Avec nos technologies de pointe, notre faculté à nous exprimer, nos compétences et notre statut de « prédateur », nous, les humains, avons tendance à nous considérer comme la forme de vie dominante sur Terre. Mais le sommes-nous vraiment ? En effet, certains organismes, bien plus nombreux, couvrent davantage de surface de la planète que nous. SooCurious vous en dit plus sur ces formes de vie qui ont un impact important sur notre planète.

Les êtres humains ont probablement eu un impact majeur sur la plupart des coins de la planète et sur ses autres habitants. Mais il existe d’autres organismes qui exercent secrètement une grande influence sur la surface du globe.

Si la domination du monde était un jeu de nombres, on parlerait sûrement plus souvent des collemboles, sorte de minuscules crevettes à six pattes mesurant entre 0,25 et 10 mm de longueur. En effet, ces petits insectes seraient environ 10 000 par mètre carré sur le sol terrien et parfois même 200 000 à certains endroits. Les 6 000 espèces connues de ces arthropodes peuvent être trouvées dans toute sorte d’environnement que ce soit sur les plages, les falaises, l’Antarctique ou sur les plus hautes montagnes de la planète. « Sur le sol il faudra parfois creuser quelques centimètres pour les trouver mais partout où vous allez sur la planète je serais prêt à parier qu’il y a au moins un collembole sous vos pieds », explique le docteur Peter Shaw, zoologiste à l’université de Roehampton au Royaume-Uni.

Les collemboles disposent d’un organe appelé « furca » sur la face intérieure de l’abdomen qui leur permet de sauter jusqu’à 10 cm pour échapper aux prédateurs. Néanmoins, les collemboles vivant dans le sol n’ont pas de furca. En fait, la grande particularité de ce groupe est d’avoir un tube sous leur abdomen qu’ils utilisent pour aspirer l’eau, et à partir duquel une substance collante peut être exsudée pour les aider à se tenir à certaines surfaces. De plus, les collemboles accélèrent le recyclage des plantes mortes en nutriments réutilisables. Leur importance dans ce processus varie considérablement selon les habitats et la présence d’autres décomposeurs comme les vers de terre. Selon certaines estimations, ils seraient responsables à hauteur de 20 % de la décomposition de l’ensemble des feuilles mortes et des débris végétaux dans certains endroits. Ainsi, les collemboles sont considérés comme les insectes les plus abondants sur Terre.

Les fourmis sont également bien placées en termes de population sur le globe. On estime en effet qu’elles seraient environ 10 000 milliards. Il est en fait extrêmement difficile de les compter précisément mais il se pourrait que les fourmis soient les organismes vivants les plus nombreux de la planète. Les fourmis ont des « pouvoirs » beaucoup plus importants et variés que les collemboles pour influencer l’environnement dans lequel elles vivent. « Les fourmis contrôlent chaque millimètre de la surface de la Terre, où qu’elles vivent », déclare Mark Moffet, entomologiste à l’Institut Smithsonian à Washington DC, aux Etats-Unis. « Ces territoires sont en réalité « micro-gérés » par les fourmis, puisqu’elles modifient ou suppriment les choses à leur avantage à un niveau microbien. » Les fourmis exercent leur contrôle grâce à un large éventail de moyens ingénieux et à leur capacité à vivre en société. Sur les 14 000 espèces de fourmis les plus connues, les plus dominatrices sont celles qui sont capables de se déplacer librement dans le monde, formant des colonies de milliards de fourmis, et leur permettant d’être prêtes à affronter un ennemi. Parmi les plus dominantes, on peut notamment citer les fourmis d’Argentine qui se sont propagées depuis le continent sud-américain sur tous les continents du globe, mis à part l’Antarctique. Elles peuvent se développer rapidement, se déplacer en nombre et sont capables de mettre en place de véritables stratégies de guerre. D’autres espèces animales et autres plantes ont également su établir des colonies s’étalant jusqu’à 6 000 km le long de la Méditerranée, en Californie, ou à l’ouest du Japon.

Mais peut-être que de plus grandes choses peuvent dominer les plus petites, certes de façon moins évidente, mais plus fondamentale. En laissant de côté les bactéries, la biomasse des plantes a été estimée comme 1 000 fois supérieure à celle des animaux. Et tandis que d’autres formes de vie peuvent être plus nombreuses, plus affirmées ou plus diversifiées, la majorité d’entre elles ne pourraient exister sans l’oxygène libéré par les plantes grâce à la photosynthèse. Les Angiospermes, ou plantes à fleurs, représentent environ 90 % de toutes les espèces végétales. Ils couvrent une grande partie de la surface de la Terre et présentent une biomasse plus importante que les animaux terrestres. « La façon par laquelle un désert est structuré différemment qu’une forêt tropicale ou votre parc municipal s’explique avec la répartition des plantes à fleurs », explique Sandy Knapp, chef des plantes au musée d’histoire naturelle de Londres. « Ces plantes offrent des places pour les insectes, un espace dans lequel les choses évoluent et changent. » A nouveau, la domination de la planète par les organismes semble se jouer sur la diversité.

Jusqu’à présent, les scientifiques ont identifié quelque 400 000 espèces de coléoptères, ce qui signifie qu’ils représentent entre 1/5 et 1/3 de toutes les formes de vie décrites. Les coléoptères assument des rôles très spécifiques comme la pollinisation des arbres.

