La paralysie du sommeil suscite encore aujourd’hui l’incompréhension et la peur. Ces sentiments ont alimenté, et alimentent encore aujourd’hui, des mythes à travers le monde entier. Plusieurs chercheurs, à travers différentes études, ont choisi de faire le parallèle entre les explications scientifiques du phénomène et sa dimension culturelle. On vous explique tout.
La paralysie du sommeil est un trouble du sommeil mystérieux, tant pour les scientifiques que pour nous. Pourtant, 10 % de la population affirme en avoir été victime au moins une fois. Bien que ce phénomène soit encore peu connu des scientifiques, quelques explications sur ses origines émergent progressivement.
LA PARALYSIE DU SOMMEIL PROVOQUE DES HALLUCINATIONS
En résumé, la paralysie du sommeil c’est le fait d’être incapable de bouger, tandis que notre esprit est éveillé. Les personnes qui en sont victimes peuvent aussi avoir l’impression de suffoquer ou d’être oppressées. Ce phénomène se produit généralement lorsque l’individu s’endort, ou se réveille. La paralysie du sommeil peut survenir chez des individus présentant des troubles du sommeil, ou encore des troubles mentaux, mais aussi chez des personnes qui ne présentent aucun trouble.
Une étude publiée dans le journal Frontier in Psychology et menée par plusieurs chercheurs s’intéresse justement à ces croyances. Dans certaines parties du Brésil, la paralysie du sommeil a donné lieu à un conte folklorique mettant en scène une créature effrayante, aux ongles très longs : « Pisadeira ». Cette dernière, une fois la nuit venue, se cache sous les toits des habitations. Par la suite, elle s’introduit au sein même des foyers pour venir écraser la cage thoracique du dormeur malchanceux.
L’IDÉE D’UNE CRÉATURE EFFRAYANTE OU D’UN ESPRIT MALVEILLANT EST COMMUNE A TOUS CES MYTHES, QUI FONT APPEL AU SURNATUREL POUR EXPLIQUER CE PHÉNOMÈNE
Issue cette fois de la culture catalane, « Pesanta » est aussi une créature légendaire. Tout comme « Pisadeira », elle s’invite chez les gens durant leur sommeil, afin d’écraser la cage thoracique des dormeurs. A la différence de « Pisadeira », celle-ci s’assoit sur la cage thoracique de ses victimes et leur cause, en plus de les étouffer, d’affreux cauchemars. Elle est le plus souvent représentée sous la forme d’un animal noir, proche du chat ou du chien, selon les versions.
Pour preuve, la terminologie employée au Mexique pour désigner la paralysie du sommeil signifie littéralement : « Un cadavre a grimpé sur mon corps ». Certaines cultures évoquent également des sorts lancés par des chamans ou des invocateurs pour expliquer cette paralysie.
Par exemple, dans la culture inuite, les gens parlent d’« uqumangirniq » pour désigner la paralysie du sommeil. Celle-ci serait provoquée par un chaman pouvant lancer des sorts lorsqu’une personne est endormie. Ce sort empêche alors la personne de bouger, de parler ou de crier, alors qu’elle est au même moment visitée par une présence informe, sans visage et sans corps.
Le folklore japonais se réfère quant à lui au « Kanashibari ». Ce terme fait référence à un esprit vengeur, qui est appelé par un invocateur pour étouffer ses ennemis dans leur sommeil. Les japonais comparent cet état au fait d’être « totalement lié, comme s’ils étaient retenus par des chaînes métalliques ».
Lors d’une étude sur des réfugiés cambodgiens dans les années 1970, les chercheurs ont constaté que plusieurs patients disaient être sujets à un mal appelé « Khmaoch sângkât » ou, traduit littéralement, « le fantôme qui vous pousse vers le bas », appellation qui peut faire penser au sentiment d’oppression ressenti lors de la paralysie du sommeil.
Un fantôme similaire appelé « Phi Am » est également présent dans le folklore thaïlandais. Ce fantôme hante les dormeurs lorsqu’ils sont à moitié endormis et immobiles. Dans certaines cultures traditionnelles chinoises, ce fantôme est également présent et est cette fois appelé « fantôme de l’oppression ».
De même, dans le folklore scandinave, ainsi que dans les Flandres, la Mare (aussi appelée Mara ou Marh), qui est un fantôme de femme malveillant, est tenue responsable de la paralysie du sommeil. Elle est d’ailleurs à l’origine de l’étymologie du mot « cauchemar » en français, en anglais, en allemand, en norvégien ou en suédois. En Allemagne, c’est un elfe malveillant nommé « Alb », qui s’assoit lui aussi sur la poitrine des dormeurs, qui est responsable de ce trouble.
En Algérie, on associe ce phénomène aux termes « jedma » (cauchemar), « bou berak » (« celui qui pèse sur le corps du dormeur ») ou « boutelis ». Au Maroc, la paralysie du sommeil prend le nom de « boughtat’ » (« celui qui te recouvre »). Ce terme peut faire référence à une vieille femme, un djinn ou un « gars noir » qui écrase tout son poids sur la poitrine du dormeur. Le « gars noir » existe aussi en Turquie, il est communément appelé « karabasan ».
EN FRANCE, CES PHÉNOMÈNES ÉTAIENT ASSOCIÉS À DES DÉMONS OU DES SORCIÈRES
Enfin, en France, durant le Moyen Âge et la Renaissance, ce phénomène mystérieux était attribué à des vieilles femmes, des démons ou des sorcières qui maltraitaient les dormeurs. Dans les Antilles françaises, on évoque aussi la présence de créatures surnaturelles ou d’esprits.
En Guadeloupe, on parle de « Soucougnans », des chiens volants qui pénètrent la nuit dans les habitations pour épier les gens. En Martinique, on évoque le « Dorlis », une personne qui se transforme en animal ou en esprit à la tombée de la nuit. Il maltraite les dormeurs et parfois, viole de jeunes femmes. Il n’est pas rare, encore aujourd’hui, de trouver des paires de ciseaux accrochées aux portes des foyers pour s’en protéger.
Dans chaque continent, des mythes plus ou moins effrayants tentent d’expliquer la paralysie du sommeil. Les auteurs de l’article précisent que le but de l’étude n’était pas de sous-estimer ces explications de la paralysie du sommeil, mais « d’enrichir les connaissances sur ces expériences et leurs aspects psychologiques et culturels ».
Il est impressionnant de voir qu’un phénomène biologique peut inspirer autant de légendes qui, bien qu’elles soient effrayantes, restent très intéressantes à connaitre et à analyser. Le fait que ces légendes aient globalement les mêmes dénominateurs communs – créatures, esprits malveillants, mauvais sorts, fantômes… – est d’autant plus surprenant et montre que certaines peurs sont humaines et donc communes à chaque culture.