ne cessent de s’affiner sous l’influence de Lamarck, Linné, Jussieu.

Dans le contexte des Lumières, les œuvres de Pierre-Joseph Redouté sont si appréciées que la manufacture de Sèvres lui commande des dessins pour ses porcelaines. Il fournit des planches pour la manufacture de papiers peints de Mulhouse et réalise quelques recueils à destination des illustrateurs de décors de porcelaines, de tissus, etc. participant à la « rosomanie » qui déferle dans les intérieurs nobles et bourgeois ainsi que sur les robes et accessoires des dames.

Papier peint datant du début du XIXe siècle

Si les œuvres fascinantes de Pierre-Joseph Redouté vous intéressent, vous pouvez trouver des éditions originales ou des rééditions de ses ouvrages, visiter le musée de Saint-Hubert en Belgique.

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