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Le chardonneret élégant, ce petit oiseau au chant mélodieux, fait partie des victimes du braconnage. Mais, depuis plusieurs années, en France, il est de plus en plus convoité par les trafiquants de drogue qui les vendent illégalement.

LE CHARDONNERET ÉLÉGANT : LE NOUVEL OUTIL DE VENTE POUR LES TRAFIQUANTS DE DROGUE

C’est une triste réalité : le chardonneret élégant, espèce protégée, est victime de trafic en France. Il est d’ailleurs fortement convoité par les collectionneurs, notamment pour son chant mélodieux et son beau plumage. « Le but est de capturer ces oiseaux pour les croiser avec des canaris qui apparemment ont un chant beaucoup plus mélodieux. C’est tout l’enjeu du trafic du chardonneret élégant », explique Marc Touzain, membre de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage du Puy-de-Dôme. Mais, actuellement, il est surtout utilisé par les trafiquants de drogue.

Récemment, c’est au marché aux puces de Marseille qu’un tel trafic a été identifié. « C’est 40 euros pour le mâle (…) Ne prend pas une femelle, ça ne vaut rien. Fais gaffe aux flics en sortant », glisse un des trafiquants dont le commerce de chardonneret élégant est la principale activité. Il s’adresse surtout aux personnes « qui viennent du bled ».

Dissimulés et discrets, les trafiquants en question accrochent les minuscules cages des volatiles affolés à des gouttières en attendant un acheteur. Cette espèce rare est pourtant très chère. « Un gramme de chardonneret est bien plus cher qu’un gramme de cannabis. Un chardonneret très beau ou qui chante très bien peut coûter des centaines, voire des milliers d’euros, ironise Éric Hansen, porte-parole de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) de la région PACA.

« L’image du braconnier du village, à la Raboliot, est complètement dépassée. On a souvent affaire à des membres de la petite-moyenne délinquance, impliqués dans des trafics de drogue et des réseaux de cambrioleurs. Les trois quarts de nos interpellations ont d’ailleurs lieu en milieu urbain », explique Jean-Yves Bichaton, chef de service départemental à l’ONCFS des Bouches-du-Rhône et agent de police de l’environnement. Lors de ces trafics, nombreux sont les Marseillais à s’improviser vendeurs de chardonnerets. « Avec un pot de glu et des brindilles, on peut attraper dix spécimens en une matinée », explique-t-il également. Par ailleurs, un individu, connu pour trafics et cambriolages, a récemment été arrêté à l’aéroport de Marignane à Marseille. Il était en possession d’une dizaine de chardonnerets entassés les uns sur les autres dans des valises et petits cartons. « Ça lui payait le voyage », ironise Jean-Yves Bichaton.

« C’EST UN TRAFIC TRÈS RÉMUNÉRATEUR »

Le coût engendré par l’achat d’un chardonneret élégant ne semble pourtant pas repousser les acheteurs. En effet, « il y a pas mal d’argent à faire. On voit de plus en plus de gamins qui font le guet dans les cités et qui se font 50 euros de plus en attrapant un chardonneret dans un terrain vague », explique Fabrice Gayet, douanier et référent-expert en protection de la faune et de la flore. « C’est un trafic très rémunérateur, quasi invisible et très peu poursuivi, car ce n’est pas dans notre coeur de métier », ajoute un policier.

Le trafic de chardonneret s’étend également de plus en plus à l’échelle internationale et peut parfois engendrer des dizaines de milliers d’euros de chiffre d’affaires. En effet, il est très commun dans le Nord de la France, mais également en Belgique, dans les pays du Maghreb et sur les rives méditerranéennes. De plus, ils sont souvent vendus à plusieurs milliers de kilomètres de l’endroit où ils ont été capturés.

Le 17 novembre, le commerçant en question a frôlé l’interpellation. Il a été plus chanceux que deux autres trafiquants qui ont été arrêtés le 19 novembre à Marseille. Malgré cela, il continue de vendre des chardonnerets élégants. Alors que le trafic de drogue est puni de 10 ans de prison et de 7,5 millions d’euros d’amende, il serait condamné à 3 ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende pour le trafic d’oiseaux. Par ailleurs, en attrapant eux-mêmes les oiseaux, les trafiquants peuvent économiser près de 500 euros. Une activité « plus rentable que le cannabis », ajoute Jean-Yves Bichaton.

LE TRAFIC D’OISEAUX : UNE ACTIVITÉ DE PLUS EN PLUS COURANTE

« On constate sur dix ans une recrudescence du trafic d’oiseaux. Il n’y a presque plus de chardonnerets en Algérie, donc il y a beaucoup de trafic depuis le Maroc, et même de l’exportation de chardonnerets français vers l’Algérie », explique Fabrice Gayet, douanier. Des relais entre les différents trafiquants, lors du transport des volatiles, sont également organisés.

L’exemple d’un trafiquant surnommé « Le Belge », repéré par l’ONCFS en 2016, montre que le trafic de chardonnerets est en hausse. « On a tout de suite vu que c’était un pro. Il avait des systèmes de capture très élaborés et un élevage très performant. Il avait 200 oiseaux et faisait se reproduire les meilleurs chanteurs », a expliqué Éric Roux, membre de l’ONCFS dans le Var. Cet individu gère d’ailleurs un véritable trafic à lui seul à l’échelle internationale lui permettant de gagner jusqu’à 100 000 euros par an ! Les contrôles vont-ils se multiplier et se durcirent davantage pour enfin mettre fin à l’atroce trafic illégal de chardonneret élégant ? Nous espérons que des mesures seront rapidement prises afin de veiller au bien-être de ces adorables petits animaux…

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