Matthew Robertson et Wendy Rogers ont publié une étude dans le British Medical Journal, le 5 février dernier. Les deux chercheurs demandent le retrait de plus de 400 études scientifiques qui ont probablement analysé des transplantations d’organes provenant de prisonniers chinois exécutés. Explications.

 

80 000 greffes potentiellement issues d’organes de prisonniers

Robertson et Rogers sont des scientifiques spécialisés dans l’éthique médicale. Ils ont analysé 445 études publiées entre 2000 et 2017 en Chine, s’appuyant sur 85 477 cas de greffes (poumons, coeurs, foies). Le problème soulevé par l’équipe c’est que 99 % des études n’indiquent pas si les organes ont été donnés avec consentement, et 92 % n’en donnent même pas l’origine.

Et étant donné que d’anciens rapports expliquent que le gouvernement chinois a déjà prélevé des organes sur des milliers de prisonniers, les scientifiques en déduisent que c’est toujours le cas, et que ces centaines de recherches s’appuient dessus. Pour respecter l’éthique, Matthew Robertson et Wendy Rogers ont donc déclaré “Nous demandons le retrait immédiat de toutes les études qui citent des recherches basées sur l’utilisation d’organes de prisonniers exécutés, ainsi que l’organisation d’un sommet international pour développer une nouvelle approche en ce qui concerne la recherche sur les greffes en Chine.

L’affaire pourrait même aller plus loin. En effet, les organes utilisés pour les transplantations pourraient être ceux de prisonniers de conscience, enfermés pour leurs convictions politiques ou religieuses. Les deux scientifiques le suggèrent, en précisant toutefois qu’il est impossible de le vérifier.

© Pixabay

 

Un problème déjà soulevé par le passé

Bien que choquantes, ces accusations ne sont pas nouvelles. En 2016 déjà, l’avocat David Kilgour et le journaliste Ethan Gutmann avaient publié un rapport montrant du doigt l’écart important entre les chiffres du gouvernement chinois et ceux des hôpitaux. Ces derniers expliquaient qu’entre 60 000 et 100 000 greffes d’organes étaient réalisées chaque année, alors que les chiffres officiels en dénombrent seulement 10 000. Les transplantations avec des organes de détenus avaient alors été désignées comme la source de ce décalage, trop conséquent pour être lié à une erreur.

En 2017, la revue scientifique et médicale Liver International avait aussi été contrainte de supprimer un article parlant d’une étude sur 564 greffes de foie. En effet, des experts avaient pu prouver qu’il était impossible que l’hôpital concerné ait eu autant de donneurs volontaires.

Avec la multiplication de ces cas chinois, Wendy Rogers et Matthew Robertson ont expliqué dans The Guardian que « Il ne suffit pas d’avoir des principes éthiques, il faut des lois ». Parce que même si la Chine clame depuis 2015 qu’elle n’utilise plus les organes des détenus morts, aucune loi ne l’interdit officiellement. Les deux chercheurs tiennent pour complices de cette pratique tous ceux qui y participent de loin, comme de près : autorités supérieures, médecins, scientifiques et grandes revues.

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