Au cours de la dernière décennie, les neurosciences ont fait un bond considérable dans leur développement, sous l’impulsion des nouvelles technologies aux efficacités croissantes. Chaque année, des découvertes sont réalisées et nous apportent leurs lots de réponses sur le fonctionnement de nos cerveaux. Afin d’aller plus loin dans l’étude de cet organisme, des chercheurs ont mis au point des « mini-cerveaux », qui sont parvenus à reproduire une activité électrique. Cependant, cette dernière se rapproche curieusement d’un cerveau en développement, plutôt que de l’activité d’un cerveau adulte. Certains chercheurs avancent que ces « mini-cerveaux » seront utiles pour comprendre les troubles cérébraux que peuvent avoir des nourrissons, lors de leur développement.
Une découverte surprenante
L’activité électrique des mini-cerveaux cultivés en laboratoire est donc similaire à celle observée chez les enfants prématurés. Certains des scientifiques estiment d’ailleurs que cela pourrait mener à de grandes avancées dans la recherche sur les troubles du développement du cerveau, et que nous avons là une avancée majeure pour l’étude du cerveau. C’est donc pour la première fois de l’histoire que des neuroscientifiques de l’Université de Californie à San Diego, ont observé une activité électrique spontanée dans un “mini-cerveau”, développé en laboratoire. Sachant qu’il est quasiment impossible d’analyser un foetus in-utero, c’est une avancée qui pourrait s’avérer majeure.
Comme indiqué dans un document de recherche préliminaire présenté aux membres de la “Society for Neuroscience” début novembre, une équipe de recherche, menée par le neuroscientifique Alysson Muotri, a utilisé des cellules souches pour faire pousser et naitre des centaines de “mini-cerveaux”, également appelés « organoïdes » du cerveau. Muotri et ses collègues ont donc développé ces cellules souches afin de former un tissu cortical, élément présent dans la région du cerveau humain. Pour information, on estime actuellement que c’est l’élément responsable de la cognition et de l’analyse des données sensorielles.
Régulièrement, les chercheurs enregistraient l’activité électrique, ou activités électroencéphalographiques (EEG). Au bout de six mois de croissance dans des boites de Pétri, les chercheurs ont constaté que l’activité électrique qu’ils mesuraient avait un taux plus élevé que celui observé auparavant dans les organoïdes cultivés en laboratoire. Cependant, au lieu d’avoir des résultats correspondants à des cerveaux adultes et matures, les schémas électriques étaient chaotiques, désordonnés, ce qui correspond davantage à une phase de développement du cerveau. Lorsque Muotri et ses collègues ont comparé l’activité électrique des organoïdes à celle observée chez les bébés prématurés, les chercheurs ont constaté que cette activité était remarquablement similaire à celle observée chez les bébés ayant 4 à 9 mois…
Des résultats qui divisent
Les neuroscientifiques ne sont, en revanche, pas du même avis sur l’interprétation des résultats. Hongjun Song, neuroscientifique à l’Université de Pennsylvanie, estime que les résultats démontrent que les organoïdes cérébraux pourraient être utilisés afin de modéliser le développement de troubles cérébraux au stade précoce chez les nourrissons. En clair, cette expérimentation pourrait servir de support de recherche, à une échelle plus grande.
D’un autre avis, Sampsa Vanhatalo, neuroscientifique à l’Université d’Helsinki, suggère elle que ce n’est pas parce que les modèles ont la même apparence que les mécanismes sont les mêmes. Elle pense qu’une nuance doit être apporté, et surtout ne pas s’emballer. Une ressemblance ne fait pas forcément état d’une correspondance.
Le groupe de chercheurs travaille désormais à faire pousser les organoïdes sur une durée plus importante, et voir s’ils continueront de mûrir. Si cette expérience fonctionne, ils souhaitent reproduire un cortex d’un humain adulte et normal, et s’en servir pour travailler dessus.
La question ne pourra en tout cas pas trouver de réponse à court terme, par manque de résultats concrets. Dans tous les cas, force est d’admettre que ces « mini-cerveaux » demeurent très éloignés de ceux que l’on possède dans notre tête. Malgré tout, cette découverte offre une piste de réflexion et d’étude pour ces scientifiques, afin de percer les secrets du cerveau humain…
L’étude de cerveau et son éthique
Parmi toute cette communauté neuroscientifique en ébullition, d’autres voix se font entendre. Un tel projet soulève notamment des questions d’éthique : et si ces cerveaux artificiels développaient une conscience, serait-ce valable de mener de telles expérimentations ? Où placer la limite, l’interdit, cette fameuse “deadline” qui est présente dans beaucoup de catégorie de recherches médicales ? Le neuroscientifique Christof Koch, qui est par ailleurs président et responsable scientifique en chef de l’Allen Institute for Brain Science à Seattle, explique : « Plus ils se rapprochent du prématuré, plus ils devraient s’inquiéter.” Ainsi, peut-être arrivera-t-on à un stade où l’interdit empiétera sur le scientifique, où la morale entrera en jeu et soulèvera des questions auxquelles la communauté scientifique, mais également la population aura certainement son mot à dire.
Malgré tout, déterminer si un organe est conscient ou non reste difficile à mettre en oeuvre. Les chercheurs ne s’entendent d’ailleurs pas concernant un cerveau adulte, sur comment mesurer la conscience. De même, ils ne sont pas d’accord pour déterminer la date de son apparition chez le nourrisson.. De son côté, Muotri explique qu’il envisagerait d’arrêter le projet si une conscience était décelée et prouvée dans ses mini-cerveaux.
Dans tous les cas, l’étude du cerveau n’en est à qu’à son commencement. Il faudra beaucoup de temps, de recherches et d’efforts pour arriver à comprendre cette partie si riche de l’organisme humain..
Par Benjamin Cabiron, le
Source: trustmyscience
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Catégories: Sciences humaines, Actualités