Si la plupart des dictionnaires évoquent « une perte définitive par une entité vivante des propriétés caractéristiques de la vie, entraînant sa destruction », définir la mort reste étonnamment compliqué. Sa définition médicale a en effet beaucoup changé au cours des siècles, et continue d’évoluer. Explications.

Comment définir la mort ?

UNE QUESTION COMPLEXE

Durant des siècles, les médecins se sont fiés à des observations basiques pour déterminer si une personne était morte ou non. Selon Marion Leary, chercheuse à l’Université de Pennsylvanie : « Lorsque la respiration d’une personne était imperceptible et que son corps était froid et cyanosé, on estimait généralement qu’elle était morte ».

Les marqueurs de la mort ont beaucoup changé au fil du temps. Avant le milieu du 18e siècle, un individu était déclaré mort lorsque son cœur cessait de battre, mais à mesure que notre compréhension du corps humain s’améliorait, d’autres organes, comme les poumons ou le cerveau, entraient en ligne de compte.

Dans la plupart des pays, le terme de « mort cérébrale » est couramment employé pour définir la mort. Selon le neuroscientifique James Bernat, de la Geisel School of Medicine : « Le médecin doit pouvoir démontrer que la perte de la fonction cérébrale et irréversible, car il n’est pas rare qu’une surdose de médicaments ou qu’un cas d’hypothermie sévère ne stoppe temporairement son activité ».

Autrefois, lorsque l’une des trois fonctions vitales s’arrêtait (circulatoire, respiratoire et cérébrale) elle entraînait l’interruption des deux autres dans les minutes qui suivaient. Mais grâce aux progrès technologiques et aux avancées médicales, ce n’est plus nécessairement le cas aujourd’hui.

Désormais, il est possible de réanimer une personne 20 à 30 minutes (voire quelques heures dans de très rares cas) après qu’elle ait subi un arrêt cardiaque, et depuis le milieu des années 1950, les machines sont capables de prendre le relai lorsque nos fonctions vitales sont défaillantes. Mais aussi remarquables soient-elles, ces avancées ont également contribué à brouiller la frontière entre la vie et la mort.

AUJOURD’HUI IL EST POSSIBLE DE RÉANIMER UNE PERSONNE 20 À 30 MINUTES APRÈS QU’ELLE AIT SUBI UN ARRÊT CARDIAQUE

Les personnes maintenues en vie par des machines entrent dans cette catégorie pour le moins floue : elles souffrent de lésions cérébrales graves et irréversibles, mais étant donné que leur corps réagit à certains stimuli, elles sont souvent considérées comme « vivantes » par leurs proches, alors qu’elles sont en « état de mort cérébrale » pour la plupart des médecins.

Le cas Jahi McMath

Prenez l’exemple de Jahi McMath, une adolescente de 13 ans ayant subi en 2013 une opération des amygdales qui a terriblement mal tourné. Les médecins estimaient que la jeune patiente était en état de mort cérébrale, mais sa mère restait persuadée qu’elle était bel et bien « vivante ».

Contre l’avis du corps médical, cette dernière choisissait finalement de ne pas la débrancher, et après plusieurs mois, commençait à enregistrer des vidéos prouvant que Jahi était capable de bouger certaines parties de son corps lorsqu’on le lui demandait.

En dépit du fait que certaines parties de son cerveau aient été en grande partie détruites, des scintigraphies cérébrales ont révélé que celles responsables de la conscience, du langage et des mouvements étaient intactes, et son rythme cardiaque changeait également lorsque sa mère lui parlait.

Tout cela a amené un neurologue à déclarer l’année dernière que l’adolescente était « techniquement » vivante, près de quatre après qu’elle ait été déclarée en état de mort cérébrale.

4 ANS APRÈS AVOIR ÉTÉ DÉCLARÉE EN ÉTAT DE MORT CÉRÉBRALE, JAHI MCMATH ÉTAIT « TECHNIQUEMENT » VIVANTE

Le don d’organes complique encore un peu plus les choses en ce qui concerne les personnes maintenues en vie par des machines : pour éviter les dommages, la plupart des médecins souhaitent déclarer la personne « morte » le plus rapidement possible après qu’elle ait été débranchée (habituellement cinq minutes après que le cœur et la respiration du donneur se soient arrêtés), mais certains d’entre eux avancent que ce délai est insuffisant.

Pour James Bernat, qui s’intéresse de près aux questions éthiques et philosophies relatives aux différents troubles de la conscience (coma et états végétatifs), il s’agit d’un faux débat : « Pour moi, lorsqu’une personne est maintenue en vie par des machines, sa fonction respiratoire ou circulatoire a cessé de façon permanente et ne pourra redémarrer sans leur aide ».

Est-il possible de ramener les gens à la vie ?

Parmi les techniques de réanimation prometteuses mises au point récemment, on peut citer l’hypothermie thérapeutique, parfois utilisée pour les patients victimes d’arrêt cardiaque. Ce traitement utilise différents appareils qui abaissent la température corporelle du patient pendant environ 24 heures, et permet de réduire le risque de séquelles cérébrales (causées par un manque d’oxygène prolongé) pour ce dernier.

En vogue au début des années 2000, la cryogénisation possède encore aujourd’hui de nombreux partisans. Elle consiste à « congeler » le corps (voire uniquement la tête dans certains cas) d’un individu, qui sera ensuite conservé jusqu’à ce que la technologie soit à même de le ramener à la vie.

Quelques minutes après la mort du « cryonaute », son corps est refroidi pendant qu’un dispositif se charge de maintenir le flux sanguin et va ensuite injecter des anticoagulants afin d’empêcher la formation de caillots. Son sang est ensuite récupéré et remplacé par une sorte « d’antigel » qui va empêcher que l’exposition prolongée à des températures négatives n’endommage les cellules de la personne cryogénisée.

Ce concept reste évidemment largement controversé, comme le souligne James Bernat : « La cryogénisation est du domaine de la science-fiction, et je ne pense pas que ce soit une solution envisageable pour échapper à la mort. Les récentes découvertes faites dans le domaine de la génétique me semblent bien plus prometteuses ».

« LA CRYOGÉNISATION EST DU DOMAINE DE LA SCIENCE-FICTION »

Les scientifiques viennent en effet de découvrir que certains gènes chez les souris et les poissons continuent à fonctionner après leur mort. Plus étonnant encore, certains de ceux qui régulent leur développement embryonnaire semblant se « mettre en sommeil » lors de leur naissance se réactivent après leur mort. Reste désormais à savoir si cela se produit également chez l’homme.

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