« Les coléoptères sont les espèces les plus dominantes de par la richesse des groupes d’organismes qu’ils forment dans les écosystèmes terrestres », explique Max Barclay, spécialiste des coléoptères au musée d’histoire naturelle à Londres. « Ils se sont partagé le monde en de petits morceaux tout en se spécialisant dans différents emplois, permettant de coexister sans entrer en concurrence les uns avec les autres. » Si les coléoptères ont une incroyable capacité d’adaptation, ils ont aussi un rôle essentiel sur les écosystèmes en libérant les nutriments qui sont alors disponibles pour d’autres formes de vie, en décomposant le bois et le fumier par exemple. Si les insectes, dont 40 % sont des coléoptères, n’exerçaient pas leur rôle par la pollinisation, les plantes par exemple, ne seraient pas en mesure de produire suffisamment d’oxygène.

Les charançons sont un très bon exemple de l’impact des coléoptères sur notre planète. En effet, ils sont capables de percer des trous dans les plantes, dans lesquelles ils déposent leurs oeufs. Cela permet par la suite de protéger leurs larves et de leur donner une source de nourriture. Ils sont étroitement associés aux plantes, en particulier en leur donnant des rôles importants au sein des écosystèmes. Avec quelque 60 000 espèces, ils sont très diversifiés mais aussi spécialisés.

Néanmoins, il existe une forme de vie encore plus adaptable, indestructible et étonnamment diversifiée que le scientifique Stephen Jay Gould a longtemps évoquée dans ses écrits. Nous vivons, écrit Gould, à l’ère des bactéries. Les Wolbachia, des bactéries qui infectent essentiellement les arthropodes, sont un très bon exemple d’organisme vivants exerçant un impact considérable sur la planète. Extrêmement répandues, elles vivent dans les cellules d’environ deux tiers des insectes et autres arthropodes, comme les araignées et les acariens. Ces bactéries peuvent se transmettre d’une espèce à l’autre. Cependant, leur principale méthode de transmission s’effectue à travers les oeufs des femelles. Rien ne rivalise avec les Wolbachia en termes de domination. Elles exercent celle-ci en jouant sur la reproduction des animaux qu’elles infectent, en modifiant le sexe de certains d’entre eux ou en modifiant leur sperme. Ce faisant, elles ont affecté la survie et l’évolution de milliers d’espèces. Ces bactéries disposent de nombreux moyens pour manipuler leurs hôtes, souvent pour favoriser le sexe féminin au sexe masculin. Par exemple, elles sont capables de tourner les papillons mâles, cloportes et crustacés en femelles, doublant ainsi leur chance d’être transmises. Elles peuvent également déclencher des changements chromosomiques qui permettent aux abeilles ou aux fourmis de se reproduire sans mâle.

Les Wolbachia sont également capables de déclencher la mort de quelques embryons mâles de coccinelles et papillons comme l’explique Greg Hurst, professeur de biologie à l’université de Liverpool. Les femelles deviennent plus fortes et en mangeant leurs frères mâles, elles sont mieux à même de diffuser la bactérie. « Les Wolbachia, à travers la façon dont elles manipulent et modifient leurs hôtes, peuvent être des moteurs de changement évolutif chez de nombreuses espèces », indique John Werren, professeur de biologie à l’Université de Rochester de New York. Leur présence dans de nombreux insectes et leur capacité à les manipuler à leur avantage pourraient créer de nouvelles espèces. Il semblerait donc que les Wolbachia soient l’un des principaux candidats en ce qui concerne la forme de vie la plus dominante du monde. « Rien ne rivalise avec eux en termes de domination », ajoute Werren.

En revanche, rappelons que ce sont les plantes qui libèrent l’oxygène. Avant que les cyanobactéries n’évoluent comme les premiers organismes photosynthétiques, il y a plus de 2,5 milliards d’années, l’atmosphère ne contenait que très peu d’oxygène. Et c’est ce changement d’atmosphère pauvre à une atmosphère riche en oxygène qui a jeté les bases de la biodiversité que nous connaissons aujourd’hui sur Terre. En fait, chaque organisme semble dominer à son échelle. Les humains dominent à leur échelle comme les fourmis dominent à la leur. Il est donc plus facile de parler d’organismes ayant un réel impact que d’organismes purement dominants. De plus, chaque organisme vivant est souvent complémentaire avec un autre. Les fourmis peuvent se sentir dominantes si elles ont détruit les cultures, par exemple. Mais elles doivent leur existence à l’oxygène libéré par les plantes. De la même manière, les plantes n’auraient pas été capables de coloniser les terres comme elles l’on fait il y a 470 millions d’années sans les champignons qui les ont aidées à améliorer leur absorption de carbone photosynthétique. Les champignons, quant à eux, n’auraient jamais eu ces rôles essentiels sur la planète sans la présence de plantes et d’animaux. Et ainsi de suite…

« C’est un peu comme essayer de savoir qui, entre un joueur de football et un joueur de basket-ball, est le meilleur », dit Warren. En fait, de telles discussions soulignent surtout l’interdépendance complexe qui existe entre les millions d’espèces différentes sur Terre. « Demander quel groupe d’organismes est le plus important, c’est un peu comme demander lequel des quatre piliers est le plus important pour soutenir la maison, si vous prenez l’un d’entre eux, le tout risque de s’écrouler », ajoute Knapp.

Ces informations sont surprenantes. Elles révèlent à quel point chaque organisme vivant est dépendant des autres, y compris les êtres humains ! A la rédaction, beaucoup ont été surpris de l’effet considérable que certaines minuscules espèces exercent sur notre planète. Pensez-vous que l’Homme est vraiment le maître de la Terre ?

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