— © Kern / A. & Antl-Weiser / W. Venus / Edition Lammerhuber 2008

De récentes analyses ont révélé que la Vénus de Willendorf, l’une des plus anciennes œuvres d’art jamais découvertes, avait été sculptée dans une bloc de calcaire issu d’un gisement localisé à environ 600 kilomètres du site où elle avait été mise au jour.

Des comparaisons minutieuses

Haute de 11 centimètres, cette petite figurine découverte en 1908 lors de fouilles près de la ville autrichienne de Willendorf, dans la vallée de la Wachau, est faite d’oolithe : un type de calcaire se formant généralement dans les environnements marins peu profonds. Dans le cadre de travaux publiés dans la revue Scientific Reports, Gerhard Weber et ses collègues de l’université de Vienne ont utilisé la micro-tomographie afin d’obtenir des images haute résolution de la structure de la pierre, et ainsi établir sa région d’origine.

L’équipe a recherché des gisements d’oolithe dans une vaste zone s’étendant de la France à l’Ukraine, et comparé la composition des différents échantillons en ayant été extraits à celle de la statuette. « En raison des différentes tailles de grain des ooïdes calcaires et des variations du contenu fossile, chaque spécimen est unique », détaille le géologue Alexander Lukeneder, co-auteur de l’étude.

Les analyses minutieuses réalisées ont permis d’établir une correspondance étroite avec un gisement situé dans le nord de l’Italie, près du lac de Garde. Ce qui implique que la pierre, sous sa forme brute ou déjà sculptée, ait été transportée sur des centaines de kilomètres à travers les Alpes il y a environ 30 000 ans. « Les Gravettiens [culture préhistorique du Paléolithique supérieur européen caractérisée par son industrie lithique] s’établissaient dans des environnements favorables », explique Lukeneder. « Dès que le climat ou les opportunités de chasse changeaient, ils se déplaçaient, de préférence le long des rivières. »

La Vénus de Willendorf. À gauche : vue latérale. En haut à droite : cavités hémisphériques sur la hanche et la jambe droites. En bas à droite : trou existant agrandi pour former le nombril.— © Kern / A. & Antl-Weiser / W. Venus / Edition Lammerhuber 2008

Bien que la composition des échantillons provenant d’un gisement du bassin de Donetsk ne corresponde pas aussi étroitement, elle s’avère également proche de celle de l’oolithe de Willendorf, faisant de l’Ukraine une seconde candidate crédible. Les chercheurs notent que des figurines féminines présentant une ressemblance frappante avec la Vénus y on été découvertes, et qu’il existe des exemples de déplacements d’artefacts sur de longues distances entre ces régions, avec des outils en obsidienne typiques découverts en Autriche et dans l’est de la Slovaquie.

De l’oolithe s’étant formée au Mésozoïque

Selon les chercheurs, que la pierre ayant servi à la fabrication de la Vénus de Willendorf provienne d’Italie ou d’Ukraine, de tels résultats démontrent l’existence de remarquables réseaux de communication à travers le continent européen avant le dernier maximum glaciaire, il y a 23 000 ans environ.

Autre curiosité scientifique, l’équipe a découvert dans la figurine de minuscules fragments de coquillages qu’elle a pu reconstituer numériquement en 3D. Leur comparaison avec des spécimens fossiles a permis de déterminer que l’oolithe s’était formée il y a environ 150 millions d’années, à l’époque des dinosaures. « Le fait de pouvoir relier cette figurine emblématique de l’ère glaciaire aux mers tropicales du Mésozoïque a été une véritable surprise pour nous tous », conclut Mathias Harzhauser, également co-auteur de l’étude.

À gauche : coquillage bivalve segmenté (Oxytomidae) situé sur le côté droit de la tête de la Vénus — © Gerhard Weber et al. / Scientific Reports 2022
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